MANIFESTE – UNISSONS-NOUS CONTRE L’ISLAMOPHOBIE ET LES DÉRIVES SÉCURITAIRES
La marche du 11 janvier 2015 a exprimé la condamnation résolue des attentats des 7, 8 et 9 janvier et la solidarité avec les victimes.
Que nous y ayons participé ou pas, nous dénonçons ceux qui tentent de dévoyer et de pervertir l’émotion légitime qui s’est manifestée ce jour-là en dressant une partie de la population contre une autre, en alimentant une islamophobie nauséabonde.
C’est donner ainsi raison, après coup, aux terroristes, dont l’intention était clairement de provoquer la rupture entre les habitants de ce pays, le rejet de l’islam dans une part importante de la population, et la peur chez les musulmans et chez les juifs.
La plupart des responsables politiques et des commentateurs ont dénoncé avec raison toute tentative d’amalgame. Certains sont pourtant tombés dans ce piège, et ont tenu des propos inadmissibles ou lourds de sous-entendus. Déjà, le nombre d’actes islamophobes (agressions physiques ou verbales de personnes, attaques contre des lieux de culte, etc.) se monte à plus de 200 durant les deux semaines qui ont suivi ces tueries, autant que durant toute l’année 2014.
Nous affirmons que notre solidarité avec les victimes des attentats sanglants doit s’étendre à tous ceux qui sont aujourd’hui pris comme boucs émissaires et qui ressentent au quotidien, notamment dans les quartiers populaires, les effets d’une haine instillée depuis de nombreuses années.
Des mesures de sécurité sont nécessaires et compréhensibles, mais nous refusons toute aggravation de la législation en contradiction avec les libertés et la dérive sécuritaire que certains voudraient faire prendre à nos institutions (illustrée en particulier par des condamnations à des peines de prison de personnes ivres ou psychiquement déficientes, ou encore par des auditions par la police de très jeunes mineurs). Les paroles des enfants doivent être entendues et doivent faire l’objet de réponses pédagogiques dans le cadre de l’école et des autres structures éducatives. Les délits d’apologie doivent faire retour dans la loi de 1881 qui encadre la liberté d’expression et la répression de ses abus.
La laïcité, valeur fondamentale de notre République, doit cesser d’être détournée de manière suspicieuse à l’encontre des musulmans et doit retrouver sa signification fondamentale qui est, en séparant l’Etat des religions, de garantir le vivre ensemble d’individus ayant des convictions différentes et de permettre à chacun de pratiquer sa religion, de n’en pratiquer aucune ou de changer de religion, en pleine liberté.
Nous sommes plus que jamais attachés à l’article premier de la loi de 1905 : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées dans l’intérêt de l’ordre public. » Aussi nous revendiquons la liberté pour tous de pratiquer et d’exprimer sa religion au grand jour, d’être présent-es dans la société avec ses lieux de culte sans entraves ni violences, de pouvoir fréquenter les institutions publiques, à commencer par l’école, sans discrimination, d’avoir les même droits et les mêmes opportunités face au monde du travail.
Personne ne devrait craindre d’être victime de paroles ou de violences racistes, ni d’abus policiers, et personne ne devrait se voir continuellement sommé-e de se désolidariser d’actes quelconques en raison de sa religion ou de ses origines. Nous condamnons résolument toute forme de racisme, d’antisémitisme ou d’islamophobie qui chercherait à tirer prétexte des tragiques événements que nous avons vécus.