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un film sur le massacre d’Ouvéa privé de sortie en Nouvelle-Calédonie

Un film évoquant le drame d'Ouvéa en 1988 risque de ne pas pouvoir être diffusé en Nouvelle Calédonie. Michel Rocard, dont le gouvernement est à l’origine des accords de Matignon, en 1988, s’est exprimé sur le refus du Cinécity de diffuser L’Ordre et la morale. « Je regrette profondément cette décision, a indiqué l’ancien Premier ministre. J’ai vu ce film. Il dit l’histoire et il la dit très correctement. Il est vrai que ce message est douloureux, mais il est vrai aussi qu’aucun peuple ayant été tragiquement divisé ne peut travailler à sa propre réconciliation sans assumer son histoire, et donc la connaître. » Michel Rocard a poursuivi en évoquant l’Afrique du Sud, qui « a su donner de cette conduite un exemple ». « Même en France il nous a fallu travailler sur Vichy, mieux connaître pour mieux comprendre », a rappelé l’ancien Premier ministre, pour qui « la société Hickson a choisi la régression culturelle ».1.

Communiqué de La Ligue des Droits de l’Homme et du citoyen de Nouvelle-Calédonie

Nouméa, le 26 octobre 2011

Communiqué

Constatant l’abandon de la diffusion du film l’Ordre et la morale par le seul exploitant de salle de cinéma de Nouméa, la Ligue des Droits de l’Homme et du citoyen de Nouvelle Calédonie dénonce un problème touchant directement à la liberté d’expression dans un domaine culturel fondamental, le 7e Art.

La LDH-NC demande donc à l’Etat, garant des libertés, de prendre d’urgence les mesures qui s’imposent pour qu’un large public puisse avoir accès à ce film, en passant par exemple par les moyens de diffusion de l’audiovisuel public.

La Ligue trouve anormal que des responsables politiques, quels qu’ils soient, visionnent un film puis disent qu’il n’est pas bon de le diffuser. Qu’ils donnent leur avis sur le sujet, quoi de plus normal ? Qu’ils se réjouissent de sa non-diffusion, voilà qui est inquiétant pour l’avenir de la liberté d’expression dans le pays.

En France et ailleurs sur la planète, tout le monde pourra voir ce film et son regard sur les tragiques événements d’Ouvéa en 1988. Et pourquoi pas nous ?

Au delà des familles kanak endeuillées, il nous semble fondamental de croire à la capacité des habitants de notre pays à appréhender une interprétation basée sur des faits réels, certes, mais qui ne peuvent prétendre à la vérité historique. Il appartient à chacun de se forger une opinion en la confrontant à ce qu’il sait et pense déjà.

La Ligue des Droits de l’Homme encourage et soutiendra toute initiative allant dans le sens d’une diffusion la plus large possible de ce film qui nous concerne tous.

Le Président Elie Poigoune et le Bureau de la LDH-NC<

Un film sur le massacre d’Ouvéa privé de sortie en Nouvelle-Calédonie

par Claudine Wéry, Le Monde, le 23 octobre 2011

Vingt-trois ans après les faits, les cendres de l’assaut militaire de la grotte d’Ouvéa, dans lequel périrent dix-neuf Kanaks et deux militaires, sont-elles encore trop chaudes pour être portées à l’écran ? « Oui », a tranché l’unique exploitant de salles de cinéma de Nouvelle-Calédonie, Douglas Hickson. Issu d’une vieille famille calédonienne, ce dernier, qui a réservé ses explications aux seules ondes de la radio locale proche de l’UMP, a jugé « très caricaturale et polémique » l’oeuvre de Mathieu Kassovitz, L’Ordre et la Morale, dont la sortie est prévue le 16 novembre en métropole. Accusant le film de « rouvrir des plaies cicatrisées », M. Hickson a affirmé que ses salles, consacrées au « divertissement », n’étaient pas « le lieu approprié » pour une telle diffusion. En 1997, la même maison avait refusé de programmer Les Médiateurs du Pacifique de Charles Belmont, qui retraçaient les coulisses des accords de Matignon (1988).

L’Ordre et la Morale s’attaque à l’épisode le plus traumatique de l’histoire récente du Caillou. Le 22 avril 1988, au terme de deux années de politique du gouvernement Chirac hostile aux indépendantistes, un commando du FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste) attaque la gendarmerie de Fayaoué sur l’île d’Ouvéa. Quatre gendarmes sont tués puis une trentaine d’autres sont emmenés en otage dans la grotte de Gossanah. En pleine élection présidentielle, la crise est traitée sous pression. L’assaut militaire, le 5 mai 1988 à la veille du second tour, vire au carnage. Kassovitz s’est appuyé sur le livre La Morale et l’Action de Philippe Legorjus, alors patron du GIGN, que le réalisateur incarne à l’écran, et dont les tentatives de médiation avaient échoué.

Le réalisateur a aussi passé plusieurs années à discuter et à rencontrer les habitants de Gossanah, mais il avait dû renoncer à tourner sur place où des réticences subsistaient. L’équipe avait mis le cap sur la Polynésie française, dont l’aide financière au projet avait soulevé la colère du sénateur calédonien, Pierre Frogier (UMP).

« Pressions politiques »

Originaire de Gossanah et acteur du film, Macky Wéa affirme que « des pressions politiques » ont conduit à cette censure. « Je suis furieux, mais je m’y attendais. On parle de destin commun mais on refuse de regarder notre histoire commune », s’est-il insurgé, assurant que « le film sera diffusé dans tout le pays », par d’autres vecteurs.

Sur les réseaux sociaux, les réactions des internautes ont plu pour dénoncer « la censure, la dictature et le scandale » de cet ostracisme cinématographie. Figure historique du combat indépendantiste, Paul Néaoutyine, président de la province nord, s’est indigné de cette décision « incompréhensible voire scandaleuse », jugeant les Calédoniens « assez mûrs pour s’approprier leur propre histoire ».

Si beaucoup pensent que les pressions ont surtout émané de la droite anti-indépendantiste, L’Ordre et la Morale soulève aussi la controverse dans les rangs du FLNKS, dont le rôle dans le drame d’Ouvéa serait mis cause. « C’est une décision sage de la famille Hickson », a ainsi déclaré Roch Wamytan, président indépendantiste du Congrès : « Le film, a-t-il dit, n’arrête pas de dire que le FLNKS est responsable de l’assaut à Ouvéa, c’est faux. A l’époque, il n’y avait plus aucun contact entre le FLNKS et Alphonse Dianou » (le chef du commando kanak).

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