Passé colonial belge : un rapport qui dérange
Ce fut l’un des effets du mouvement Black Lives Matter en Belgique : à l’été 2020, une commission parlementaire “tentait d’analyser le passé mais aussi de se pencher sur la
Ce fut l’un des effets du mouvement Black Lives Matter en Belgique : à l’été 2020, une commission parlementaire “tentait d’analyser le passé mais aussi de se pencher sur la
La « Commission spéciale Congo-passé colonial » a produit 600 pages de contributions serrées, étayées par des bibliographies et des témoignages nombreux. Elles représentent une bombe qui bouscule aujourd’hui encore les certitudes de nombreux Belges
Le mouvement Black Lives Matter a imposé depuis 2020 dans toutes les anciennes puissances esclavagistes et colonialistes européennes la problématique de la reconnaissance des crimes commis et celle des excuses et des réparations. Les réactions des Etats sont variables, les résistances souvent fortes. « Je ne demanderai pas pardon », a par exemple déclaré récemment le président français à propos de la colonisation de l’Algérie. En Belgique, le travail en ce sens d’une commission officielle qui permettait d’espérer une avancée majeure, déjà évoqué sur notre site, vient d’échouer, comme le raconte un article ci-dessous. Un dossier du site Justiceinfo.net et une série de vidéos diffusée par Arte permettent de faire un tour d’horizon européen. Nous renvoyons également à un article de fond du sociologue Renaud Hourcade sur « la politique des excuses » et ses ambiguïtés.
Depuis plusieurs années, sous l’impulsion de collectifs militants « décoloniaux », un vif débat, dont notre site s’est fait l’écho, se déroule en Belgique, jusqu’au Parlement, sur le passé colonial et sur son héritage. L’article de Mediapart que nous reproduisons fait le point sur les avancées et les limites des actions en cours, tant sur la reconnaissance de la nature du système de domination coloniale que sur la décolonialisation de l’espace public et la restitution des biens spoliés. A mettre bien sûr en rapport avec les difficultés de la France à avancer elle-aussi sur les mêmes questions.
Le 17 janvier 1961, le leader anticolonialiste congolais Patrice Lumumba était assassiné, son corps dissous dans l’acide. Le 20 juin 2022, sur décision de la justice belge, une dent du héros de l’indépendance congolaise, qu’un policier belge ayant participé à l’assassinat avait conservée, a été restituée à la RDC au cours d’une cérémonie à Bruxelles. Pour les descendants de Lumumba, ce geste symbolique, qui fait suite aux « regrets » du roi des Belges pour « les blessures, les exactions et les humiliations » coloniales, est important mais insuffisant. Ils réclament que la justice belge, saisie depuis 2011, fasse toute la lumière sur ce crime dans lequel, outre la Belgique, les Etats-Unis furent impliqués. Nous publions ci-dessous un article du Monde, une émission de RFI sur Patrice Lumumba, ainsi qu’un communiqué de la famille de Mehdi Ben Barka commentant cette restitution.
Un rapport a été remis en 2018 par Felwine Sarr et Bénédicte Savoy sur la restitution des œuvres du patrimoine culturel africain entrées de force dans les musées français. Le 6 octobre 2020, un projet de loi instaurant une dérogation exceptionnelle à l’inaliénabilité des collections a été adopté par l’Assemblée nationale, par 49 voix pour et aucune contre, permettant la restitution de quelques unes au Sénégal et au Bénin. Il doit être examiné au Sénat. Ci-dessous l’interview par France culture de Mame-Fatou Niang, maîtresse de conférence en littérature française à l’Université Carnegie-Mellon (Pittsburgh, USA), qui a assisté au débat, et la tribune publiée dans Libération par Louis-Georges Tin, Lova Rinel et Laurent Tonegnikes pour lesquels il s’agit d’« une restitution en trompe-l’œil ». En Belgique, le musée d’Anvers, qui détient 5 000 objets et œuvres d’origine congolaise, a organisé une exposition d’une centaine d’entre elles. Si le livret qui l’accompagne ne va pas jusqu’à proposer leur restitution, il indique que le musée est ouvert à cette question.
Le débat sur le passé colonial, sa présence monumentale et statuaire dans l’espace public, ses liens avec les discriminations racistes systémiques contemporaines est vivement relancé dans plusieurs pays européens depuis l’assassinat de Georges Floyd et l’essor du mouvement international Black Lives Matter. Il est particulièrement nourri en Belgique, où vient d’être décidée une commission d’enquête parlementaire sur le passé colonial du pays. Le débat s’y focalise sur la figure du roi colonisateur du Congo Léopold II (1835-1909), dont plusieurs statues ont été dégradées récemment. Dans le journal Le Soir, deux historien.ne.s, Amandine Lauro et Benoît Henriet, se sont livré.e.s en 2019 à l’exercice d’utilité publique de déconstruire dix idées reçues sur la colonisation belge. On ne manquera pas d’y reconnaître des problématiques également présentes dans les débats sur la colonisation française.
«C’est dans l’État indépendant du Congo, futur Congo belge, que les méthodes de conquête ont atteint un degré de brutalité qui en fait une sorte de modèle dans l’histoire des colonisations du XIXe et du XXe siècle.
Il faut partir de l’indépendance du Congo belge en 1960 pour mesurer à quel point les colonisateurs ont voulu légitimer l’entreprise colonialiste, au mépris de l’Histoire. Ne disait-on pas alors de ce pays qu’il était une colonie modèle : un modèle administratif grâce à son taux d’encadrement exceptionnellement élevé, et un modèle de rentabilité pour la métropole ?»
Henri Goldman, rédacteur en chef de la revue belge d’analyse et de débat Politique, revient sur un épisode dramatique de la “décolonisation” du “Congo belge” : la mort de Patrice Lumumba.
Un “Collectif mémoire coloniale et lutte contre la discrimination” existe en Belgique — il présente ses objectifs.
Après la commémoration récente en hommage au roi Léopold II, Kalvin Soiresse Njall, coordinateur du collectif, exprime, dans un article que nous reprenons ci-dessous, l’exigence de vérité sur l’histoire coloniale de la Belgique au Congo.
Des motivations peut-être financières, des calculs administratifs liés aux subtilités de la politique fédérale en Belgique et, au final, un certain mépris pour l’histoire de l’Afrique, risquent de conduire à une disparition de fait des Archives africaines de Bruxelles, qui, avec un personnel limité, mais très compétent, ont réservé, depuis des années, un accueil efficace à de nombreux chercheurs belges, européens, américains et africains.
Si ces fonds sont intégrés aux Archives générales du royaume, comme il en est question, le risque est grand de voir fortement diminuer leur accessibilité. A une époque où les débats sur l’histoire coloniale restent vifs, le recours aux archives reste un garant de rigueur, de sérieux et d’approfondissement. C’est pourquoi des historiens du monde entier se sont émus de cette information et appuient l’initiative prise par leur collègue belge Léon Saur et leur collègue française Christine Deslaurier, qui, en liaison avec d’autres habitués de ce remarquable centre d’archives, diffusent le texte ci-joint.
La veille des commémorations du génocide rwandais, le chef de l’Etat, Paul Kagamé, a reproché une nouvelle fois à la France son rôle « dans la préparation politique du génocide » et sa « participation à son exécution même ». Dans son Carnet, la journaliste Colette Braeckman met en cause la responsabilité de la France. La presse publie des témoignages de militaires français qui ont participé à l’opération Turquoise …
Un étudiant congolais résidant en Belgique vient de demander en justice l’interdiction de Tintin au Congo pour «racisme et xénophobie». S’il semble difficile d’approuver sa demande d’interdiction, il n’est pas inutile de rappeler que cet album de Hergé véhicule nombre de stéréotypes raciaux.
Ces stéréotypes sont toujours bien vivaces en France, jusque dans certains discours de nos gouvernants :
«Pendant que nous y sommes, que diriez-vous, bonnes gens, du président français, Nicolas Sarkozy, qui vient tout juste d’étaler à Dakar sa vision passéiste de l’Afrique ? Pour sûr, si la sentence devait tomber, Sarko serait plus coupable que Hergé.» 1