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Édition du 1er juillet au 15 juillet 2024

Un article de « Libération » qualifie la loi du 23 février 2005 de « loi imbécile »

A partir de la rentrée scolaire de septembre 2005, les critiques sont de plus en plus vives contre l'alinéa controversé de la loi du 23 février 2005 qui enjoint les enseignants à enseigner les « aspects positifs de la colonisation ». Le 22 octobre, un article d'Hervé Nathan dans "Libération" s'en prend au vote par la droite d'une loi imbécile sur l'enseignement de l'histoire des colonies. Il affirme que la mémoire coloniale, c'est comme le refoulé ; chassez-le, il revient au galop ; et qu'on assiste avec cette loi au resurgissement des fractures politiques anciennes, à droite comme à gauche.

Après le vote par la droite d’une loi imbécile sur l’enseignement de l’histoire des colonies

par Hervé Nathan, article publié dans Libération le 22 octobre 2005.

La mémoire coloniale, c’est comme le refoulé. Chassez-le, il revient au galop. Nous assistons avec la loi du 23 février 2005 instituant l’enseignement « positif » de l’histoire des colonies françaises au resurgissement des fractures politiques anciennes, à droite comme à gauche. Cette loi imbécile a été l’œuvre du lobby des nostalgiques de l’Algérie. Le soir de son examen, à l’Assemblée nationale, on constatait une surreprésentation des élus des circonscriptions où se sont installés en 1962 les rapatriés chassés d’Algérie. Ces parlementaires ont fait sauter le couvercle que le général de Gaulle avait imposé après l’indépendance de l’Algérie, à coups de lois d’amnistie. L’Algérie, c’est simple, à droite, on ne devait plus en parler. Et la droite procoloniale s’était ralliée, avec Valéry Giscard d’Estaing, au régime de la Ve République sans trop barguigner, laissant la cause de l’Algérie française à une extrême droite ultraminoritaire. Le pouvoir gaulliste pouvait alors mettre en place la «politique arabe de la France», dont l’axe était, et est toujours, l’appui aux dictatures issues des luttes nationales.

A gauche, la césure n’était pas moins douloureuse. L’attitude envers la décolonisation a scindé la SFIO de Guy Mollet, qui avait envoyé le contingent en Algérie, et la gauche chrétienne, qui fonda le PSU autour de Mendès France. Le PCF lui-même adoptant une position bien en retrait de son anticolonialisme originel. Il a fallu attendre 1971 et le congrès d’Epinay puis 1974 et les assises du socialisme pour que la famille se réunisse. A l’image de la droite, cela se fit en mettant un mouchoir sur ce passé. Difficile, en élisant à la tête du Parti socialiste l’homme qui affirmait en 1954 «l’Algérie, c’est la France», de poser un regard critique sur l’époque des colonies. En 1981, ce fut François Mitterrand qui réintégra les généraux factieux de 1961 dans leur carrière, provoquant un tollé dans le parti. Mais le PS était tout à sa victoire et l’incident passa. En revanche, le gouffre perdure entre la gauche de gouvernement et l’extrême gauche. Pour celle-ci, la lutte anticoloniale, et l’épopée des «porteurs de valises», fut un combat fondateur. Les plus vieux trotskistes d’aujourd’hui sont nés à la politique avec cette référence. Ils la portent toujours, à tel point que le crible de l’anticolonialisme d’antan leur sert encore, en partie, pour analyser le conflit israélo-palestinien. C’est ainsi qu’on peut analyser la tolérance de certaines organisations d’extrême gauche vis-à-vis de musulmans militants, comme Tariq Ramadan, lors du Forum social européen. L’extrême gauche, pendant la guerre d’Algérie, avait minoré, sinon occulté, l’inspiration religieuse de la lutte des Algériens pour soutenir ce qui lui paraissait primordial, le droit des peuples à l’autodétermination. A l’inverse, la gauche traditionnelle semble, sur l’histoire du voile, avoir retrouvé les réflexes, voire le vocabulaire, d’antan vis-à-vis de l’islam, brandissant la laïcité française et républicaine comme un étendard de la civilisation contre la barbarie.

Au colloque de Blois (Libération du 24 octobre), nombre d’historiens ont appelé à un véritable effort des études sur la colonisation, et la décolonisation. Il est temps : la génération de la guerre d’Algérie est sur le point de quitter la scène politique, à l’image de Jacques Chirac qui servit comme lieutenant dans le bled. Elle mérite un bilan, un vrai.

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