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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024

Police

Le racisme postcolonial

L’ampleur du racisme systémique en France
et son déni officiel

Au lendemain du meurtre de Nahel M. par un policier le 27 juin 2023 et des violentes révoltes qu’il a provoquées, le gouvernement français refuse de s’attaquer aux causes réelles de la crise. Celles-ci sont pourtant documentées et analysées depuis longtemps par nombre de chercheurs et aussi pointées par divers organismes internationaux. On lira ici deux tribunes, du démographe Patrick Simon et du sociologue Hicham Benaïssa, publiées respectivement dans Libération et dans Le Monde. Toutes deux reviennent sur l’ampleur du racisme systémique en France depuis la fin de l’époque coloniale, tout particulièrement dans la police, et dénoncent un déni officiel pire encore que celui qui avait prévalu après les révoltes de 2005, qui aggrave la situation et prépare de nouvelles explosions.

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Séquelles politiques postcoloniales

Legs de l’époque coloniale,
le racisme dans la police française est intolérable

Deux faits récents relatés par la presse montrent que la culture coloniale portée en France par des pans entiers de l’institution policière est à l’origine de comportements racistes qui gangrènent la République. Ci-dessous un article de Camille Polloni publié par Mediapart sur les insultes et les violences intervenues à l’Ile-Saint-Denis lors de l’interpellation d’un suspect, ainsi que de larges extraits d’un autre de Julien Suaudeau, qui réside à Philadelphie, publié par le site Slate, qui compare les menaces contre la démocratie aux Etats-Unis, venant du sommet de l’Etat, au péril qui menace la République en France, qui ne vient pas des « racailles des banlieues » mais de ce racisme. II est choqué par la différence des méthodes des forces de police dans leurs interventions à Paris, dans le 18e arrondissement, selon que les citoyens concernés apparaissaient à leurs yeux Blancs ou Noirs.

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La manifestation organisée à Paris le 8 février 1962, pour dénoncer les agissements de l'OAS, avait été réprimée de façon particulièrement violente sur ordre de Maurice Papon – 8 morts au niveau du métro Charonne. (Graphisme : d'après Siné)
Les “banlieues”

Chaque violence illégitime contre un manifestant incitera des dizaines de ses camarades à vouloir le venger

Aurait-on déjà oublié le motif initial des émeutes en Grande Bretagne ? Il s’agit de la mort de Mark Duggan, un Antillais de 29 ans, abattu le 4 août par des policiers dans le quartier de Tottenham au nord de Londres. Mark Duggan était soupçonné d’appartenir à un gang. Les policiers ont justifié l’usage de leur arme en invoquant la légitime défense. La colère est venue de là, de l’homicide bien entendu, mais également de la relation par la police des circonstances de cette mort, une relation qui n’a pas convaincu le quartier. Et Tottenham s’est embrasé comme Clichy-sous-Bois en octobre 2005, puis Villiers-le-Bel en novembre 2007.

Dans ces deux derniers cas, la police avait commencé par chercher à s’exonérer de toute responsabilité : à Clichy, « les enfants n’étaient pas poursuivis », et à Villiers-le-Bel, « le véhicule de police circulait normalement ». Dans ces deux cas, la relation des faits s’est avérée fausse, mais aucun des policiers impliqués n’a été sanctionné, alors que ce sont les inexactitudes de leurs déclarations qui ont provoqué les émeutes qui ont suivi.

L’avocat Jean-Pierre Mignard, observe sur son blog que le même processus s’est déroulé à Londres : l’IPPC (l’Independant Police Complaints Commission) a fait savoir le 9 août que rien ne démontrait que Mark Duggan se soit servi de son arme ou qu’il ait tenté de s’en servir. La thèse de la légitime défense s’effondre donc.

Jean-Pierre Mignard rappelle d’autre part que, en mai 1968, Maurice Grimaud, alors préfet de police de Paris, avait su, en leur rappelant des règles déontologiques élémentaires, calmer les fonctionnaires de police et contenir la violence qu’ils ont exercée sur les manifestants parisiens. La lettre que Maurice Grimaud avait adressée le 29 mai 1968 à chaque membre de la police parisienne est reprise ci-dessous1. Jean-Pierre Mignard signale d’ailleurs que, lors des émeutes de Clichy en 2008, l’actuel préfet de police Michel Gaudin avait fait afficher cette lettre dans les commissariats.

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Laurent Mucchielli : “tant que l’on refusera de traiter les questions de fond, on aura des émeutes”

La vague de « violence » des quartiers dits « sensibles » est le produit d’un processus de ghettoïsation que la société française refuse de voir, et d’un sentiment d’impasse et d’humiliation des jeunes.

Un entretien avec Laurent Mucchielli, sociologue, directeur de recherches au Cnrs, repris du site de l’Observatoire des inégalités2, suivi d’un article d’Akram Belkaïd qui écrit dans Le Quotidien d’Oran que «cela devrait interpeller Nicolas Sarkozy».

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Ces brimades qui empoisonnent l’atmosphère des banlieues

«
Les solutions ne passent certainement pas par une augmentation de la présence policière dans les banlieues, à l’école et, pourquoi pas, demain, derrière chaque parent, au risque d’une escalade dans les affrontements et de la mise en place d’un ordre de fer, qui serait notre plus grand renoncement.»

par Philippe Chaillou, magistrat, président de la chambre des mineurs à la cour d’appel de Paris.

[ Article paru dans Le Monde daté du 17 janvier 2006 ]

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