
La colonialité des pratiques policières françaises
Trois spécialistes de la police soulignent l’existence d’un continuum colonial dans les pratiques policières françaises à l’égard des habitants des quartiers populaires.
Trois spécialistes de la police soulignent l’existence d’un continuum colonial dans les pratiques policières françaises à l’égard des habitants des quartiers populaires.
Le 26 avril 2023, la maire de Saint-Denis de La Réunion (PS) et ancienne ministre des outre-mers, Ericka Bareigts, a annoncé que la statue monumentale de Mahé de La Bourdonnais installée sur l’espace public sera déplacée dans une caserne. Il fut gouverneur des Isles de France, île Maurice et de Bourbon (La Réunion), entre 1733 et 1746, période durant laquelle l’esclavage explosa dans ces îles. Revendiquant « un choix politique et militant », Ericka Bareigts, donne ainsi satisfaction au collectif Laproptaz Nout Péi (« balayons devant notre porte » en créole réunionnais), composé d’une quarantaine d’associations. Comme le montrent ci-dessous un article de Slate.fr et le film Les Statures de la discorde (2020), l’hostilité à la célébration dans l’espace public de figures esclavagistes et colonialistes est vive et ancienne à La Réunion comme aux Antilles. On lira également la prise de position de la politologue Françoise Vergès en soutien à cette initiative.
En juin 2020, en plein mouvement Black Lives Matter, une statue londonienne de Winston Churchill dut être protégée des manifestants antiracistes. En effet, comme le rappelle Tariq Ali dans Churchill, sa vie, ses crimes, publié en mai 2023 par La Fabrique, derrière le Churchill largement héroïsé pour son rôle durant la seconde guerre mondiale, se cache un féroce pacificateur impérialiste, responsable de nombreux crimes en Afrique du Sud, au Soudan, en Inde, comme en Irlande et aussi en Grèce. On trouvera ici la présentation de l’éditeur, un extrait du livre, une vidéo dans laquelle Tariq Ali revient sur Churchill, ainsi que la recension dans Le Monde Diplomatique d’un livre intitulé Le Crime du Bengale (Les nuits rouges, 2015), sur une famine organisée en 1943 par Churchill dont le bilan est estimé à 3 millions de morts.
En mai 1923 fut fondée une Académie des Sciences coloniales, véritable laboratoire d’idées au service de l’expansion coloniale française. Le 23 mai 2023, l’Académie des Sciences d’outre-mer, qui lui a succédé, célébrera ce centenaire dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, sous le titre général « Cent ans de passion et au-delà pour l’outre-mer ». La séance inaugurale aura lieu en présence de Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. On indique que la « maîtresse de cérémonie » sera la journaliste Christine Kelly, connue du public de la chaîne CNews pour avoir tendu avec complaisance son micro à Éric Zemmour, nostalgique de l’ère coloniale et partisan de la théorie raciste du « grand remplacement ». Alain Ruscio retrace ici l’histoire de cette institution. On lira aussi un article de Pierre Singaravélou sur l’histoire des « sciences coloniales », ainsi qu’un texte d’Emmanuelle Sibeud sur la « décolonisation invisible » des sciences sociales.
Ci-dessous les images de la soirée d’hommage au militant algérien Sadek Hadjerès qui s’est tenue le 28 février 2023 à l’Ecole normale supérieure à Paris. Organisée par le Maghreb des films, l’Association Josette et Maurice Audin, l’association Histoire coloniale et postcoloniale et Virtuel, avec le soutien du département Arts de l’ENS, de La contemporaine et des Cahiers d’histoire. Né en Kabylie en 1928, Hadjerès s’est engagé dès l’âge de 17 ans pour l’indépendance au sein du Parti du peuple algérien-Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (PPA-MTLD), puis, au début des années 1950, dans la lutte armée mise en œuvre par le Parti communiste algérien (PCA). Après 1962, il a combattu contre les dérives antidémocratiques du pouvoir militaire en Algérie, été contraint à la clandestinité de 1965 à 1988, puis à l’exil dans les années 1990.
Les éditions Syllepse ont publié en décembre 2022 un guide du Rouen colonial. Il vient s’ajouter à ceux déjà publiés par le même éditeur sur Paris, Marseille, Bordeaux et Soissons. Tous sont l’œuvre de collectifs de militants qui explorent les lieux publics de leur ville pour mettre en lumière l’importance parfois ignorée du passé esclavagiste et colonial dans l’histoire de celle-ci. Et pour remettre en cause le fait que soient ainsi honorés « les acteurs directs de la colonisation, les conquérants, les entrepreneurs qui ont financé les expéditions ou le commerce d’esclaves, les militaires qui se sont illustrés dans la colonisation en Afrique ou en Indochine, ceux qui se sont enrichis ou qui se sont faits théoriciens de l’inégalité des races qui justifiait ces conquêtes. »
Dans Un empire bon marché. Histoire et économie politique de la colonisation française, XIXe-XXIe siècle, publié en janvier 2023 au Seuil, l’économiste et historien Denis Cogneau, s’appuyant sur une masse considérable d’archives et un important travail statistique mené en équipe, démontre que l’empire colonial a peu coûté à la métropole jusqu’aux guerres d’indépendance, ruinant ainsi la thèse ancienne de Jacques Marseille selon laquelle il aurait constitué un trop lourd fardeau économique. Il montre aussi que, contrairement à une propagande parfois encore reprise aujourd’hui, la « mission civilisatrice » de la République française n’a pas débouché sur un développement économique pour les colonisés, le régime colonial ayant surtout bénéficié à une petite minorité de colons et de capitalistes français. « Les colonisés ont financé leur propre domination », explique l’auteur dans un entretien accordé à L’Obs.
Le mouvement Black Lives Matter a imposé depuis 2020 dans toutes les anciennes puissances esclavagistes et colonialistes européennes la problématique de la reconnaissance des crimes commis et celle des excuses et des réparations. Les réactions des Etats sont variables, les résistances souvent fortes. « Je ne demanderai pas pardon », a par exemple déclaré récemment le président français à propos de la colonisation de l’Algérie. En Belgique, le travail en ce sens d’une commission officielle qui permettait d’espérer une avancée majeure, déjà évoqué sur notre site, vient d’échouer, comme le raconte un article ci-dessous. Un dossier du site Justiceinfo.net et une série de vidéos diffusée par Arte permettent de faire un tour d’horizon européen. Nous renvoyons également à un article de fond du sociologue Renaud Hourcade sur « la politique des excuses » et ses ambiguïtés.
En marge du 38e Sommet de la francophonie à Djerba, Tunisie, les 19 et 20 novembre 2022, Emmanuel Macron a déclaré que le français était « la vraie langue universelle du continent africain ». Il eut aussi cette autre phrase étonnante : « La francophonie, c’est la langue du panafricanisme ». Après la revue Afrique XXI, nous publions ici un chapitre de l’ouvrage collectif L’Empire qui ne veut pas mourir. Une histoire de la Françafrique (2021), déjà présenté sur notre site. L’historien Khadim Ndiaye y raconte l’histoire d’une francophonie dont De Gaulle prévoyait qu’elle serait « le relais de la colonisation » et qui est effectivement conçue, depuis le lendemain des indépendances, comme l’élément clé d’un soft power néocolonial français en Afrique.
Depuis le 7 novembre 2022 et jusqu’au 27 février 2023, on peut voir au Centre Georges Pompidou l’exposition « Décadrage colonial » qui explore les rapports des photographes de l’entre-deux-guerres avec l’empire colonial et leur contribution à la diffusion de l’idéologie colonialiste ainsi qu’à sa contestation. Un livre publié par les éditions Textuel accompagne cette réflexion. Ci-dessous un entretien en vidéo avec Damarice Amao, commissaire de l’exposition et la transcription du riche podcast accompagnant les visiteurs. On lira également pour aller plus loin les ressources historiques déjà publiées par notre site sur l’exposition coloniale de Vincennes en 1931.
Journaliste à Guyaweb, Hélène Ferrarini publie, aux éditions Anacharsis, Allons enfants de la Guyane. Éduquer, évangéliser, coloniser les Amérindiens dans la République. Un livre qui, selon Mediapart, documente « grâce à de nombreuses archives et témoignages ce qui constitue l’un des plus grands traumatismes contemporains des familles amérindiennes de Guyane, mais qui demeure pourtant l’un des plus grands tabous de la société guyanaise, de l’État français et de l’Église catholique en France ». On trouvera ci-dessous l’article de Marion Briswalter, de Guyaweb, la critique de Zoé Courtois dans Le Monde et l’accès à des extraits et à l’introduction de ce livre.
Dans L’invention du Sahel, publié en 2022 par les Editions du Croquant, l’anthropologue Jean-Loup Amselle se livre à l’analyse critique d’une catégorie qui parait aujourd’hui aller de soi. Il montre qu’elle fut inventée par les colonisateurs qui essentialisèrent au début du XXe siècle comme primitive et dangereuse une région de l’Afrique n’ayant en réalité d’existence que bio-climatique. Il questionne aussi ses usages politiques contemporains, tant en France que dans les Etats africains concernés. Nous publions la présentation de ce livre par l’éditeur, sa recension par Fabrice Formoso ainsi que sa table des matières.