4 000 articles et documents

Rechercher
Fermer ce champ de recherche.
Édition du 15 octobre au 1er novembre 2024

Tahar Ibtatene, actif dans la Résistance française comme dans la guerre d’indépendance algérienne

par Lyazid Benhami, auteur du livre, Tahar Ibtatene dit Tintin, héros de la Résistance (1940-1945) et de la Guerre d’Algérie (1954- 1962), chez L’Harmattan, préface de Nils Andersson, 2020.

Né en Algérie à Ain-El–Hammam (Ex : Michelet) en Algérie le 27 février 1909, Tahar est arrivé en Métropole en 1924, à l’âge de quinze ans. Il est décédé à Paris, également en février, en 2000.

En France, il connut les affres de la crise économique de 1924, la misère et le racisme ambiant des années 1930. Jeune homme travailleur et soucieux de réussir, il prit en main sa destinée avec beaucoup de courage. Fort de l’enseignement des Pères Blancs installés en Kabylie à la fin du XIXème siècle, il consolida son instruction à Saint-Ouen, dans la région parisienne, et avait le niveau du certificat d’études primaire.

Son rôle pendant la Seconde guerre mondiale

Dès 1940, Tahar Ibtatene choisit le chemin du combat pour la liberté face à l’occupant nazi. Il rejoint les Services secrets français de la France Libre en compagnie de quelques téméraires comme Roger Warin, alias Wybot, fondateur et premier directeur en 1944 de la Direction de la Surveillance du Territoire (la DTS). Ensemble, ils refusèrent la capitulation de la France face à l’ennemi. Tahar Ibtatene eut un rôle dans le Renseignement et le Contre-espionnage au service de la France Libre. Il fut Officier du BCRA, le Bureau Centrale du Renseignement et Action, le bras armé du général de Gaulle au sein de la Résistance pendant le Seconde guerre mondiale.

Les actions de Tahar Ibtatene dans la Résistance sont nombreuses et parfois déterminantes. Citons quelques faits :

– Il a approché quelques membres du gouvernement de Vichy dès 1940 pour le compte de la Résistance (notes manuscrites personnelles de Tahar Ibtatene citées dans le livre).

– Il a récupéré des documents importants et stratégiques pour le compte de la Résistance : correspondances entre les généraux allemands et Pierre Laval (chef du gouvernement français sous Vichy), et du PPF, le parti fasciste de Jacques Doriot.

Il devint le chef des équipes de protection du Réseau Marco Polo, un réseau important de la Résistance. Il œuvra à Lyon, Bordeaux, Marseille, Toulouse, mais principalement en région parisienne, et fut à l’origine de la récupération des plans V1 et V2 (premières fusées de l’histoire, et armes secrètes de Hitler), le réseau Marco Polo y a fait référence. 

Il a organisé l’attentat contre le docteur Friedrich (Fred Dambmann de Radio Paris), chef de la propagande nazie en France et bras droit de Himmler. Il a combattu sur le terrain Henri Lafont, chef de la Gestapo française et sa milice de collabos dont certains originaires d’Afrique du Nord dont Mohamed El Maadi, et les membres du journal de propagande allemande Es Rachid.

Tahar Ibtatene fait partie de celles et ceux qui ont œuvré intensément et héroïquement à la libération de Paris. Il fut à la manœuvre dès le 17 août 1944, avant le début de l’Insurrection Nationale le 19 août suivant, car officiellement, la libération de Paris a commencé le 19 août 1944, pour se terminer le 25 août 1944, jour où la ville-Lumière fut libérée de quatre années d’occupation allemande par également la Division Leclerc.

Non seulement il avait maille à partir avec la Gestapo alemande mais également par les milices dirigées par Henri Lafont. Sa bataille de Paris fut celle contre l’occupant allemand et contre les miliciens de la rue de Lauriston (« la carlingue ») et leur chef de la Gestapo française et collaborateur qu’était Henri Lafont, que Tintin surveillait de très près depuis 1942. Les archives sont formelles :

« Pendant l’Insurrection nationale, a pris aux allemands deux camions d’armes qui ont servi à armer le 9 e Tr ».

C’est en chargé de missions auprès de l’Etat, major de la Direction des Études et des Recherches, la DGEE, qu’il est envoyé à Strasbourg décembre 1944, lors de la libération de la ville. Lorsqu’on se plonge dans la vie de Résistant de Tahar Ibtatene, nous découvrons qu’il a accompli des missions des plus dangereuses et fut animé d’un grand sentiment patriotique.

Pendant la Guerre d’indépendance algérienne

Tahar Ibtatene rejoint la cause du FLN dès 1954, au déclenchement de la guerre d’Algérie, et a milité plus tard au sein de la Fédération de France. Il avait pour lui la maturité d’un homme de 45 ans, et l’expérience de l’ancien officier des services secrets français, aguerri dans la Résistance. Il se met à la disposition du FLN et de la Révolution algérienne. Pendant cette guerre, il sera aux antipodes des thèses de Wybot (responsable de la DTS en cette période), son ancien camarade dans la Résistance. Il a eu maille à partir avec la préfecture de police et Maurice Papon. Il sera condamné et assigné à résidence en 1959, notamment pour atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat. Il sera relaxé quelques temps plus tard, par un jugement en sa faveur.  Il échappa à plusieurs tentatives d’assassinat, dont celle organisée par le MNA en avril 1961 en faisant exploser une bombe dans son établissement commercial situé au 84 bd de la Chapelle à Paris 18eme.

En fin connaisseur de la politique française, Tahar Ibtatene était convaincu que seul un retour du général de Gaulle aux affaires pouvait permettre « un dénouement honorable » et une issue politique à la Guerre d’Algérie, une voie vers l’indépendance algérienne. Il soutiendra la politique du général de Gaulle dès mai 1958, ce qui par ailleurs ne l’avait pas empêché d’organiser et de soutenir ses frères algériens dans les combats que menait le FLN en France et en Algérie.  En tant que combattant du FLN, il a été à la fois collecteur de fonds, juge FLN, organisateur d’actions, facilitateur d’opérations en faveur du FLN (récupération et achat d’armes en France et à l’étranger). Il a été aussi un lien, voire un canal privilégié pour les gaullistes dans le dialogue avec le FLN et pour une solution politique de la Guerre d’Algérie. Il était en relation avec Joël Le Tac, président du Comité pour le OUI en France au referendum de l’autodétermination de l’Algérie, et en faveur de l’indépendance algérienne. Ce dernier était chargé le général de Gaulle de cette mission importante, rallier les métropolitains à l’indépendance.

Distinctions :

– A l’occasion de la Seconde guerre mondiale, Tahar Ibtatene, a été décoré de la Croix de Guerre 1939/1945, avec deux citations, à l’ordre de la Brigade et à l’ordre du Régiment. Ainsi que de la Médaille du Résistant volontaire, et de la Médaille du Combattant.

– Reconnu Membre de l’OCFLN en commission spéciale en décembre 1968 pour la Guerre d’Algérie.

Facebook
Twitter
Email