Qu’on poursuive cet homme en correctionnelle pour ses propos,
mais ce que je n’accepte pas, c’est qu’on l’expulse »
Didier Liger, avocat1
Une procédure est engagée en vue de l’éventuelle expulsion du territoire français de Mohamed EL IDRISSI, âgé de 72 ans et de nationalité marocaine, en application de l’article L 521-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).
D’après le bulletin de notification qui lui a été adressé le 2 février 2009 :
«Cette procédure est motivée par le fait que M. Mohamed El Idrissi tient depuis plusieurs mois au sein de la mosquée AT TAKWA des prêches hostiles à l’égard de la société occidentale et du monde non musulman.
«Le comportement de M. Mohamed EL IDRISSI constitue ainsi des actes de provocation explicites et délibérés à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes tels que visés par l’article L 521-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.»
L’audience s’est déroulée de façon publique de 11h à 13h. Une petite dizaine de policiers avaient été convoqués – on se demande bien pourquoi, l’atmosphère étant restée calme et digne. Le public était constitué de quelques dizaines de personnes, pour la plupart d’«apparence» musulmane.
L’essentiel des débats a été consacré à la «note blanche» – note non datée et non signée, de référence UCLAT/DGPN/SB/N° 2009-0354 – de quatre pages, dont des passages ont été lus, commentés et contestés. Cette note expose des extraits de « prêches radicaux » attribués à l’imam. La teneur de ces propos a été contestée de façon vigoureuse par l’imam et par Me Marc Oreggia du barreau de Toulon. Accédant à une demande de l’avocat, la présidente de la commission a permis à quatre personnes d’apporter des témoignages allant dans le même sens.
La vraisemblance de certaines des déclarations prêtées à l’imam semble effectivement pour le moins douteuse. L’imam ne s’exprime quasiment qu’en arabe. Indépendamment des problèmes de traduction, il est difficile d’accorder crédit à un texte «rapporté» par une(des) personne(s) dont nous ignorons les connaissances dans cette langue.
La Commission a émis mercredi 4 mars 2009 un avis défavorable à l’arrêté ministériel d’expulsion. «La commission a considéré que la preuve des faits allégués n’était pas rapportée», s’est félicité Me Marc Oreggia.
«Ces notes blanches n’ont pas permis à la commission de s’assurer de la teneur exacte des propos éventuellement tenus», a déclaré l’avocat à l’AFP.
«C’est une première victoire. Nous espérons maintenant que le ministère de l’Intérieur suivra cet avis et que le bon sens l’emportera en n’engageant pas la procédure d’expulsion.»
Il ne s’agit toutefois que d’un avis consultatif que la ministre peut ne pas suivre.

La Commission départementale rend un avis défavorable à l’expulsion de l’imam
Saisie, la Commission départementale d’expulsion, composée de trois magistrats, a rendu son délibéré, hier à Toulon. Elle émet un avis défavorable à l’expulsion de Mohammed El Idrissi. Il ne s’agit toutefois que d’un avis consultatif, que la ministre de l’Intérieur, seule décisionnaire, peut ne pas suivre.
Pour l’avocat de l’imam toulonnais, Me Marc Oreggia, la première manche est gagnée, mais la partie n’est pas finie : « Tout est parti d’une note blanche rédigée par des policiers, qui ont relevé de prétendus extraits de prêche, dits en arabe, et à caractère anti-américain, antisémite et anti-Occident. En réalité, il n’en est rien, et la commission de Toulon a reconnu qu’aucun élément de preuve n’était apporté par l’administration. »
Soixante-dix témoignages en faveur de Mohammed El Idrissi
Effectivement, le rapport réalisé n’était pas signé, conformément à la spécificité des très controversées notes blanches des services de renseignement. Le ou les fonctionnaires peuvent ainsi relever et transmettre des éléments de façon tout à fait anonyme à leur hiérarchie, parfois jusqu’aux plus hautes autorités de l’Etat si un trouble à l’ordre public ou une menace sérieuse existent.
« Mais jamais mon client n’a tenu de propos virulents. J’ai fait valoir soixante-dix témoignages qui l’attestent formellement. Lui-même dit, en tant que théologien, que chrétiens et juifs sont des gens du Livre. Comment, dans ces conditions, ne pas les respecter ? »
« A la mosquée l’incompréhension est totale »
Chaque vendredi, à la mosquée du quartier du Pont-du-Las, Mohammed El Idrissi, 72 ans, est présent et dispense ses conseils aux croyants. « On veut le faire passer pour un intégriste alors que c’est justement un pacificateur. Lors des émeutes, il s’est impliqué pour maintenir le calme. A présent, nous espérons que le bon sens va l’emporter car, pour l’instant, on a joué à se faire peur. A la mosquée, l’incompréhension est totale. »
Hier, la présidente de la commission, Mme Defarge, a transmis le dossier à la préfecture du Var. C’est là qu’il sera redirigé vers Paris, où Michèle Alliot-Marie, la ministre de l’Intérieur, doit trancher.
Si un arrêté d’expulsion est pris, l’affaire pourrait bien revenir à Toulon. L’avocat de l’imam pourrait dès lors former un référé suspension devant le tribunal de grande instance de Toulon. On basculerait alors d’une affaire purement administrative à une affaire judiciaire.
Le responsable de la mosquée : «Toulon est paisible, n’envenimons rien»
«Je suis heureux aujourd’hui que la Commission [départementale d’expulsion] ait rendu son avis en toute indépendance. C’est bien : la justice française, lorsqu’elle sait qu’on est innocent, elle le dit. On espère seulement que l’administration suivra cet avis» explique Abdeslam Belhaj.
« Jamais aucune parole violente »
« L’imam prêche l’amour et la paix tout comme les autres hommes de foi de toutes les religions. Jamais aucune parole violente n’a été tenue. Au contraire : depuis sept ans que l’imam est là, il n’y a jamais eu de problème.» «Vous savez, Toulon est très calme, paisible et il faut que cela continue. Alors, n’envenimons pas les choses. Chacun pratique sa religion dans le respect des autres. C’est l’idée que nous défendons.»
Et pour la suite de l’affaire? « Que vous dire? On espère seulement que Madame la ministre de l’Intérieur saura entendre notre message.»
Un imam marocain en voie d’être expulsé
Le ministère de l’Intérieur suspecte le responsable des prières du Pont-du-Las d’avoir tenu des prêches radicaux.
Parce qu’il aurait prononcé des prêches radicaux, l’imam qui officie depuis sept ans à la salle de prières de l’avenue Flamenq, à Toulon, se trouve sous le coup d’un arrêté ministériel d’expulsion du territoire français. Une note émanant des services de renseignements – faisant état de propos virulents envers l’Occident et d’autres confessions religieuses – est à l’origine de cette mesure exceptionnelle à l’égard d’un ressortissant étranger.
La semaine dernière, Mohammed el Idrissi, Marocain de 72 ans, a ainsi dû s’expliquer devant la commission départementale d’expulsion (Comex). Avec au centre des débats, le fameux rapport « secret ». Composée de deux magistrats du tribunal de grande instance de Toulon et d’un autre du tribunal administratif, la Comex doit rendre un avis consultatif, dans les quinze jours, sur l’arrêté ministériel.
Si la décision devait être confirmée, le 4 mars prochain, l’imam toulonnais sera alors « expulsable » et obligatoirement placé en centre de rétention avant une reconduite dans son pays d’origine.
Discours intégristes
Dans le rapport établi par les services de renseignements, il est attribué à M. Idrissi des discours violents et intégristes lors de prêches prononcés, en arabe, entre novembre 2007 et janvier 2009. « Les extraits répertoriés comme fondement à l’arrêté ministériel laissent apparaître des propos anti-Occident, anti-chrétiens, antisémites, anti-Américains. Ce sont des bribes de phrases relevées on ne sait comment, par on ne sait qui. C’est plutôt léger », relève Me Oreggia, avocat du religieux. Il estime que des mots sortis de leur contexte peuvent conduire à une mauvaise interprétation.
« Une coquille vide »
Pendant deux heures, devant la commission, l’avocat a donc cherché à exposer les failles de ce rapport. « Il n’est étayé par rien. Il n’y a pas d’enregistrement sonore. Pas d’enquête de police qui démontre des activités intégristes. Le dossier est une coquille vide. C’est à se demander si l’on ne cherche pas, par n’importe quel moyen, à expulser cet homme qui vit en France depuis vingt ans et qui est donc protégé par rapport à une mesure de reconduite à la frontière. Seule l’incitation à la haine peut alors justifier son expulsion. »
Dans l’entourage du chef de prière, cette procédure est perçue comme « la volonté d’installer des imams à la française dans les lieux de cultes musulmans. Jusqu’à présent, la plupart viennent de l’étranger pour officier en France », explique Abdeslam Belhadj, un proche de l’imam. Il précise, par ailleurs, que l’homme est parfaitement intégré. Même si, vivant en France depuis deux décennies, il ne parle pas la langue de Molière.
Pour le ministère de l’Intérieur, la décision est parfaitement justifiée. « La préfecture du Var nous a transmis des éléments relatifs à des prêches radicaux et pouvant être assimilables à des appels à la haine », rappelle-t-on au cabinet du ministre.
La préfecture n’a quant à elle pas souhaité s’exprimer, refusant de communiquer sur des cas individuels. Même si ici, le cas est surtout très exceptionnel.
«Les fidèles ne comprennent pas »
«Les gens sont choqués. Ils ne comprennent pas cette mesure d’expulsion. Nous attendons la décision de la commission. » Abdesalam Belhaj, président de l’association cultuelle et culturelle des jeunes musulmans du Var, ne croit pas aux propos relevés à l’encontre de l’imam du lieu de placé sous sa responsabilité. « C’est un homme que je connais très bien. Il est ici depuis 2002. Il n’a pas tenu de tels propos. Il a 72 ans, ce n’est pas maintenant qu’il va faire parler de lui. Au contraire, c’est lui qui subit des insultes. »
L’homme est peu prolixe sur ce dossier qu’il sait sensible. «La justice doit s’exprimer. Près de soixante-dix personnes ont pu témoigner sur la personnalité et sur les prêches de l’imam. »
Pour lui, «on a trouvé quelqu’un à qui s’en prendre. Comme dans chaque métier, on a toujours des ennemis quelque part. C’est peut-être le cas. Il faut toutefois rester serein, attendre l’avis de la commission et voir comment le ministère de l’Intérieur va réagir.»
A ce jour, les fidèles se contentent donc de patienter. Dans le plus grand calme.
- Didier Liger était l’avocat d’Abdelkader Bouziane, imam de Vénissieux.