
« Ils ont assassiné mon grand-père en mai 1945 à Guelma », par Sabrina Abda
Bonnes feuilles du livre dans lequel Sabrina Abda fait le récit de la violence meurtrière qui s’est abattue sur sa famille à Guelma en mai 1945.
Bonnes feuilles du livre dans lequel Sabrina Abda fait le récit de la violence meurtrière qui s’est abattue sur sa famille à Guelma en mai 1945.
« Heliopolis » retrace le début des évènements tragiques du 8 mai 1945 et les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata en Algérie durant la colonisation française. en présence du réalisateur Djaffar Gacem venu spécialement d’Alger
Le 8 mai 1945, en Algérie comme dans le reste du monde, on fête la défaite de l’Allemagne nazie. Dans plusieurs villes d’Algérie, des Algériens partisans de l’indépendance se joignent aux défilés. A Sétif, le jeune Saâl Bouzid, qui portait le drapeau algérien, est abattu par un policier et des Algériens fuyant la répression aveugle agressent à leur tour des Européens au hasard. La répression est massive et se prolonge dans tout le Nord-Constantinois. Des films et des livres éclairent cet événement qui a précipité la guerre d’indépendance, mais la République française n’a jamais reconnu officiellement sa responsabilité dans ce crime colonial. Ci-dessous la projection-débat qui a eu lieu à Paris, à l’ITS (dont les images ont été ajoutées), une émission de Dima TV, l’annonce d’un livre important paru en Algérie, d’une pièce de théâtre suivie d’une table ronde au CDN de Besançon, d’une rencontre à Saint-Denis autour du film « Héliopolis », et des initiatives organisées à Grenoble.
Si le 8 mai 1945 marque la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe, cette date a une toute autre signification en Algérie, notamment dans les villes de Sétif, Guelma et Kherrata où plusieurs milliers d’Algériens ont perdu la vie, victimes de la répression française. Dont des familles de soldats algériens encore en métropole après avoir libéré la France au sein de l’Armée d’Afrique. En 2005 l’ambassadeur de France à Alger a reconnu « une tragédie inexcusable » et en 2015 le Secrétaire d’Etat aux anciens combattants est allé déposer une gerbe au pied du mausolée au jeune scout Saal Bouzid tué par un policier, ce qui déclenchera les émeutes de Sétif. Mais, 77 ans plus tard, aucune reconnaissance solennelle vis-à-vis de la société française n’a été formulée par les plus hautes autorités de la République quant à la responsabilité de l’Etat dans ces massacres de mai et juin 1945.
Les autorités algériennes, en faisant du 8 mai 1945 une journée nationale de la mémoire, ont souligné l’importance de cet épisode dans la prise de conscience des Algériens de la nécessité de l’indépendance du pays. Même si, comme en ont témoigné les présidents successifs de la Fondation du 8 mai 45, tels Bachir Boumaza, Mohamed El Korso et aujourd’hui Abdelhamid Salakdji, le régime instauré après 1962 a longtemps négligé les victimes de ce massacre comme tout ce qui a précédé la fondation du FLN en 1954. Ci-dessous, deux articles du quotidien El Watan et les échos des demandes en France de la reconnaissance de ce massacre par les autorités du pays. En particulier, en ce 8 mai 2021, une plaque commémorant « l’Autre 8 mai 1945 » a été inaugurée à Saint-Denis par le maire de cette ville et un rassemblement a eu lieu à Nanterre en présence de plusieurs élus.
Le 8 mai 1945 est un enjeu politique en Algérie. Le président Tebboune a annoncé la création d’une « Journée nationale de la Mémoire » et d’une chaîne thématique sur l’histoire. Le pouvoir, fortement contesté par le hirak, tente maintenant de faire de cet événement majeur, longtemps écarté de l’histoire officielle, un outil pour se légitimer et mettre au pas le travail historique. Le conseiller du président chargé de la mémoire nationale, directeur des Archives nationales, Abdelmadjid Chikhi, a pris à partie les historiens algériens, demandé « la création d’une approche algérienne de l’histoire de l’Algérie » et stigmatisé globalement « la France ». En revanche, dans un entretien à l’APS, l’historien Hassan Remaoun a souligné qu’un grand travail a été mené depuis 1962 par de nombreux historiens algériens et aussi qu’« il existe en France des citoyens, des historiens, associations et autres institutions qui mènent un combat permanent pour que la vérité soit reconnue et justice rendue aux victimes de la colonisation ». Notre site a consacré depuis vingt ans plusieurs centaines d’articles au 8 mai 1945.
En mai 2018, différentes rencontres et publications ont contribué, en France comme en Algérie, à une meilleure connaissance des massacres de mai-juin 1945 dans le Constantinois. Un colloque s’est tenu, les 5 et 6 mai 2018, à l’Université Ferhat Abbas de Sétif. Et l’auteur du livre « La fosse commune » (Alger, El Ibriz, 2016), Kamel Beniaiche, a fait plusieurs interventions en France, notamment lors de l’assemblée générale de l’Association des anciens appelés en Algérie contre la guerre (4ACG) qui s’est tenue le 12 mai à Nant, dans l’Aveyron. Nous publions ici deux articles sur ce sujet parus dans le quotidien algérien « El Watan ».
Depuis le 8 mai 2015, qui marquait les 70 ans des massacres de masse, dans le Constantinois, de milliers d’Algériens par la police et l’armée française ainsi que par des milices d’européens armés, un rassemblement a lieu chaque année à Paris. Pour demander aux plus hautes autorités de l’Etat la reconnaissance de cet événement et l’ouverture des archives. Suite à un appel national dont nous reproduisons ici le texte, des rassemblements ont eu lieu le 8 mai 2018, à l’appel de diverses associations, à Paris, place du Châtelet, ainsi que dans plusieurs autres villes.
A l’occasion d’une rencontre organisée, le 7 mai 2005 à Paris, à l’EHESS, par la Ligue des droits de l’homme pour les 60 ans du 8 mai 1945 dans le Constantinois — à laquelle avaient notamment participé Hocine Aït-Ahmed, Chawki Mostefaï et Henri Alleg —, elle avait publié sur son site national le rapport du général Tubert, inédit jusque-là dans son intégralité. Ce document donne quelques éléments sur le déclenchement de la répression et témoigne de la volonté de ce membre du comité provisoire de la LDH en 1943, finalement empêché de se rendre sur place, de mettre fin aux massacres commis par l’armée et des civils européens. Quand, en 2008, la LDH a modifié son site, le Rapport Tubert a fait partie des éléments qui en ont été retirés. Nous le reproduisons ici.
Dans son édition du 3 mai 2017, le quotidien algérien El Watan revient sur les rapports entre la France et l’Algérie.
Le journal publie en effet un article intitulé «Les massacres du 8 Mai 1945 s’invitent dans la présidentielle française», suivi d’une interview de l’historien Gilles Manceron 1. L’historien déclare notamment que « la reconnaissance est une condition au dépassement du passé colonial et au rétablissement de relations apaisées entre les deux pays»
La presse algérienne a marqué le soixantième anniversaire du soulèvement du Nord-Constantinois et de la répression qui l’a suivi, en publiant de nombreux articles consacrés à ces événements. Nous reprenons celui publié par Algérie Presse Service, qui offre une bonne présentation du livre de Claire Mauss-Copeaux, Algérie, 20 août 1955. Insurrection, répression, massacres 2.
Le 20 décembre 2012, le Président de la République, François Hollande, avait déclaré devant le Parlement algérien : « les massacres de Sétif, de Guelma et de Kherrata demeurent ancrés dans la conscience des Algériens, mais aussi des Français.» Mais il a fallu attendre 70 ans, pour qu’à l’occasion d’un déplacement à Sétif le 19 avril 2015, un membre du gouvernement français reconnaisse enfin l’un des pires “crimes coloniaux” perpétrés par la France en Algérie. Le lendemain, dans une allocution prononcée dans la résidence de l’ambassadeur de France à Alger, M. Jean-Marc Todeschini, Secrétaire d’État auprès du ministre de la Défense chargé des Anciens combattants et de la Mémoire, déclarait : « Ces pages noires» font « partie de notre histoire » 3.
L’historien Jean-Pierre Peyroulou fait une synthèse des massacres de mai-juin 1945 dans le Nord-Constantinois, et notamment autour de Guelma et de Sétif.