par Sarah Benilman, pour histoirecoloniale.net
Ce samedi 25 mai 2024, j’ai eu l’honneur d’organiser – au nom du podcast Mazal et dans le cadre du festival du film décolonial – une projection-rencontre exceptionnelle autour du film algérien Héliopolis, réalisé par Djaffar Gacem. Mazal est un podcast dédié à l’héritage franco-algérien en France. Cet événement s’inscrivait ainsi dans une démarche de mise en lumière des histoires partagées et souvent méconnues voire invisibilisées entre nos deux pays. Parmi celles-ci, celle emblématique des massacres coloniaux de mai-juin 1945 dans le nord-constantinois, perpétrés par l’armée et des milices de colons français contre les populations civiles algériennes. Le Général Duval a alors annoncé « Avec ça, je vous apporte la paix pour dix ans ». Effectivement, neuf ans après débutera l’insurrection armée du 1er novembre 1954.
« Héliopolis » nous plonge dans le contexte des tragiques événements de mai-juin 1945 à travers la petite histoire d’une famille bourgeoise algérienne. Cette tragédie constitue une page toujours invisibilisée de notre histoire commune. Le film raconte avec une intensité poignante les souffrances et les espoirs des Algériens de cette époque, offrant une relecture nécessaire et émouvante des faits historiques sans se centrer sur la violence. La présence du réalisateur, Djaffar Gacem, venu spécialement d’Alger, a conféré à cet événement une dimension particulière et mémorable.
Une salle remplie d’émotion
La projection s’est déroulée devant une salle comble, où l’émotion était palpable. Les spectateurs, touchés par la force narrative et visuelle du film ont réagi avec une profonde sensibilité offrant une standing ovation au réalisateur. Après la projection, une discussion s’est engagée entre le réalisateur et le public. Les questions ont été pléthoriques et n’ont cessé que lorsque le responsable du cinéma a demandé au réalisateur de partager des anecdotes sur le tournage et quand Djaffar Gacem a expliqué son intention de rendre justice à cette partie méconnue de l’histoire algérienne.
Les échanges ont été marqués par des questions pertinentes et des réflexions profondes sur la mémoire et l’histoire coloniale. Il y avait dans la salle des personnes originaires de Guelma qui ont dit avoir entendu les récits de ces événements depuis leur enfance par leurs grands-parents. Une petite-fille de colon de Constantine a également fait part de sa joie d’enfin connaître cette histoire longtemps tue dans sa famille. Parmi les témoignages marquants, un spectateur a exprimé sa gratitude : « Voir ce film m’a permis de comprendre une partie de l’histoire de ma famille que je connaissais peu. C’est important de ne pas oublier. » Ces paroles reflètent le besoin de reconnaissance et de réconciliation qui anime notre démarche. La discussion a permis de souligner l’importance de la mémoire collective et la nécessité de transmettre ces récits aux générations futures.
Un bilan positif et des projets à venir
Cette rencontre a été un succès retentissant, renforçant ma conviction intime en l’importance de tels événements pour favoriser le dialogue et la compréhension mutuelle. Nous prévoyons de continuer sur cette lancée, avec d’autres projections-rencontres et des épisodes de podcast explorant diverses facettes de l’héritage franco-algérien à la rentrée.
En organisant cette projection-rencontre de Héliopolis, nous avons non seulement célébré le talent cinématographique de Djaffar Gacem, mais aussi honoré la mémoire des victimes des massacres de 1945. Nous espérons que ces initiatives contribueront à une meilleure reconnaissance des injustices passées et à un futur de dialogue et de respect mutuel entre la France et l’Algérie. Ce fut une rencontre mémorable qui restera gravée dans les mémoires de tous les participants.
Sarah Benilman, 29 mai 2024.