La séparation des mémoires ? Par Benjamin Stora
Benjamin Stora a consacré sa chronique du 27 décembre 2007, à 11h54, sur France Culture, à un “retour sur le voyage de Nicolas Sarkozy à Alger” — du 3 au 5 décembre 2007.
Benjamin Stora a consacré sa chronique du 27 décembre 2007, à 11h54, sur France Culture, à un “retour sur le voyage de Nicolas Sarkozy à Alger” — du 3 au 5 décembre 2007.
Alors que Nicolas Sarkozy effectuait une visite d’Etat en Algérie du 3 au 5 décembre 2007, Catherine Coquery-Vidrovitch, professeur émérite d’Histoire de l’Afrique à l’Université Diderot Paris-7, était l’invitée du quotidien L’Humanité. Nous avons retenu trois des cinq chroniques qu’elle a publiées entre le 3 et le 7 décembre1.
Alain Badiou, professeur émérite de philosophie à l’Ecole Normale Supérieure (Paris), évoque dans deux entretiens que nous reprenons certains des thèmes qu’il développe dans son dernier livre, « De quoi Sarkozy est-il le nom ? »2.
Les déclarations de Nicolas Sarkozy, lors de sa visite d’Etat en Algérie, du 3 au 5 décembre 2007, sur le caractère «injuste» de la colonisation, sont souvent fraîchement accueillies par certains anciens rapatriés, comme en témoignent ci-dessous :
– l’article du journaliste Claude Belmont, publié dans Le Figaro du 4 décembre, qui rapporte notamment les réactions de Mme Suzy Simon-Nicaise, initiatrice du Mur des disparus de Perpignan,
– le communiqué commun de plusieurs fédérations de rapatriés, publié après la réception à l’Elysée de représentants de rapatriés et de harkis, le 5 décembre,
– ainsi que les protestations du député UMP Jean-Pierre Grand.
Nicolas Sarkozy a fait un nouveau pas vers la reconnaissance de la colonisation française de l’Algérie en prononçant le mercredi 5 décembre à l’université Mentouri de Constantine un discours affirmant notamment que « les fautes et les crimes du passé furent impardonnables »
et que « ce système ne pouvait être vécu autrement que comme une entreprise d’asservissement et d’exploitation ». Au-delà de certaines ambiguïtés et omissions, il est en contradiction avec l’ensemble des discours de campagne du candidat Sarkozy. A quel Sarkozy se fier, celui de Constantine ou celui de Nice et Toulon ?
Pour l’article du journal algérien El Watan du 6 décembre que nous reproduisons ci-dessous, ce déplacement en Algérie du président français laisse une impression
d’inachèvement et d’ambiguïté. La LDH n’attend certes pas de Nicolas Sarkozy qu’il revête une robe de bure. Mais elle demande, comme la pétition qu’elle soutient, que les plus hautes autorités de la République française reconnaissent publiquement « l’implication première et essentielle de la France dans les traumatismes
engendrés par la colonisation en Algérie ». On ne pourra tourner cette page qu’après l’avoir écrite. L’écrire implique aussi, du côté algérien, la levée de nombreux tabous sur la manière dont la guerre d’indépendance a été conduite, en particulier les violences internes au camp nationaliste et à l’encontre de diverses populations civiles – un sujet
qui n’est pas abordé dans cet article.
Dans son premier discours prononcé à Alger, lundi 3 décembre 2007, devant des chefs d’entreprises français et algériens, Nicolas Sarkozy a dénoncé « le système colonial […] profondément injuste, contraire aux trois mots fondateurs de notre République : liberté, égalité, fraternité.» Il a ajouté qu’il était «aussi juste de dire qu’à l’intérieur de ce système profondément injuste, il y avait beaucoup d’hommes et de femmes qui ont profondément aimé l’Algérie, avant de devoir la quitter».
«Oui, des crimes terribles ont été commis tout au long d’une guerre d’indépendance qui a fait d’innombrables victimes des deux côtés», a-t-il poursuivi. «Et aujourd’hui, moi qui avais sept ans en 1962, c’est toutes les victimes que je veux honorer.»
Après une rapide prise de contact en juillet dernier, le président Sarkozy arrivera lundi 3 décembre à Alger pour une visite d’Etat.
La lecture de la presse algérienne confirme que, comme l’écrivait l’éditorialiste du Monde du 1er décembre, « la pierre d’achoppement reste le fossé dans l’appréciation de l’histoire partagée entre les deux pays ». Est-il véritablement impossible, comme il l’affirmait, «d’arriver à une vision commune et lucide d’un passé qui lie la France et l’Algérie plus encore qu’il ne les divise» ?
Le cinquantième anniversaire de son prix Nobel donne lieu, de part et d’autre de la Méditerranée, à une course à l’instrumentalisation d’Albert Camus : les nostalgériques à Perpignan, le pouvoir algérien à Tipaza…
Nicolas Sarkozy, à la veille de son voyage en Algérie, déclare que, «grâce à Albert Camus», il a la nostalgie «de ne pas être né en Afrique du Nord». Nous nous permettons de lui recommander de lire également l’excellent petit livre de Jean-Pierre Tuquoi dont nous reprenons une interview ci-dessous. Et nous lui suggérons, pour ne pas renouveler en Algérie le fiasco de Dakar, d’éviter de confier la rédaction de ses discours à Georges-Marc Benamou3, dont l’ouvrage Un mensonge français. Retours sur la guerre d’Algérie a laissé un souvenir particulièrement calamiteux.
Au moment où il savourait son triomphe à Washington, le président français était étrillé, aux Nations Unies, pour son discours de Dakar. Doudou Diène, rapporteur spécial de l’ONU sur les formes contemporaines de racisme et de discrimination raciale, s’est inquiété, devant une commission de l’Assemblée générale, d’une tendance récente à la «légitimation intellectuelle du racisme […] sous couvert de la défense de l’identité et de la sécurité nationale». En juin dernier, il avait déjà insisté sur les discriminations envers les jeunes d’origine immigrée et la banalisation du racisme en France.
Après le discours de Dakar, la dernière loi sur l’immigration et l’intention affichée par Nicolas Sarkozy d’aller «chercher tous ceux qui restent [au Tchad], quoi qu’ils aient fait »4, commencent à ternir sérieusement l’image, déjà peu reluisante, de la France sur le continent africain. De nombreux pays d’Afrique noire évoquent désormais ouvertement un «néo-colonialisme» français depuis l’arrivée à l’Elysée de Nicolas Sarkozy5.
La lettre adressée le 16 avril dernier par Nicolas Sarkozy, candidat à la présidence de la République, à Denis Fadda, président du Comité de liaison des associations nationales de rapatriés (CLAN-R)6, a beaucoup circulé pendant la campagne présidentielle du printemps 2007. Nous l’avions publiée sur ce site le 18 avril, précédée du commentaire ci-dessous.
Nicolas Sarkozy avait adressé le 6 avril une première lettre aux présidents des associations de rapatriés que vous trouverez plus bas
Stupeur et indignation ont accueilli le discours prononcé à Dakar par le président Nicolas Sarkozy, venu présenter sa vision des rapports franco-africains, le 26 juillet dernier. Abasourdis, presse et intellectuels du continent noir reprochent au chef de l’Etat des propos d’un « autre âge ». Certains, cherchant peut-être le second degré, se demandent même s’il pense vraiment ce qu’il dit7.