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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024
L'archipel des Comores

Un collectif d’ONG dénonce un accord sur la circulation des personnes entre Mayotte et les Comores

Plusieurs dizaines d’ONG s’opposent à la signature d’un accord entre la France et les Comores sur la circulation des personnes entre Mayotte et les autres îles de l'archipel. Loin de rétablir la libre circulation entre les 4 îles, l’accord prévu provoquera encore des drames car selon les ONG, le gouvernement de l’Union des Comores devra s’engager à accepter le retour de toutes les personnes expulsées de Mayotte. Ci-dessous le communiqué du collectif.
L'archipel des Comores
L’archipel des Comores

Communiqué (action collective)

Non à la signature d’un accord franco-comorien contre la circulation des Comorien-ne-s

Une visite de François Hollande à son homologue comorien, Ikililou Dhoinine, est prévue le 26 juillet prochain. La coopération franco-comorienne est déjà scellée par une déclaration d’amitié et de coopération et par un document cadre de partenariat signés à Paris le 20 juin 2013. Un accord instituant un partenariat de défense est entré en vigueur le 1er mai 2013, plusieurs formations de militaires comoriens ont été effectuées par l’armée française et de nombreux accords économiques ont été signés entre les deux États. L’objectif officiel de la prochaine rencontre présidentielle dans la capitale comorienne est le sommet de la Commission de l’océan Indien. Mais l’enjeu majeur pourrait bien être la signature d’un accord bilatéral défini, sans plus de précisions, comme « relatif à la circulation des personnes », élaboré en toute opacité.

Selon une version connue à ce jour de cet accord, il s’agit de la circulation depuis trois îles de l’archipel des Comores – la Grande Comore, Anjouan et Mohéli – vers la quatrième – Mayotte. Elle sera facilitée pour une caste dirigeante comorienne qui, à ce prix, accepte de coopérer avec la France pour mieux l’interdire aux autres.

Des visas de circulation (à entrées multiples pour des courts séjours) facilités essentiellement pour une minorité privilégiée (acteurs et actrices économiques et culturel-le-s, sportif-ve-s de haut niveau, avocat-e-s, médecins) avec une attention particulière aux fonctionnaires, diplomates et membres d’ONG ; d’autres personnes pourront en bénéficier : pour raison de santé, pour la famille proche de comorien-ne-s titulaires d’un titre de séjour délivré à Mayotte, pour les obsèques d’un proche parent. Et un-e étudiant-e ayant obtenu un diplôme équivalent au master pourra être autorisé-e, pendant six mois, à compléter sa formation par une expérience professionnelle à Mayotte.

À l’égard des autres Comorien-ne-s, l’accord prévoit une coopération contre la circulation vers Mayotte et pour l’expulsion de ceux/celles qui y vivent. L’Union des Comores s’engage en effet à accepter toute personne reconduite de Mayotte vers l’une des trois autres îles et à coopérer avec la France pour interdire la circulation non autorisée vers Mayotte – pour la « sécurité de l’ensemble des points d’entrée et de sortie du territoire comorien », pour le « démantèlement des filières », pour la « sécurisation des titres d’identité et de voyage des ressortissants comoriens » et contre la « fraude documentaire ».

Une coopération spécifique est même prévue en vue du « retour dans leur commune d’origine » des mineur-e-s comorien-ne-s présent-e-s à Mayotte… alors que, selon le recensement 2012 de l’INSEE, 33 000 étranger-e-s (dont la plupart sont des mineur-e-s comorien-ne-s) sont né-e-s à Mayotte.

Ce montage inéquitable en rappelle d’autres. La France et ses partenaires européens œuvrent en effet depuis une dizaine d’années pour renforcer leurs politiques d’expulsion des étrangers et de fermeture de leurs frontières par une coopération des États d’origine et de transit des migrant-e-s. À l’issue de longues tractations sur l’octroi de contreparties à des États réticents à renoncer ainsi à leur souveraineté, des dizaines d’accords, bilatéraux ou multilatéraux, « de réadmission » ou de « gestion des flux migratoires » sont déjà en vigueur.

Dans un théâtre bien plus petit puisque Mayotte n’est qu’à 70 km de l’île d’Anjouan, l’accord franco-comorien qui s’annonce leur ressemble. Les conséquences dramatiques de cette politique française aux frontières de Mayotte qui jamais ne parviendra à bloquer la circulation dans l’archipel, mais qui la rend toujours plus périlleuse ressemblent, elles aussi, aux effets de la politique migratoire européenne. Et qu’en est-il de la vie des quelques 200 000 habitant-e-s de Mayotte enfermé-e-s dans un bunker isolé de l’océan Indien à l’instar de l’Europe qui prétend protéger ses habitants dans une forteresse contre un « ennemi imaginaire » ?

Dans le cas comorien, ce jeu de dupes était pourtant particulièrement délicat. Car, depuis 1975, l’Union des Comores revendique sa souveraineté, reconnue à ce jour par l’ONU, sur les quatre îles de l’archipel … y compris Mayotte dont la France a fait un département. Certes ce projet d’accord évite soigneusement de mentionner le statut de Mayotte. Mais qui peut douter que la signature de ce texte par le gouvernement comorien vaut reconnaissance implicite de la séparation et du statut français de Mayotte ?

Il est encore temps ! Ce projet d’accord ne doit être ni signé, ni ratifié par les deux parlements.

3 juillet 2014

Organisations signataires

  • Réseaux associatifs :

Sortir du Colonialisme, Migreurop (réseau européen et africain).

  • Associations :

Comité Maoré, GISTI (Groupe d’Information et de Soutien des Immigrés), FASTI (Fédération des Associations de Solidarité avec Tou-te-s les Immigré-e-s), Emmaüs international, IPAM (Initiatives Pour un Autre Monde), OCU (Organisation pour une Citoyenneté Universelle), Fondation France Libertés, MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples), ATMF (Association des Travailleurs Maghrébins de France), FTCR (Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives), AFASPA (Association Française d’Amitié et de Solidarité avec les Peuples d’Afrique), LDH (Ligue des Droits de l’Homme), ACDH (Association Comorienne des Droits de l’Homme), GAC (Guilde des Artistes Comoriens), GRITAC (Groupe de Réflexion pour l’Intégrité Territoriale de l’Archipel des Comores), CDISCOM (Collectif de Défense de l’Intégrité et de la Souveraineté des Comores), CAAC (Collectif des Associations et des Amis des Comores), FNC (Front Nouveau Citoyen – Mali), RIDEC (Relais d’Initiatives de Développement Concerté – Mali), Amicale Panafricaine, FPR (Front Pour le Refus), Village d’EVA, SOS-Démocratie Comores, CDD (Collectif pour la Défense de la Démocratie aux Comores), MUSC (Mouvement pour l’Unité et la Souveraineté des Comores), ATF (Association des Tunisiens en France), Espace Farabi, IDEAL – 92, Association Femmes Plurielles, UTIT (Union des Travailleurs Immigrés Tunisiens), Respaix Conscience Musulmane, DIEL (Droit Ici Et Là-bas), CSP 75 (Coordination des Sans-Papiers 75), Coordination 93 de lutte pour les sans-papiers, ACORT (Assemblée Citoyenne des Originaires de Turquie), UJFP (Union Juive Française pour la Paix), UND (Union Nationale Démocratique du Tchad), ADD (Association pour la Démocratie et le Développement – Djibouti), Mouvement Anticolonialiste Mahorais, Watwaniya, Montsi.

  • Partis politiques :

Ensemble (mouvement politique français), DJAWABU (parti politique comorien), MDA (Mouvement Démocratique pour l’Avenir des Comores), PCA (Parti Comores Alternatives), Front Démocratique des Comores, Travayer La Rényon (groupe politique réunionnais), PCF (Parti Communiste Français), NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste), EELV (Europe Écologie-Les Verts).

Retrouver le communiqué en ligne : http://www.migrantsoutremer.org/Non-a-la-signature-d-un-accord

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