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Édition du 1er au 15 octobre 2024

Le gouvernement répond à une question concernant l’OAS : « La légalité républicaine est ainsi scrupuleusement respectée »

Le 16 mars 2006, le sénateur Guy Fischer, dans une question écrite adressée au gouvernement, s'était inquiété de la nomination d'un membre de l'OAS à la commission d'indemnisation créée par la loi du 23 février 2005. Le ministre délégué aux Anciens combattants, Hamlaoui Mekachera, lui a répondu le 24 août 2006 que «la légalité républicaine [a été] scrupuleusement respectée». Nous voila rassurés ! [Première mise en ligne, le 22 juillet 2006 ; mise à jour, le 27 août 2006.]

Question écrite n° 22194 de M. Guy Fischer (Rhône – CRC)

publiée dans le JO Sénat du 16/03/2006 – page 746

M. Guy Fischer appelle l’attention de M. le Premier ministre sur la nomination d’un membre de l’OAS (Organisation de l’armée secrète), bien connu pour ses activités durant la guerre d’Algérie, au sein de la commission d’indemnisation créée par l’article 13 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005. Cet article, qu’il avait déjà eu l’occasion de dénoncer lors de l’examen de la loi au Sénat, permet d’indemniser les civils de cette organisation criminelle qui avaient fui à l’étranger plutôt que de se soumettre à la justice de notre pays et sont rentrés en France après les lois d’amnistie. Si le fait de les indemniser – donc de les réhabiliter – constitue déjà un scandale, il est proprement injurieux pour les descendants des victimes de ces bourreaux de voir une telle personne devenir juge et partie au sein de la commission nationale. Un tel mépris des victimes étant incompatible avec les principes fondateurs de notre République, il lui demande de revenir dans les meilleurs délais sur la nomination de cet individu.

Transmise au Ministère délégué aux anciens combattants

En attente de réponse du Ministère délégué aux anciens combattants1

Réponse de M. le ministre délégué aux anciens combattants

publiée dans le JO du Sénat le 24/08/2006 – page 2182

Le ministre délégué aux anciens combattants précise à l’honorable parlementaire que l’article 13 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés permet aux personnes de nationalité française à la date de publication de la loi ayant fait l’objet, en relation directe avec les événements d’Algérie pendant la période du 31 octobre 1954 au 3 juillet 1962, de condamnations ou de sanctions amnistiées, de mesures administratives d’expulsion, d’internement ou d’assignation à résidence et ayant dû de ce fait cesser leur activité professionnelle, de bénéficier d’une indemnité forfaitaire. La mise en place de cette indemnisation a été rendue possible par la loi d’amnistie n° 82-1021 du 3 décembre 1982 relative au règlement de certaines situations résultant des événements d’Afrique du Nord, de la guerre d’Indochine ou de la Seconde Guerre mondiale, modifiée par la loi n° 87-503 du 8 juillet 1987, et qui permet aux fonctionnaires, agent publics, magistrats et militaires condamnés amnistiés, de bénéficier de la prise en compte, pour leur retraite, des annuités correspondant à la période comprise entre la date de radiation des cadres et la limite d’âge du grade détenu ou de l’emploi occupé au moment de la radiation ou de la date du décès de l’intéressé. L’article 13 de la loi du 23 février 2005 a pour objet principal de mettre fin à la différence de traitement résultant de la loi du 3 décembre 1982 entre salariés du public et salariés du privé, en instituant une indemnité forfaitaire destinée à réparer le préjudice financier en matière de droits à la retraite, en raison de l’inactivité professionnelle due à leur internement administratif, assignation à résidence ou expulsion en Espagne ou en Italie jusqu’en 1968. En 2005, pas plus qu’en 1982, le législateur n’a donc eu l’intention de réhabiliter quelque action que ce soit. De nombreux intervenants avaient souhaité qu’un texte législatif fasse cesser cette inégalité entre citoyens. La loi du 23 février 2005, en son article 13, a permis de répondre à cette demande. S’agissant de la composition de la commission chargée de mettre en oeuvre ces mesures, le ministre indique qu’elle respecte, d’une part, les dispositions de l’article 4 du décret n° 2005-540 du 26 mai 2005 pris pour l’application de l’article 13 de la loi du 23 février 2005 et, d’autre part, les principes posés par la loi d’amnistie du 3 décembre 1982. La légalité républicaine est ainsi scrupuleusement respectée.

L’OAS : Un creuset de l’extrême droite

[Cet entretien, réalisé par R.M., a été publié
dans L’Humanité, le 19 mai 2006]

Pour l’historienne Sylvie Thénault 2, l’extrême violence de l’OAS obéit à une stratégie : tenter de torpiller le processus qui conduira à l’indépendance.

  • La violence des crimes commis par l’OAS ne peut seulement s’expliquer, selon vous, par la conscience de défendre une cause désespérée. Quelle stratégie politique servait alors cette violence ?

Sylvie Thénault. Il s’agissait de torpiller toute possibilité de sortir de la guerre. L’OAS se forme en 1961. À cette époque, des premiers pourparlers ont déjà eu lieu entre dirigeants algériens et représentants français. L’objectif de cette organisation était donc de poursuivre la guerre, d’éviter à tout prix que soit trouvée une issue qui conduise à l’indépendance.

  • De quel type de complicités officielles a pu bénéficier cette organisation criminelle ?

Sylvie Thénault. Cela reste un pan encore méconnu de l’histoire de l’OAS. Mais les relais intellectuels ne se démentent pas. Ils existent dans certains organes de presse, comme le Parisien, ou dans des titres d’extrême droite comme Rivarol. Des hommes politiques aussi appuient l’OAS, au moins sur le plan des idées. Citons le « comité de Vincennes », qui compte parmi ses membres Jean-Marie Le Pen. On a beaucoup parlé de complicités à Matignon même, mais cela demeure assez mystérieux et n’est pas établi. Nous manquons, dans ce domaine, de sources écrites et travaillons à partir de témoignages souvent parasités par les rancœurs et les règlements de comptes.

  • Quelle est la nature des liens qui unissent l’OAS et l’extrême droite française ?

Sylvie Thénault. L’OAS est un creuset dans lequel on retrouve tous les grands courants de l’extrême droite française : catholiques intégristes, partisans d’un État autoritaire, activistes se réclamant du régime de Salazar au Portugal, monarchistes, etc. Au fur et à mesure que la cause de l’Algérie française perdait de l’audience dans l’opinion, elle s’est repliée sur le terrain d’une extrême droite qui en fait son nouveau combat. Paradoxalement, c’est ce qui a fait la faiblesse de l’OAS, car derrière ce combat n’existait aucun projet unissant tous ces courants.

  • Cette histoire revient aujourd’hui sur le devant de la scène, avec l’affaire des stèles de Marignane, mais aussi le vote de la loi du 23 février et de son article 13, toujours en vigueur. Pourquoi vous être ainsi engagée contre cette loi ?

Sylvie Thénault. Ces évènements ne sont pas le fruit du hasard, dans une période où l’extrême droite a le vent en poupe. Critiquer cet article 13 fait partie, à mes yeux, du combat contre cette extrême droite. Les activistes de l’OAS étaient des criminels. La violence des commandos Delta est trop méconnue. Leurs membres étaient sans pitié, sanguinaires. Nous ne parlons donc pas de victimes de condamnations politiques, mais bien de criminels qui ont du sang sur les mains et l’ont revendiqué.

  1. Trois mois plus tard, n’ayant pas reçu de réponse, le sénateur Guy Fischer devait rappeler sa question (le 29 juin 2006).
  2. Sylvie Thénault est l’auteure de Histoire de la guerre d’indépendance algérienne, éditions Flammarion, 2005. 306 pages, 21 euros.
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