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Édition du 1er juillet au 15 juillet 2024

Soutien de la LDH à Karoline Postel-Vinay

La LDH apporte son soutien à Karoline Postel-Vinay chercheuse du CERI, qui a “osé” mettre en cause le soutien apporté par le Quai d’Orsay à une fondation franco-japonaise, compte tenu de ses positions douteuses. Où le dépôt d’une plainte apparemment abusive pour “diffamation” semble instrumentalisé pour détourner l’attention du fond du problème soulevé.

Communiqué LDH

Paris, le 9 juin 2010

Refuser le négationnisme, respecter la liberté des historiens

La Ligue des droits de l’Homme apporte son soutien à l’universitaire Karoline Postel-Vinay, spécialiste du Japon, directrice de recherche au laboratoire Sciences-Po/CNRS, assignée en diffamation par la fondation franco-japonaise Sasakawa. Elle avait rappelé, en décembre 2008, en même temps qu’une cinquantaine de chercheurs, quelques vérités historiques sur le rôle de Ryôichi Sasakawa, accusé comme criminel de guerre devant le Tribunal international de Tokyo et bien connu pour son rôle dans la politique expansionniste du Japon des années 1930 à 1945, et pour ses liens avec la mafia.

Ryôichi Sasakawa a été arrêté en 1945 par les Américains et mis en accusation comme criminel de guerre de classe A devant le Tribunal international de Tokyo pour crimes contre la paix, en vertu de l’article 6 alinéa « a » de la Charte des tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et Tokyo, sur la base duquel ont été jugés, entre autres, Goering, Keitel, Rosenberg et Ribbentrop. Avant sa mort en 1995, Sasakawa avait créé une fondation qui dispense des fonds sur toute la planète tout en encourageant le négationnisme des crimes de guerre commis par le Japon en Asie, en particulier du massacre de Nankin, notamment par la distribution d’un ouvrage en anglais niant la réalité de ce massacre.

Karoline Postel-Vinay est assignée en justice pour avoir initié une pétition collective, adressée au ministère français des Affaires étrangères, lui demandant de retirer son patronage au colloque marquant les 150 ans de l’établissement des relations diplomatiques franco-japonaises, qui devait se tenir le 18 décembre 2008, à Paris, avec comme principal partenaire la fondation Sasakawa. Cette démarche a amené le ministère à retirer toute participation qui l’aurait amené à apparaître garant d’une opération de révision de l’histoire.

La Ligue des droits de l’Homme exprime son attachement à la liberté d’expression des historiens et des chercheurs, et son soutien à cette universitaire et à tous ses collègues qui se sont indignés des poursuites engagées contre elle.


Pour la liberté de la recherche

Les chercheurs et enseignants-chercheurs titulaires et associés de Sciences Po expriment leur solidarité avec leur collègue Karoline Postel-Vinay

Notre collègue Karoline Postel-Vinay, directrice de recherche au CERI (laboratoire conjoint de Sciences Po et du CNRS) et spécialiste du Japon, est poursuivie en justice par la « Fondation Franco-Japonaise, dite Sasakawa » (FFJDS), pour « diffamation ». Certains d’entre nous ont été témoins de
la façon brutale dont la FFJDS a lancé son action, le 5 mars 2009. Dans l’amphithéâtre Leroy-Beaulieu, au cours d’un colloque auquel participaient de nombreux collègues, un huissier de justice a remis à Karoline Postel-Vinay une demande d’assignation à comparaître devant le Tribunal de grande instance de Paris.

Le procès engagé par la FFJDS fait suite à une pétition relayée par Karoline Postel-Vinay en décembre 2008, et signée par une cinquantaine de chercheurs spécialistes du Japon et de l’Asie Orientale. La pétition demandait au ministre français des Affaires étrangères de retirer le soutien qu’il avait initialement apporté à une manifestation officielle célébrant le 150e anniversaire des relations diplomatiques franco-japonaises. Cette manifestation était financée principalement par la FFJDS. Les signataires regrettaient que pour un tel événement, la République Française s’associe à une institution se réclamant de Ryôichi Sasakawa, figure bien connue du fascisme japonais, arrêté par les
Alliés en décembre 1945 comme criminel de guerre de classe A, et généralement considéré comme lié à la pègre. Le ministère des Affaires étrangères, ayant mené sa propre enquête, décida de se désolidariser de la manifestation.

La FFJDS a pris le parti de concentrer son action en justice sur une seule personne et non sur l’ensemble des signataires. Elle a aussi choisi de lui réclamer des frais de justice très élevés. Il s’agit d’une tentative d’intimidation caractérisée.

La FFJDS se considère aujourd’hui diffamée par le rappel de faits qui, pourtant, ont été maintes fois présentés dans des ouvrages scientifiques, des essais, et des articles de presse de nombreux pays1. Aucune de ces publications n’a suscité de plainte pour diffamation. L’action de la FFJDS vise donc à obtenir du juge que l’évocation de certains sujets soit désormais interdite, non seulement en France mais à l’étranger, car l’effet symbolique d’une décision de la Justice française en sa faveur menacerait aussi la recherche à l’étranger, aux Etats-Unis et au Japon notamment, où se trouvent la plupart des spécialistes.

La démarche de la FFJDS viole manifestement le principe de la liberté de la recherche. En outre, elle soulève à nouveau le problème de l’utilisation de la Justice pour le règlement de débats historiques.

Nous, chercheurs et enseignants-chercheurs titulaires et associés de Sciences Po, souhaitons exprimer notre entière solidarité à Karoline Postel-Vinay, comme l’ont déjà fait le directeur de Sciences Po, le conseil d’unité du CERI à l’unanimité, l’Association française de science politique et le
conseil de la Société française d’études japonaises à l’unanimité2.

Signataires :

Jenny Andersson, Claire Andrieu, François Bafoil, Richard Balme, Stéphanie Balme, Martine Barthélémy, Jean-François Bayart, Jean-Philippe Béja, Daniel Benamouzig, Laurence Bertrand Dorléac, Didier Bigo, Olivier Borraz, Dominique Boullier, Philippe Braud, Jean-Louis Briquet, Astrid von Busekist, Antonella Capelle-Pogacean, Patrick Castel, Bruno Cautrès, Manlio Cinalli, Dany Cohen, Samy Cohen, Dominique Colas, Ariel Colonomos, Olivier Dabène, Renaud Dehousse, Gil Delannoi, Guillaume Devin, Alain Dieckhoff, Sophie Duchesne, Alexandre Escudier, Gilles Favarel-Garrigues, François Godement, André Grjebine, Guy Groux, Pierre Hassner, Béatrice Hibou, Catherine Honnorat, Christophe Jaffrelot, Martine Jouneau, Riva Kastoryano, Gilles Kepel, Ewa Kulesza, Zaki Laïdi, Marie-Claire Lavabre, Marc Lazar, Jean Leca, Patrick Le Galès, Anne-Marie Le Gloannec, Christian Lequesne, Emmanuelle Loyer, Laurence Louër, Denis-Constant Martin, Luis Martinez, Jean-Pierre Masse, Nonna Mayer, Pierre Mélandri, Françoise Mengin, Michel Micheau, Marcel Morabito, Janine Mossuz-Lavau, Marc Oberti, Catherine Perron, Sandrine Perrot, Guillaume Piketty, Edmond Préteceille, Nadège Ragaru, David Recondo, Sandrine Revet, Evelyne Ritaine, Paul-André
Rosental, Kathy Rousselet, Nicolas Roussellier, Olivier Rozenberg, Jacques Rupnik, Marc Sadoun, Jacques Sémelin, Jérôme Sgard, Michael Storper, Pierre-André Taguieff, Vincent Tiberj, Anne de Tinguy, Maurice Vaïsse, Etienne Wasmer, Catherine de Wenden, Cornelia Woll, Mikhail Xifaras, Agnès van Zanten, Max-Jean Zins, Bastien Irondelle.

  1. Cf. Au sein d’une abondante bibliographie, trois titres aisément consultables : David Kaplan and Alec Dubro, Yakuza. Japan’s Criminal Underground, Berkeley, University of California Press, 2003 (2e édition). Traduction française : Yakuza. La mafia japonaise, Editions Philippe Picquier, 1990 ; Philippe Pons, Misère et crime au Japon. Du XVIIe siècle à nos jours, Paris, Gallimard, 1999 ; Richard Samuels, Machiavelli’s Children. Leaders and Their Legacies in Italy and Japan, Ithaca, Cornell University Press, 2003. Et la nécrologie http://www.independent.co.uk/news/people/obituary-ryoichi-sasakawa-1592324.html.
  2. Communiqué de l’Association française de science politique (AFSP), 11 février 2010, http://www.afsp.msh-paris.fr ; communiqué de la SFEJ, février 2010, http://sfej.asso.fr/site/SoutienSFEJKarolyne%20Postel-Vinay.html.
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