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Édition du 1er au 15 décembre 2024

Viviane Reding : les discriminations fondées sur l’origine ethnique sont incompatibles avec les valeurs de l’Europe

Le 14 septembre 2010, Viviane Reding, Vice-Présidente de la Commission européenne responsable de la Justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté, a fait une déclaration sur l’évolution de la situation des Roms. Après avoir souligné que les événements « donnent l’impression que des personnes sont renvoyées d’un Etat membre juste parce qu’elles appartiennent à une minorité ethnique », elle a ajouté « Je pensais que l’Europe ne serait plus témoin de ce genre de situation après la Seconde Guerre mondiale. » Elle a conclu son intervention : « Je suis personnellement convaincue que la Commission n’aura pas d’autre choix que d’ouvrir une procédure d’infraction à l’encontre de la France. […] Aucun Etat membre n’est en droit de s’attendre à un traitement spécial lorsque les valeurs fondamentales et le droit européen sont en jeu. »

Déclaration de Viviane Reding sur l’évolution de la situation concernant les Roms1

Bruxelles, le 14 septembre 2010

La Commission européenne a suivi de très près l’évolution de la situation concernant les Roms en France, au cours des dernières semaines.

J’ai été personnellement choquée par des circonstances qui donnent l’impression que des personnes sont renvoyées d’un Etat membre uniquement parce qu’elles appartiennent à une certaine minorité ethnique. Je pensais que l’Europe ne serait plus le témoin de ce genre de situation après la seconde guerre mondiale.

J’ai clairement exprimé mes doutes concernant la légalité des mesures françaises, dans ma déclaration publique du 25 août, faite de commun accord avec le Président de la Commission, avec qui j’ai travaillé étroitement sur cette question pendant l’été.

Le 1er septembre dernier, j’ai, présenté avec le commissaire Andor et la commissaire Malmström, une analyse juridique préliminaire des mesures françaises, au Président Barroso et au Collège des commissaires.

Cette analyse préliminaire a souligné, entre autres, que la France serait en violation des lois de l’Union européenne si les mesures prises par les autorités françaises lors de l’application de la Directive sur la libre circulation, ciblaient un groupe particulier de personnes sur base de la nationalité, de la race ou de l’origine ethnique.

Le Collège des commissaires a tenu un débat approfondi sur cette question la semaine dernière à Strasbourg.

Lors d’une réunion formelle avec les ministres français Eric Besson et Pierre Lellouche, la Commission européenne, représentée par la commissaire Malmström et moi-même, a reçu des assurances politiques qu’aucun groupe ethnique spécifique n’avait été ciblé en France. Cela n’a pas permis de dissiper nos doutes.

C’est pourquoi mardi dernier, j’ai aussi envoyé une lettre formelle au ministre français Besson demandant des informations supplémentaires à envoyer rapidement à la Commission.

Je regrette profondément que les assurances politiques données par deux ministres français mandatés officiellement pour discuter de cette question avec la Commission européenne, sont maintenant ouvertement contredites par une circulaire administrative de ce même gouvernement.

Le rôle de la Commission en tant que gardienne des Traités est rendu extrêmement difficile si nous ne pouvons plus avoir confiance dans les assurances données par deux ministres lors d’une réunion formelle avec deux commissaires et en présence de 15 fonctionnaires de haut niveau de part et d’autre de la table.

Vu l’importance de la situation, il ne s’agit pas d’un affront mineur. Après 11 ans d’expérience à la Commission, je dirais même plus, c’est une honte.

Soyons clairs : la discrimination basée sur l’origine ethnique ou la race, n’a pas de place en Europe. Elle est incompatible avec les valeurs sur lesquelles l’Union européenne est fondée. Les autorités nationales qui discriminent des groupes ethniques lors de l’application du droit de l’Union européenne violent aussi la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, que tous les Etats membres ont signée, y compris la France.

Je trouve donc extrêmement troublant que l’un de nos Etats membres, à travers des actes de son administration, remette en question, de manière aussi grave, les valeurs communes et le droit de l’Union européenne.

Je souhaite aussi exprimer mon désaccord avec les déclarations faites hier par le Secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes mettant en cause le rôle de la Commission européenne en tant que gardienne des Traités. Permettez-moi de rappeler le rôle de la Commission en tant que gardienne des Traités, qui est un des fondements de l’Union européenne – une Union qui existe, non pas par la force, mais à travers le respect des règles de droit adoptées par tous les Etats membres, y compris la France.

Je note que les autorités françaises elles-mêmes semblent prendre conscience que les évènements de ce weekend les mettent dans une situation intenable. Je note également qu’hier après-midi, le ministre français de l’Intérieur a signé une nouvelle circulaire éliminant les références à un groupe ethnique spécifique. Nous sommes en train d’en examiner les conséquences juridiques. Il est important que ce ne soient pas seulement les mots qui changent mais aussi le comportement des autorités françaises. Je demande donc aux autorités françaises une explication rapide.

La Commission tiendra compte de l’ensemble des évolutions ainsi que de toute autre documentation pertinente, dans son analyse juridique de la situation. Cette analyse juridique est conduite en étroite coopération par mes services, les services des commissaires Malmström et Andor, ainsi que le Service juridique du Président. Je m’attends à ce qu’elle soit finalisée dans les jours qui viennent.

Je suis personnellement convaincue que la Commission n’aura pas d’autre choix que celui d’ouvrir une procédure d’infraction à l’encontre de la France, sur la base de deux motifs :

  • le premier : application discriminatoire de la Directive sur la libre circulation.;
  • le second : défaut de transposition des garanties procédurales et matérielles prévues par la Directive sur la libre circulation.

Bien sûr, je donnerai aux autorités françaises le droit de soumettre dans les prochains jours leurs commentaires sur les nouvelles évolutions. Toutefois ma patience a des limites, trop c’est trop.

Aucun Etat membre n’est en droit de s’attendre à un traitement spécial lorsque les valeurs fondamentales et le droit de l’Union européenne sont en jeu. Aujourd’hui cela s’applique à la France. Et cela s’appliquera de la même manière à tout autre Etat membre, grand ou petit, qui serait dans une situation comparable. Vous pouvez compter sur moi.

Viviane Reding

  1. Référence : http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=SPEECH/10/428&format=HTML&aged=0&language=FR&guiLanguage=en
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