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Édition du 1er juillet au 15 juillet 2024

Sous le titre « Histoire globale
de la France coloniale »,
une anthologie utile

Cette volumineuse anthologie présentée par son éditeur comme « un ouvrage qui fera date » a le mérite de rassembler plus d'une centaine d'articles publiés durant les trente dernières années, parfois réduits ou synthétisés, cinq d'entre eux étant traduits pour la première fois en français. Chose appréciable, elle date du XVIIIe siècle les débuts de l'histoire de la France coloniale, contrairement à d'autres publications antérieures de trois de ses co-directeurs, Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire à l'origine du groupe de recherche Achac, qui la faisaient remonter, comme l'historien Raoul Girardet dans L'Idée coloniale en France, 1871-1962 (1972), aux débuts de la Troisième République. On retrouve opportunément dans cette anthologie destinée à un large public des textes d'auteurs importants comme David Todd, Sophie Bessis ou Doudou Diène, qui apportent, à partir des études britanniques ou africaines, des réflexions nouvelles.

« Histoire globale de la France coloniale », sous la direction de Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire et Dominic Thomas, Philippe Rey, 864 p., 34 €.
« Histoire globale de la France coloniale », sous la direction de Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire et Dominic Thomas, Philippe Rey, 864 p., 34 €.


Présentation de l’éditeur



L’histoire coloniale est au cœur des débats de la société française. Au moment où nous commémorons la fin de l’empire colonial français, ratifiée il y a soixante ans par les accords d’Évian sur l’Algérie (1962), quatre historiens – Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire et Dominic Thomas – ont sélectionné et rassemblé une centaine de textes qui font référence sur le sujet, rédigés par des spécialistes français et internationaux.

Cet ouvrage fera date. Il propose au lecteur la possibilité de reprendre le parcours complet de la colonisation : les débuts de l’utopie dès la fin du siècle des Lumières ; l’expansion à marche forcée au XIXe siècle ; l’apogée de l’Empire au XXe siècle ; l’émergence des premières contestations ; les indépen­­dances ; l’après-Empire et la persistance des effets de la colonisation dans la société contemporaine.

Les contributions rassemblées ici offrent une vision à 360° sur l’histoire, l’idéologie et la culture coloniales, dont la connaissance est indispensable pour comprendre cet épisode majeur qui a profondément marqué la France et le monde. Car c’est en nous confrontant à toutes les facettes de notre passé que nous pourrons enfin, au XXIe siècle, l’intégrer dans notre mémoire collective.


Avec la contribution de : Catherine Akpo-Vaché, Nicolas Bancel, Ludivine Bantigny, Olivier Barlet, Jean-Pierre Bat, Jean-Paul Bertaud, Sophie Bessis, Pascal Blanchard, Gilles Boëtsch, Hubert Bonin, Sami Boufassa, Malek Bouyahia, Raphaëlle Branche, Pierre Brocheux, Anne Bruchez, Christina Carroll, Sylvie Chalaye, Dominique Chathuant, Christopher M. Church, Suzanne Citron, Alain Clément, Frederick Cooper, Catherine Coquery-Vidrovitch, Myriam Cottias, Vincent Courcelle-Labrousse, Éric Deroo, Souleymane Bachir Diagne, Véronique Dimier, Manuel Domergue, Marcel Dorigny, Laurent Dubois, Jean-Luc Einaudi, Elizabeth Ezra, Julien Fargettas, Charles Forsdick, Bernard Gainot, Yvan Gastaut, Arlette Gautier, Ruth Ginio, Évelyne Guihur, Benoît Haberbusch, Jean-Claude Halpern, Elizabeth Heath, Daniel Hémery, Catherine Hodeir, Jan C. Jansen, Vincent Joly, Jean-Jacques Jordi, Marc Lagana, Jacqueline Lalouette, Gérard Le Bouëdec, Nicolas Lebourg, Kévin Le Doudic, Sandrine Lemaire, Alain Mabanckou, Gilles Manceron, Laurent Manière, Nicolas Marmié, Achille Mbembe, Marie Ménard-Jacob, Nadine Méouchy, Sarah Mohamed-Gaillard, Abderahmen Moumen, H. Adlai Murdoch, David Murphy, Érick Noël, Clara Palmiste, Claude Prudhomme, Tramor Quemeneur, Jean-Marc Regnault, Nathalie Rezzi, Stéphane Richemond, Delphine Robic-Diaz, Pernille Røge, Maria Romo-Navarrete, Alain Ruscio, Felwine Sarr, Mohamed Mbougar Sarr, Jennifer Sessions, Tracy Sharpley-Whiting, Pierre Singaravélou, Nanette Snoep, Ann Laura Stoler, Benjamin Stora, Dominique Taffin, Saïd Tamba, Christelle Taraud, Sylvie Thénault, Dominic Thomas, David Todd, Frédéric Turpin, Anne Ulrich-Girollet, Naïma Yahi.

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« Colonialisme, une histoire séculaire aux résonances actuelles »



par Latifa Madani, critique parue dans L’Humanité-Magazine le 24 novembre 2022.

L’équipe de l’Association pour la connaissance de l’Afrique contemporaine (ACHAC) n’a plus depuis longtemps à faire preuve de son dynamisme et de sa capacité à publier des sommes sur l’histoire coloniale (désormais bien au-delà des limites de l’Afrique, qui fut son premier terrain de travail). Une fois de plus, elle a réuni une équipe nombreuse (93 auteurs, chercheuses-chercheurs confirmés ou de la nouvelle génération) et prestigieuse (nous renonçons à citer des noms, de crainte d’oublier certains collègues). Peu (ou pas ?) d’études originales, les coordinateurs ont l’honnêteté de le préciser, mais une volonté « globalisante » de réunir en un seul ouvrage un grand nombre d’études ciblées, parcourant, de façon forcément inégale, les périodes et les continents.

Cette somme impressionnante et richement illustrée regroupe 100 textes sur la France coloniale. Un ouvrage essentiel qui interroge pertinemment notre mémoire collective.

Deux siècles et demi d’histoire coloniale depuis 1763 à nos jours. C’est ce que propose cet ouvrage collectif coordonné par Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire et Dominic Thomas, quatre historiens spécialistes du sujet. Une somme de 864 pages qui rassemble les cent meilleurs textes-références écrits par des auteurs et chercheurs nationaux et internationaux. L’ouvrage n’est pas qu’une simple compilation : il s’organise selon une cohérence chronologique qui offre une approche à la fois historique, idéologique et culturelle de la colonisation.

Les contributions sélectionnées permettent de refaire le parcours complet de l’entreprise coloniale à travers cinq grandes parties : les débuts de l’utopie coloniale à la fin du siècle des Lumières et du premier Empire ; l’expansion et les conquêtes coloniales à marche forcée au XIXe siècle et la formation d’une culture coloniale ; l’apogée colonial au XXe siècle, ses mythes sur l’économie et l’union nationale et la fragilité de l’empire face aux premières revendications ; les indépendances, la fin du rêve colonial et les derniers feux de l’empire ; et enfin, après l’empire et la mémoire, ou la persistance des effets de la colonisation dans la société contemporaine.

Un cahier iconographique de 48 pages vient compléter cette somme documentaire avec une centaine d’illustrations sur l’empire colonial, sa propagande à coups d’affiches et de dessins de presse, ainsi que les scènes de la vie quotidienne, notamment à travers une rare collection de cartes postales.

Connaître pour transmettre

L’histoire coloniale de la France, qui se trouve au cœur du récit national, a traversé les siècles et les régimes politiques. Elle s’étend sur les cinq continents et les océans. En effet, plus de cinquante États indépendants ainsi que les États et territoires ultramarins sont concernés. « Par son ampleur historique, la pluralité des signatures qui le portent, la multiplicité des perspectives qu’il offre et ouvre sur la colonisation, ce travail est promis à devenir une référence majeure pour tous les publics », écrit dans sa préface Mohamed Mbougar Sarr, le lauréat du Goncourt 2021. « On le referme non seulement édifié, conclut l’écrivain, mais convaincu que ce n’est que par la connaissance puis la transmission de cette histoire que les luttes mémorielles trouveront une manière d’apaisement, et que l’opposition souvent jouée entre valeurs républicaines supposées et communautarisme prétendu pourrait avoir une chance d’être surmontée. »

Soixante ans après l’indépendance de l’Algérie, donc à la presque fin de l’empire colonial, cet ouvrage fera date. Il est sans conteste un outil précieux de connaissance et d’éclairage au moment où les débats autour de l’histoire et de la mémoire coloniales ont rarement été aussi brûlants dans la société française ».


L’« Histoire globale de la France coloniale » rendue accessible



par Séverine Kodjo-Grandvaux, publié par Le Monde le 28 novembre 2022.
Source

Avec cette somme de 800 pages, les historiens membres du groupe de recherche Achac font le tour de ce qu’il faut savoir sur la colonisation française.

Partant du constat que « depuis le début des années 1990, la “question coloniale”, englobant l’esclavage, la colonisation et leurs conséquences contemporaines, est devenue en France – mais aussi dans la plupart des pays d’Europe occidentale et aux Etats-Unis, en Inde, au Japon, au Canada, en Amérique du Sud et en Afrique – hautement polémique », des historiens ont décidé de publier une Histoire globale de la colonisation française. Une somme de plus de 800 pages et d’une centaine d’articles « fondateurs et novateurs, souvent ignorés du grand public », rassemblés par les historiens français Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire, et leur confrère américain Dominic Thomas, membres du groupe de recherche Achac. C’est à ce groupe de recherche que l’on doit les premiers travaux sur les zoos humains et, dès les années 1990, un certain nombre de parutions grand public revenant sur l’impact de la colonisation sur les imaginaires français.

La plupart des textes repris ici ont marqué la discipline ces trente dernières années, soit parce qu’ils ont ouvert de nouvelles pistes de réflexion et champs de recherche, soit parce qu’ils proposent une excellente synthèse des analyses et savoirs actuels sur des sujets très précis. Ils constituent, de fait, « un formidable vivier de connaissances ». L’objectif annoncé de l’ouvrage est de « permettre à chacun de mieux comprendre ce que fut la période coloniale pour la France et comment la colonisation a profondément transformé non seulement les pays colonisés, mais aussi l’Hexagone et ce, dans tous les domaines ». Elle a ainsi contribué à façonner une culture coloniale, comme en témoignent la littérature, le théâtre, le cinéma, et toute une série d’affiches de publicité ou de propagande, de photographies et autres couvertures de magazines. Quelques-unes sont reproduites dans un instructif cahier iconographique central de 48 pages, reproduisant une centaine d’illustrations parues entre la fin du XVIIIe siècle et le XXe siècle.

Les contributions reviennent sur des sujets aussi divers que la question de l’esclavage, « l’érotisation violente des femmes », « l’invention des “races sauvages” », « l’expédition d’Egypte et la construction du mythe napoléonien », « l’école et les colonies », le régime de l’indigénat, les problématiques militaires, économiques, politiques, « le mythe colonial de Vichy », « les élites noires en France au temps de l’empire », la participation de la science à « l’édification d’un ordre colonial », la création d’un lobby colonial… Il pourrait en sortir un sentiment de dispersion et d’éparpillement. Mais l’ouvrage parvient à relier ces différents aspects sous cinq grandes parties thématiques et chronologiques. Il s’en dégage alors une certaine cohérence qui permet de comprendre comment s’est constitué « le second empire colonial au monde » et de saisir à quel point la question coloniale a été au cœur de la politique française des XIXe et XXe siècles.

Pluralité des approches

Les travaux rassemblés couvrent une période extrêmement large, de près de trois siècles, de la fin du premier empire colonial sous l’Ancien Régime, en 1763, jusqu’aux indépendances. Sans oublier l’époque actuelle et les multiples héritages coloniaux et impériaux, ainsi qu’en attestent les questions mémorielles soulevées ces dernières années, notamment à travers la question des statues déboulonnées ou de la restitution du patrimoine africain pillé, mais aussi le maintien d’une francophonie politique alors que la présence française en Afrique est aujourd’hui fortement remise en question.

Refusant le partisanisme des mouvements militants décoloniaux ou des nostalgiques de l’empire, l’équipe de recherche a tenu à publier des « travaux étant issus de courants interprétatifs ou de démarches méthodologiques différentes », aussi bien issus de courants que l’on pourrait qualifier de conservateurs ou de postcoloniaux, écrits par des historiens travaillant en France, en Afrique ou aux Etats-Unis, témoignant de la pluralité des approches ainsi que de l’ouverture de la discipline à la pluridisciplinarité. Un renouvellement des approches et des objets d’étude, « de l’histoire des femmes et du genre à l’histoire des minorités, de l’histoire des représentations à celle de l’imaginaire, de l’histoire économique à celle des groupes de pression, de l’histoire des violences à celles des multiples formes de résistance, des processus de conquête aux guerres de décolonisation, des cadres juridiques coloniaux à la complexité des gouvernances coloniales ».

Si l’histoire coloniale de la France a été relativement étudiée ces trente dernières années, il reste à la rendre accessible à un large public. Et ce d’autant plus qu’elle occupe encore une place très « marginale » dans les programmes scolaires, alors qu’« on ne peut qu’être frappé, écrivent les auteurs, par la jeunesse des participants aux manifestations visant la mise au jour de la “question coloniale” et ses conséquences actuelles ».


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