Communiqué LDH
Paris, le 10 janvier 2010
Répression en Tunisie : le gouvernement français se tait,
les citoyens français sont solidaires du peuple tunisien
Quel est ce pays, si proche, où un jeune diplômé privé de tous moyens de subsistance par la police en est réduit à se suicider par le feu ? Où ceux qui, bouleversés par cette tragédie, manifestent pacifiquement essuient des tirs policiers à balles réelles faisant plusieurs dizaines de morts ? Ce pays dans lequel, depuis des années, les chômeurs qui défendent leurs droits sont durement réprimés, un syndicaliste et un journaliste emprisonnés pour avoir simplement cherché à le faire savoir ? Ce pays où l’on arrête les étudiants qui se syndiquent, où des avocats sont molestés par centaines pour avoir seulement réclamé justice ? Où la presse est muselée, où les enquêteurs de la presse étrangère et les missions des ONG sont refoulés à l’aéroport, où les blogueurs sont pourchassés lorsqu’ils font vivre un peu d’information libre ? Ce pays dans lequel associations et syndicats indépendants sont interdits d’existence légale ou en butte aux tracasseries et aux intimidations ? Ce pays dans les prisons duquel on torture les opposants politiques ?
Ce pays, ce n’est ni la Birmanie ni la Corée du Nord : c’est la Tunisie, si souvent dépeinte sous les traits idylliques d’un paradis touristique paisible… Misère, chômage, corruption, mise en coupe réglée de l’Etat et de l’économie par un clan affairiste, surveillance étouffante, paralysie de toute association indépendante, parodies d’élection à plus de 90% des voix et de réélections indéfinies, brutalités et calomnies déversées sur les défenseurs des droits, presse de caniveau aux ordres du pouvoir : tout cela, les ONG de défense des droits le savent et le disent depuis des années. Mais trop de dirigeants européens, parfois sensibles à l’hospitalité officielle du régime, ont cautionné sa vitrine mensongère pour que la majorité de nos concitoyens en soient réellement informés.
C’en est fini aujourd’hui : pour la première fois depuis très longtemps, le régime tunisien est en grande difficulté. Les manifestations de solidarité se multiplient dans le monde, les Etats-Unis critiquent la répression… et voici que le gouvernement français reçoit l’envoyé du despote sans un mot de protestation contre ce que subit le peuple tunisien !
La Ligue des droits de l’Homme, solidaire de sa Ligue sœur la LTDH, assure les défenseurs des droits, et tous les citoyens victimes de l’arbitraire et de l’injustice qui règnent depuis tant d’années en Tunisie, de son entière solidarité avec leur lutte courageuse pour la démocratie et le respect de leurs droits fondamentaux. Qu’ils sachent que le silence complice des autorités politiques françaises actuelles n’est en rien représentatif de l’indignation qui s’étend dans la société française, à présent que les masques tombent et qu’apparaît au grand jour le visage de la dictature.
L’avenir de la Tunisie, comme celui de bien des peuples de la région pris entre autoritarisme corrompu et injonctions de repli sur le passé, appartient à ces citoyens courageux qui font honneur à leur pays. Il est de la responsabilité des démocraties, tout particulièrement dans l’Union européenne qui affirme une politique de partenariat euro-méditerranéen conditionné au respect des droits de l’Homme, de les soutenir dans leur combat contre l’oppression et de mettre enfin les actes en rapport avec les discours. La LDH entend prendre toute sa place dans la pression citoyenne qui s’exerce et s’exercera en ce sens.
Communiqué de la LTDH 1
Le 9 janvier 2011 23:34
La LTDH dénonce avec la plus grande fermeté le meurtre des citoyens et appelle à un cessez-le-feu immédiat
La Ligue Tunisienne pour la Défense des Droits de l’Homme suit avec préoccupation et consternation le meurtre d’un certain nombre de citoyens dans les villes de Tala et Kasserine par les forces de l’ordre qui ont assiégé les deux villes et tiré sur les manifestants civils. La Ligue a été informée par des sources concordantes qu’il y a eu quatorze morts jusqu’à dimanche 9 janvier 2011 à midi. Des sources syndicales et associatives de la région disent que le nombre de tués par balles est bien plus élevé et que d’autres ont été grièvement blessés. Les mêmes sources affirment que l’armée cerne les deux villes depuis la veille mais les manifestations n’ont pas cessé et se sont transformées au cours de la nuit en de violentes confrontations lorsque les forces de l’ordre ont procédé à des perquisitions et ont arrêté des citoyens.
La Ligue a également appris qu’aujourd’hui, dans la ville de Rgueb du Gouvernorat de Sidi Bouzid , des affrontements violents entre forces de l’ordre faisant usage de leurs armes à balles réelles et population auraient fait cinq victimes et plusieurs blessés.
Dans ses communiqués précédents, la Ligue avait mis en garde contre d’éventuels développements graves de la situation dûs aux atteintes au droit de rassemblement et de manifestation pacifiques sur la voie publique. A ce droit, les autorités ont opposé leur solution sécuritaire et l’usage de la violence dès le déclenchement des événements. La Ligue avait appelé les autorités à privilégier la voie de la négociation avec les représentants des contestataires et toutes les autres parties.
Mettant en garde les autorités que l’usage des balles réelles contre les civils manifestant pacifiquement est sanctionné aussi bien par le droit tunisien et internatinal, le Comité Directeur de la LTDH appelle avec insistance les autorités à :
- Mettre immédiatement fin à cette escalade policière, renvoyer l’armée dans ses casernes et renoncer à l’usage des balles réelles contre les civils quelles qu’en soient les raisons.
- Respecter le droit de rassemblement et de manifestation pacifiques et lever le blocus qui accable les composantes de la Société Civile pour qu’elles puissent encadrer les mouvements de contestation et prévenir tout glissement vers la violence.
- Mener un dialogue sérieux avec les représentants des contestataires et toutes les parties concernées en vue de débattre de toutes les questions politiques et sociales sans tabous afin d’aboutir à des solutions urgentes garantissant le droit au travail et l’égalité entre les régions en matière de développement et de participation citoyenne dans la conception et l’exécution des solutions aux problèmes du pays.
- Diligenter rapidement une enquête indépendante pour déterminer les responsabilités dans le meurtre de civils par balles réelles tant au niveau du commandement que de l’exécution.
- Libérer tous ceux qui ont été arrêtes au cours des événements.
Pour le Comité Directeur
Le Président, Mokhtar Trifi