Paris, 7 mai 2014.
Député du Var
Maire de Saint-Raphaël
Monsieur le député,
Si je m’en tiens aux informations reprises sur des sites Internet de l’extrême droite la plus radicale, votre ville pourrait être, à partir du 5 juillet prochain, le théâtre de manifestations ayant pour objet de valoriser le terrorisme de l’OAS.
En effet, vous auriez délivré à une association d’anciens activistes dont le siège se situe à Montpellier, une autorisation lui permettant d’ériger, sur le domaine public, promenade Beau Rivage, un monument annoncé aux souscripteurs comme ayant vocation à magnifier l’œuvre civilisatrice de la France en Algérie, à rappeler l’exode des Français rapatriés et repliés ainsi qu’à réhabiliter le passé colonial face aux adversaires de la droite nationale.
Le libellé de l’inscription envisagée sur la stèle (« EN HOMMAGE À CEUX QUI SONT TOMBÉS POUR QUE VIVE LA FRANCE EN ALGÉRIE ») n’est pas condamnable en soi. En effet, comme vous-même, les instigateurs de ce projet ont connaissance des risques auxquels les exposerait une dédicace plus agressive à l’égard des victimes de l’organisation criminelle dont ils se réclament ou sont issus : ne suis-je pas parvenu, par trois fois – devant le tribunal administratif, puis la cour administrative d’appel de Marseille et, enfin, devant le Conseil d’État (cf. pièce jointe) – à faire constater qu’un cénotaphe commémorant l’OAS est, par nature, susceptible d’entraîner des troubles à l’ordre public en tant qu’il procède à l’apologie de faits criminels ?
Ceci étant, à partir de l’exposé des motifs du projet, des antécédents de ses concepteurs [NB] et d’une expérience qui a récemment impliqué la maire d’Aix-en-Provence, je dois attirer votre attention sur les pratiques auxquelles les faiseurs de stèles ont désormais recours. Leur nouvelle stratégie vise à éviter les actions contentieuses du type de celle ayant abouti à la condamnation de la ville de Marignane et au démantèlement en novembre 2008 de la stèle édifiée trois ans plus tôt, le 5 juillet 2005 : dans un premier temps, le monument ne comporte qu’une mention relativement neutre ou, comme c’est le cas ici, équivoque ; mais dans un second temps, très rapproché, il se voit complété, en catimini, d’une plaque plus explicite, nommément dédiée aux condamnés à mort de l’OAS passés par les armes les 7 juin et 6 juillet 1962.
Aujourd’hui davantage prédisposé à la paix des mémoires qu’à leur confrontation devant les cours et tribunaux judiciaires ou administratifs, je ne saurais trop vous recommander d’assortir votre autorisation de conditions strictes relatives à l’usage de la stèle en question : interdiction, par exemple, d’y apposer, y compris de façon provisoire, tout élément portant directement ou indirectement atteinte à la dignité ou à l’honneur des victimes de l’OAS ; interdiction, par ailleurs, d’y célébrer la gloire des personnes s’étant rendues coupables ou complices d’assassinats et attentats commis au nom ou pour le compte de l’OAS.
Comptant sur votre écoute,
Je vous prie d’accepter, Monsieur le député, avec mes remerciements anticipés, l’expression de ma considération la meilleure.
orphelin de guerre
Président de l’Anpromevo
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[NB] :
– À propos de Jean-Paul Selles, cf. http://ldh-toulon.net/quand-Estrosi-se-fait-balader-par.html.
– Concernant Bernard Salkin, cf. http://alger-roi.fr/Alger/mars_1962/pages_liees/1_poesie_baumettes_62.htm et http://www.varmatin.com/article/actualites/l%E2%80%99anti-%C2%AB-hors-la-loi-%C2%BB-menacait-des-cinemas-d%E2%80%99attentats.325401.html