4 000 articles et documents

Rechercher
Fermer ce champ de recherche.
Édition du 15 septembre au 1er octobre 2024

vers la résorption des bidonvilles

Le mal-logement est une question lancinante : il constitue une atteinte à la dignité humaine et une barrière à l’emploi et à l’insertion sociale. Il touche 3,5 millions de personnes dans notre pays, dont un quart d’enfants. C’est pourquoi le gouvernement a fait de la résorption du mal-logement un pilier de son Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Dans ce cadre, une convention avec l'Adoma a été signée ce 11 mars 2014 visant la résorption d'ici 3 ans des 430 bidonvilles, où vivent aujourd’hui près de 19 000 personnes. Les campements de familles Roms ne sont pas explicitement désignés mais il apparaît clairement que cette population sera une cible prioritaire. Par une telle décision le gouvernement semble reconnaître que le Roms sont en France pour longtemps. On notera cependant que la politique d’l’évacuation des occupations illégales n’est pas remise en cause. 1

Le gouvernement admet que les Roms sont en France pour longtemps

par Elise Vincent, Le Monde, le | 11 mars 2014

Alors que les campements illicites de Roms sont devenus un sujet récurrent de crispations politiques, c’est dans une relative discrétion, lundi 10 mars, qu’une convention entre le gouvernement et la société d’économie mixte Adoma (ex-Sonacotra), spécialisée dans le logement des plus démunis, a été signée, afin d’aider à la résorption de ce qu’il est désormais convenu d’appeler des « bidonvilles ».

A deux semaines des élections municipales, ce changement n’est pas que sémantique. Il révèle une nouvelle approche. Alors que, sous Nicolas Sarkozy, les Roms étaient d’abord considérés comme des migrants en situation irrégulière à expulser s’ils n’étaient pas autonomes financièrement – soit une application stricte de la législation européenne en matière de séjour –, la gauche semble de plus en plus considérer qu’il y a moins un problème d’immigration à régler que de logement.

En signant ce nouveau partenariat pour trois ans avec Adoma, le gouvernement s’aligne sur une analyse défendue par le monde associatif : celle selon laquelle la proximité géographique entre la France, la Roumanie et la Bulgarie risque de maintenir longtemps des bidonvilles aux abords des grandes agglomérations. Une situation source de tensions multiples à laquelle il conviendrait mieux de mettre fin en relogeant progressivement leurs occupants. D’autant que ceux-ci ne seraient pas plus de 20 000 en France, soit 3 000 à 4 000 familles.

METTRE À PROFIT LA VACANCE STRUCTURELLE DU PARC

La convention entre l’Etat et Adoma a un double objectif. D’un côté, il s’agit de mobiliser l’expertise de la société d’économie mixte afin qu’elle joue un rôle de coordinateur dans l’accompagnement social des Roms. De l’autre, il s’agit de mettre à profit la vacance structurelle du parc d’Adoma, de l’ordre de 1 000 logements sur 70 000, afin de reloger progressivement des familles volontaires pour intégrer des programmes d’insertion.

Le modèle en la matière vient de Lyon, avec le travail mené par l’association Forum Réfugiés depuis 2011, dans le cadre d’un programme appelé « Andatu ». Grâce à une bonne coordination avec les bailleurs sociaux, 400 Roms ont obtenu un titre de séjour, un logement, des cours de français et un accompagnement vers l’emploi.

Le partenariat entre l’Etat et Adoma, piloté par le ministère du logement, s’inscrit, lui, dans le cadre d’une circulaire publiée en août 2012. Ce texte était censé mieux encadrer les évacuations et favoriser l’intégration des Roms. Mais un an après, Matignon admettait que son bilan était maigre.

UN SOUS-PRÉFET CHARGÉ DU SUIVI DES CAMPEMENTS ILLICITES

Principal problème invoqué par les acteurs de terrain : le manque de logements, surtout en Ile-de-France où se situent les deux tiers des Roms. Sous l’effet du droit opposable au logement et de la rénovation des quartiers sensibles, le nombre de personnes prioritaires au relogement a explosé et le parc social est saturé.

Quand une évacuation est programmée, l’Etat n’a souvent plus à proposer aux Roms – comme l’impose le code de l’action sociale – que quelques nuitées d’hôtel. Or ces hôtels sont souvent situés en lointaine banlieue, loin des transports, loin des écoles, et on ne peut y cuisiner. Beaucoup de Roms ont donc fini par préférer dormir dehors plutôt que de les accepter.

Pour tenter de sortir de cette impasse, le gouvernement a, en plus d’Adoma, missionné depuis septembre 2013 un sous-préfet spécialement chargé du suivi des campements illicites à la préfecture d’Ile-de-France. Jérôme Normand doit notamment piloter les « diagnostics » créés par la circulaire d’août 2012, soit le recensement des personnes dans les campements avant évacuation, qui sert ensuite de base à toute l’offre de relogement et d’aide sociale.

UN FINANCEMENT HANDICAPANT

M. Normand est par ailleurs engagé dans une évaluation de la quinzaine de villages d’insertion de la région. Ces villages fonctionnent relativement bien, mais sont très onéreux. En Seine-Saint-Denis, pour 500 personnes réparties dans cinq villages, il a fallu plus de 5 millions d’euros. Le travail de M. Normand devrait donner lieu à des propositions d’ici à l’été.

Toute la difficulté pour M. Normand comme pour Adoma, devrait être de faire adhérer à des programmes d’insertion un public très précarisé, concentré sur une vie au jour le jour. Même dans les villages d’insertion, le taux d’assiduité en cours des enfants ne dépasse pas 40 %. Et ce, alors que les parents s’engagent en principe à les scolariser en échange du logement.

Le gros handicap de toutes ces initiatives reste leur financement. L’enveloppe dont a bénéficié Adoma devra vite être rallongée sur des crédits d’urgence. Le budget affecté aux politiques d’intégration, qui sert notamment à financer les cours de français, est en baisse de 3 % en 2014, tandis que les enveloppes allouées aux préfets de régions le sont de 5,6 %.

Reste le coeur du débat : les évacuations de campements illicites, auxquelles le gouvernement n’entend pas pour l’instant renoncer. En 2013, elles ont atteint le niveau record de 20 000, a dénoncé le collectif Romeurope dans son rapport annuel, le 5 mars.

Facebook
Twitter
Email