Communiqué LDH
Paris, le 28 avril 2011
Politique de la peur, gesticulation aux frontières et chasse aux Tunisiens en Ile-de-France : Sarkozy et Berlusconi préféraient Ben Ali
Il est profondément indécent que le président de la République française et le Premier ministre italien s’entendent pour limiter la liberté de circulation en Europe au prétexte de l’arrivée de vingt-cinq mille ressortissants tunisiens en Italie.
Evoquer les risques d’une invasion relève de la volonté politique d’attiser la peur et la xénophobie, en Italie comme en France. Que devraient dire les ONG et bénévoles tunisiens qui, avec des moyens réduits, accueillent à la frontière tuniso-libyenne les centaines de milliers de personnes qui fuient les exactions du régime Kadhafi ?
Après avoir soutenu presque jusqu’au dernier jour le régime de M. Ben Ali, Nicolas Sarkozy s’en prend à ceux qui se sont révoltés contre cette dictature. Accueillir dignement en France et en Italie vingt-cinq mille personnes qui cherchent une respiration au milieu des bouleversements inévitables qu’entraîne une révolution relève du devoir élémentaire d’humanité, mais aussi de l’intérêt politique de tous les pays de la région.
Il ne suffit pas de proclamer un soutien aussi tardif qu’irrésolu à la démocratie tunisienne et d’annoncer une contribution financière qui n’est en fait qu’un prêt. Il faut aussi tout faire pour que la démocratie l’emporte en Tunisie. C’est l’intérêt des Tunisiens, c’est l’intérêt des pays de la région, c’est l’intérêt de l’Europe.
Au regard de ces enjeux, le traitement infligé aux Tunisiens qui sont arrivés en Europe, refoulés à Vintimille, traqués dans les rues à Paris et en banlieue, est non seulement indigne, participant de cette xénophobie d’Etat dans laquelle s’enfonce le gouvernement français, mais aussi profondément stupide et dangereux pour notre avenir commun.
La LDH appelle tous ses militants, tous les citoyens de ce pays à se mobiliser pour porter aide et assistance à ces personnes.
Nouvelle série d’interpellations de migrants dans le nord de Paris
Plusieurs dizaines de migrants tunisiens, arrivés pour la plupart récemment d’Italie et réfugiés au parc de la Villette (19e arrondissement de Paris), ont été interpellés, mercredi 27 avril, par les forces de l’ordre. L’opération s’est déroulée vers 21 heures, au moment où un repas chaud était distribué à plusieurs dizaines d’entre eux par la Croix-Rouge, porte de la Villette, a précisé Omeyya Seddik, administrateur de la Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR), présent sur place. « Il y a eu un très grand déploiement des forces de police, principalement porte de la Villette, où se trouvaient entre cent et deux cents jeunes migrants », témoigne-t-il.
Les forces de police les ont laissés manger, mais ensuite elles « ont embarqué presque tout le monde » au moment où les immigrés retournaient vers le parc. Beaucoup s’y sont installés dans des conditions précaires. La préfecture de police a confirmé qu' »une opération similaire à celle de [mardi] », avait eu lieu mercredi soir, sans donner plus de précisions sur le nombre de personnes interpellées, et que cette dernière action s’inscrivait « dans la continuité » de celle menée la veille.
« Embarqués au commissariat »
Mardi soir, une soixantaine de personnes avaient été placées en garde à vue à Paris et dans la Seine-Saint-Denis pour « infraction à la législation sur le séjour », a-t-on précisé de même source. L’objectif est de « contrôler toutes ces personnes arrivées en masse », « d’établir un diagnostic de la situation de chacun », et de traiter « au cas par cas » leur situation, a ajouté la préfecture de même source.
Selon M. Seddik, des opérations similaires auraient également eu lieu mercredi soir « à Jaurès, Stalingrad [19e arrondissement] et Pantin ». Un responsable de la police « nous a dit qu’ils agissaient sur réquisition du procureur », a-t-il ajouté. D’après lui, de nombreux Tunisiens ont été « embarqués au commissariat du 19e », où l’association essayait « d’envoyer des avocats pour avoir des informations ». Mercredi en fin de journée, la préfecture de police avait précisé que « la majorité » des Tunisiens arrêtés mardi soir « [avaient] ou [allaient faire] l’objet d’arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière ».
Le maire de Paris, Bertrand Delanoë (PS), avait invité, mardi, l’Europe, et la France en particulier, à traiter avec « humanité et dignité » ces migrants. Mercredi dans un communiqué, il a jugé ces interpellations « choquantes » et a demandé à l’Etat « de cesser ces opérations de police qui ne sont pas à la hauteur de la situation et de [l’]appuyer dans la mise en œuvre, avec les associations, de solutions plus en phase avec le droit international et le respect de la dignité des personnes ». Le ministre de l’intérieur, Claude Guéant, a répondu dans une lettre à M. Delanoë que ce n’était « pas à l’Etat » de pourvoir au séjour de ces Tunisiens, qui devaient « en vertu des accords internationaux et de la loi (…) disposer de ressources suffisantes pour assumer leurs frais de séjour ».
Interpellations à Marseille
Quinze migrants tunisiens, arrivés pour la plupart récemment d’Italie et réfugiés dans un square proche de la gare de Marseille, ont été interpellés mercredi soir et placés en garde à vue. L’opération s’est déroulée entre 21 heures et minuit, au moment où des associations tentaient de trouver des solutions d’hébergement pour plusieurs dizaines de migrants installés dans ce square dans des conditions précaires. Une centaine de migrants tunisiens selon la préfecture, deux cents selon les associations qui leur viennent en aide, ont trouvé refuge depuis plusieurs jours dans ce jardin situé à proximité de la gare Saint-Charles, où beaucoup sont arrivés en train d’Italie. Mardi soir, la préfecture des Bouches-du-Rhône a indiqué qu’elle travaillait avec le consulat général de Tunisie à Marseille pour aider au retour en Tunisie des migrants qui s’étaient déclarés volontaires pour rentrer dans leur pays.