Le système colonial français en Algérie
Le colloque organisé par la LDH 66 s’est tenu dans un contexte local marqué par la collusion mairie de Perpignan-cercle algérianiste dans le but de faire prévaloir une vision partielle et partiale de l’histoire franco-algérienne. L’historien Gilles Manceron, qui avait la veille visité le Centre de documentation des Français d’Algérie a déclaré avoir « été choqué, qu’une collectivité locale endosse un récit mémoriel qui relève du communautarisme et qui ne prend pas en compte la réalité de la colonisation ». C’est cette réalité qu’il devait évoquer au cours de son intervention. Conquête, massacres, dépossession, répression, négation des droits des populations algériennes ont été les mots clefs employés pour décrire le processus de la colonisation de peuplement en Algérie, tout en précisant, faisant référence aux Français d’Algérie, qu’il ne s’agissait pas « de mettre en accusation les gens qui y ont participé ».
C’est avec ce même souci que Fatima Besnaci-Lancou de l’Association Harkis et Droits de l’Homme était venu parler de la question des harkis. C’est en historienne qu’elle a parlé de ces « paysans Algériens », en contextualisant les raisons complexes qui les ont contraints, pour la majorité d’entre eux, à devenir des supplétifs : « l’armée française est allé chercher ces arabo-berbères pour « économiser » les soldats français et pour montrer qu’il y avait des Algériens qui étaient du côté de la France ». Cette approche devait être complétée par le témoignage de Amar Meniker (Association des Harkis pour le Mémorial de Rivesaltes) qui, en 1962, s’est retrouvé avec toute sa famille, comme ce fut le cas de la précédente conférencière, dans un camp de regroupement. Avant qu’une discussion s’instaure sur ces questions, Mireille Fanon Mendes-France de la Fondation Frantz Fanon avait donné lecture d’une importante contribution qui fera l’objet d’un papier ultérieur. Pour l’heure, nous ne retiendrons que des extraits de sa conclusion.
« 50 ans après, quelles interrogations sur notre passé commun ? »
La décolonisation, si elle s’est opérée sur un plan institutionnel, n’a pas touché l’idéologie officielle ni les appareils de l’Etat français dans le dépassement du néocolonialisme ce qui aurait permis l’émergence d’une reconfiguration des relations entre la France et l’Algérie.
En définitive, ce qui doit être interrogé, ce n’est pas tant l’histoire de la guerre d’Algérie que la nature des relations franco-algériennes qui relèvent d’un non-dit et du caché.
En préalable à une recomposition des relations, il faudrait décoloniser l’Histoire ; la France devrait regarder son passé sans auto-flagellation mais sans complaisance. Pourtant, on ne semble pas s’en approcher, au contraire ; les intellectuels organiques du libéralisme au pouvoir distillent à longueur de colonnes et sur tous les plateaux de télévision les thématiques de l’arabophobie et de l’islamophobie.
Le suprématisme occidental et les élites politiques ont entraîné l’opinion dans une représentation européo-centrée qui n’est qu’une réécriture plus politiquement correcte d’une conception raciste du monde de plus en plus présente dans le champ politique.
L’héritage d’une histoire terrible ne peut être dépassé que par la disparition des formes d’oppression qui la perpétuent.
Un centre de documentation très orienté
Après plusieurs années de polémiques, un Centre de documentation des Français d’Algérie (CDFA), a été inauguré le 29 janvier 2012, dans l’ancien couvent Ste Claire à Perpignan.
Alors que le maire de Perpignan, Jean-Marc Pujol, lui-même pied-noir, avait annoncé son intention de «dépolitiser» l’inauguration, celle-ci s’est déroulée en présence de Gérard Longuet, ministre de la Défense, pendant le congrès annuel du Cercle algérianiste1.
Un congrès au cours duquel Thierry Rolando, président national du Cercle algérianiste avait insisté sur «l’éternel besoin de reconnaissance du drame que nous avons vécu, de la mémoire de ceux que nous avons laissés de l’autre côté de la Méditerranée»2.
Le Centre de documentation reste contesté par un collectif d’opposants regroupant plus d’une quinzaine d’associations, dont la LDH, qui regrettent que le Cercle algérianiste soit la seule association ayant alimenté le fonds.
« Nous voulons un lieu de mémoire partagée »
Les opposants rappellent que ce centre de documentation fait suite à la “stèle de l’OAS” érigée en 2003 au cimetière du Haut-Vernet et dont ils demandent le déménagement dans un lieu privé, et au “mur des Disparus” inauguré en 2007.
«Nous ne remettons pas en cause la création d’un centre d’information, à condition qu’il porte sur l’histoire franco-algérienne, que ce soit un lieu de mémoire partagée et qu’il soit piloté par un comité scientifique constitué d’historiens. Comme cela avait été promis par Jean-Paul Alduy, clament d’une même voix les membres du collectif. Mais confier ce centre de documentation au seul Cercle algérianiste, c’est scandaleux. Car cela représente une subvention de 1,8 M€ au bénéfice d’une association ! Peut-être les habitants de Perpignan pourraient contester l’utilisation de ces fonds publics à des fins partisanes…»3