
Catherine Coquery-Vidrovitch, soixante ans d’histoire de l’Afrique
Catherine Coquery-Vidrovitch, autrice d’une considérable œuvre historique consacrée l’Afrique, a répondu aux questions d’Éric Mesnard.

Catherine Coquery-Vidrovitch, autrice d’une considérable œuvre historique consacrée l’Afrique, a répondu aux questions d’Éric Mesnard.

Catherine Coquery-Vidrovitch est une pionnière dans le domaine de l’histoire de l’Afrique. Elle n’avait aucune connaissance de ce continent quand, passionnée par l’histoire, elle s’est orientée vers cet objet d’étude. Mais son enfance clandestine de fillette juive née dans une famille assimilée de longue date dans la société française, qu’elle relate d’abord, avec pudeur et émotion, dans ce livre, l’a conduite a éprouver de l’empathie pour un continent dont les habitants sont l’objet eux aussi de racisme dans le regard des Européens. A partir des années 1960, elle a publié de nombreux livres décrivant la dure réalité de la colonisation française et ses effets toujours actuels.

Spécialiste de l’histoire coloniale de l’Afrique subsaharienne, Catherine Coquery-Vidrovitch a eu l’occasion de travailler avec l’historien Jacques Thobie, mort le 8 avril 2020. Tous deux étaient alors communistes et partageaient le même intérêt pour une histoire contemporaine qui ne se limite pas aux frontières de l’Europe. Elle évoque pour notre site leurs collaborations dans un moment où l’intérêt pour l’histoire coloniale a commencé à émerger dans l’université et la société françaises. Mais de manière provisoire, puisqu’il est rapidement retombé et qu’il faudra attendre, au XXIe siècle, une nouvelle génération de chercheurs pour que ce domaine commence à être reconnu. Tout en continuant à susciter de vives oppositions. Nous reprenons aussi l’évocation de ses travaux par Faruk Bilici.

L’historienne Catherine Coquery-Vidrovitch, l’une des grands spécialistes de l’histoire de l’Afrique, du colonialisme et du post-colonialisme, a été la conseillère historique de la série documentaire, « Les Routes de l’esclavage », diffusée par la chaîne Arte le 1er mai 2018 et visible en ligne ensuite. Elle a également publié un ouvrage intitulé « Les Routes de l’esclavage. Histoire des traites africaines VIe-XXe siècle », qui est une approche globale de ce phénomène en Afrique et à partir de ce continent, de la fin de l’empire romain jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale.

Il aura fallu plus d’un siècle pour que soit publié par les éditions Le passager clandestin le dernier rapport de Pierre Savorgnan de Brazza. Occulté au nom de la raison d’État, il a été retrouvé en 1965 par Catherine Coquery-Vidrovitch, dans un dossier du fonds Gabon-Congo de l’ancienne AEF, et il est maintenant accessible à tous1.
Pour prendre conscience de ce qu’a été la colonisation de l’Afrique centrale, il faut lire ces pages écrites un siècle avant la tentative de graver dans la loi du 23 février 2005 une glorification de l’«œuvre positive» de la colonisation, et qui concernent une région dont une partie constitue aujourd’hui la République centrafricaine….
Nous reprenons en bonne feuille, et avec son autorisation, deux larges extraits de la préface que Catherine Coquery-Vidrovitch a écrite pour présenter cet ouvrage2.
Catherine Coquery-Vidrovitch est professeure émérite de l’université Paris-Diderot. Ses travaux sur l’Afrique portent sur la politique de colonisation et les notions d’impérialisme et de capitalisme sur ce continent. Elle est notamment l’auteure de Le Congo au temps des grandes compagnies concessionnaires, 1898-1930 (1972), Paris, Éditions de l’EHESS, 2001 (2e édition), 2 volumes, et de Enjeux politiques de l’histoire coloniale, Marseille, Agone, 2009.

Pierre Savorgnan de Brazza fut explorateur en Afrique. Il a signé un traité avec Illoy 1er, qui est fondateur de la présence française dans la région. Il a donné son nom à Brazzaville. En 1885, il est commissaire général du Congo. En 1905, à la suite du scandale de l’affaire Toqué-Gaud, il est envoyé à nouveau au Congo pour inspecter les conditions de vie dans les colonies. Au retour de sa mission, atteint de fortes fièvres, il est contraint de débarquer à Dakar, et meurt le 14 septembre 1905. Les informations qu’il avait rassemblées au cours de cette dernière mission sont restées jusqu’à présent inédites car jugées explosives. Elles font l’objet d’une publication sous la direction de Catherine Coquery-Vidrovitch.
Catherine Coquery-Vidrovitch est professeure émérite de l’université Paris-Diderot, historienne de l’Afrique et de la colonisation. Elle a publié récemment Etre esclave aux éditions La Découverte.

Dans son livre Les enjeux politiques de l’histoire coloniale, l’historienne Catherine Coquery-Vidrovitch, professeure émérite d’histoire contemporaine de l’Afrique à l’université Paris-Diderot, fait le point du sursaut à la fois savant et politique qui a suscité l’émergence d’une vision de l’histoire, non pas refermée sur elle-même, mais replaçant l’histoire de la France dans l’histoire de l’ensemble du monde. A la suite du sommaire, nous en publions le début de l’introduction, puis sa présentation par Alain Ruscio.

Au tournant du XIXe siècle, les républicains favorables aux conquêtes coloniales ont réussi là où leurs prédécesseurs avaient échoué. Entre 1871 et 1913, les possessions françaises outre-mer sont passées de moins d’un million de kilomètres carrés à 13 millions, le nombre d’ « indigènes » progressant de 7 à 70 millions en 1938. Comment diriger un empire aussi vaste ? Quelles orientations – assimilation ou association – mettre en œuvre dans les territoires de la « Plus Grande France » ? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles Olivier Le Cour Grandmaison tente de répondre dans La République impériale – Politique et racisme d’Etat3. Nous reprenons ci-dessous la présentation de son livre par l’historienne Catherine Coquery-Vidrovitch, suivi d’un un extrait de celui-ci.
Les historiens Catherine Coquery-Vidrovitch, Gilles Manceron et Gérard Noiriel, membres du Comité de vigilance sur les usages publics de l’histoire (CVUH), ont répondu dans Le Monde du 8 novembre 2008 à une tribune de l’historien Pierre Nora, président de l’association Liberté pour l’Histoire(LPH), parue dans Le Monde du 11 octobre 2008. Nous reproduisons ci-dessous ces deux textes.

Communication de Catherine Coquery-Vidrovitch à la journée organisée par le CVUH (Comité de vigilance face aux usages publics de l’Histoire), le 4 mars 2006 : « Sur les usages publics de l’histoire. Polémiques, commémorations, enjeux de mémoire, transmission et enseignement »4.