
Alors qu’une crise diplomatique entre Paris et Alger bat son plein, une quarantaine d’élus français, parlementaires et élus locaux, de gauche et centristes, se sont rendus en délégation en Algérie, à l’occasion du 80e anniversaire des massacres du Nord-Constantinois en mai-juin 1945. Ils sont allés participer aux cérémonies organisées à Alger, Sétif et Kherrata, et ont fait savoir leur exigence que la France reconnaisse enfin ce crime d’Etat. Nous publions ici la vidéo de la déclaration faite par cette délégation à Kherrata et tournée par Berbère télévision, ainsi que l’un des reportages sur cette visite française de la télévision algérienne Canal Algérie.
Algérie-France : Déclaration conjointe des parlementaires et élus locaux après leur visite en Algérie pour commémorer les massacres du 8 mai 1945@SabrinaSebaihi @SimonnetDeputee pic.twitter.com/jBJYP0yZ0N
— Berbère Télévision (@BerbereTV) May 12, 2025
Un reportage de la télévision algérienne
Un article du Monde
En Algérie, la mémoire « intacte » des massacres commis par l’armée coloniale française en 1945
En pleine crise diplomatique entre Paris et Alger, une délégation d’élus français s’est rendue dans le Constantinois pour commémorer les crimes perpétrés le 8 mai 1945 et œuvrer pour une reconnaissance officielle.
par Simon Roger (Sétif, Kherrata, Algérie, envoyé spécial), publié le 12 mai 2025.

A 86 ans, Khaled Haffad n’a rien oublié du 8 mai 1945 dans sa ville de Sétif : « J’étais un petit garçon et je me souviens de mon oncle, militant nationaliste actif, ancien gendarme, nous racontant la manifestation organisée ce jour-là et la réaction de la police française, qui a tiré sur un jeune homme [Bouzid Saâl] qui brandissait un drapeau algérien. Je me souviens de mon père, militant nationaliste lui aussi, arrêté quelques jours plus tard et menotté devant mes yeux. » « Je me souviens des récits de massacres », raconte encore le président de l’association locale des moudjahidine, d’une voix emplie d’émotion, lors des commémorations de ce moment charnière de l’histoire de l’Algérie, qui ont eu lieu à Sétif du 8 au 10 mai.
Il y a 80 ans, rassemblée dans la ville du Constantinois pour célébrer la victoire sur le nazisme, exiger l’indépendance et réclamer la libération de Messali Hadj, le fondateur du Parti du peuple algérien, la foule bascule alors dans des émeutes qui entraîneront la mort d’une centaine d’Européens à Sétif, Guelma Bône et Batna.
En réaction, l’armée française mobilise quelque 10 000 hommes, des avions et des navires de guerre, et reçoit l’appui de milices. Ces forces coloniales vont se livrer à une répression sanglante et massive, dans tout le Constantinois, qui prendra fin en juin. Ces opérations ont fait 45 000 morts, selon les estimations officielles algériennes ; entre 8 000 et 30 000 morts d’après les historiens.
« Demander pardon »
« Je n’ai aucune rancœur contre le peuple français, mais la France doit reconnaître ce qu’elle a fait en 1945 et demander pardon pour ces massacres », explique Khaled Haffad. Droit comme un i dans son costume ocre, l’enfant de militant, devenu plus tard officier de l’Armée de libération nationale (ALN), figure dans la délégation d’une vingtaine de responsables locaux et départementaux algériens réunie dans la cour de la mairie de Sétif, vendredi 9 mai, pour accueillir des hôtes français : douze parlementaires et une trentaine d’élus locaux de l’autre rive de la Méditerranée.
Le groupe, qui a assisté la veille aux cérémonies commémoratives organisées à Alger, fait étape à Sétif. Composé très majoritairement d’élus de gauche, il vient exprimer l’engagement d’une partie de la classe politique française à obtenir la reconnaissance pleine et entière de l’Etat français dans les massacres du Constantinois. Un déplacement qui se déroule alors que les tensions diplomatiques, très vives entre Paris et Alger depuis l’été 2024, semblent avoir atteint un pic mi-avril.

« Nous portons un message de fraternité et de paix, avance Rafik Temghari, élu de Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine) et président du Cercle Emir Abdelkader, qui rassemble notamment des élus français et algériens. Le 8 mai est une date commune pour la France et l’Algérie, nous sommes ici précisément pour bâtir des ponts entre nos deux pays. » Son association, qui compte plus de 200 élus, en a retenu une vingtaine pour ce déplacement du 7 au 11 mai. Deux autres entités y prennent part également : la Fédération franco-algérienne (FFA) et l’Amitié franco-algérienne (AFA).