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Rwanda : la commémoration doit se prolonger dans un travail de vérité

À la suite de son intervention, lors de la commémoration à l’UNESCO du 20e anniversaire du génocide des Tutsi du Rwanda (Paris, 7 avril 2014), nous reprenons un entretien avec Jean-Pierre Chrétien au cours duquel l'historien évoque le livre qu'il vient de publier avec Marcel Kabanda, Rwanda, Racisme et Génocide, l’idéologie hamitique.

Je mesure la gravité de ce moment, où nous commémorons, dans le cadre de l’Unesco, le 20e anniversaire du génocide perpétré au Rwanda en 1994.

L’émotion est incontournable. Je ne peux pas oublier l’angoisse que les gens qui connaissaient ce pays, qui y avaient des amis et qui ont aussitôt compris ce qui s’y passait, ont éprouvée durant trois mois, en voyant que leurs inquiétudes, leurs protestations, leurs témoignages ou tout simplement leurs explications, n’étaient guère entendus ni en haut lieu, ni dans les médias. En parlant ici, je ne peux oublier mes anciens étudiants d’histoire, professeurs à l’Université nationale du Rwanda, qui ont disparu durant le génocide avec de nombreux membres de leur famille. Jean-Népomucène Nkurikiyimfura, Jean Rumiya, je pense à vous !

Ce troisième génocide du XXe siècle a frappé, d’avril à juillet 1994, les Tutsi du Rwanda, emportant au passage aussi ceux de leurs compatriotes hutu qui avaient refusé de se joindre à cette horreur. Cette tragédie n’est pas un simple épisode de l’histoire d’un pays d’Afrique. Niant l’humanité de centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, étiquetés en fonction de leur naissance, un génocide interpelle toute la communauté humaine. Cette commémoration a toute sa place dans cette enceinte internationale.

La dimension historique de l’Unesco dans le cadre des Nations unies doit être soulignée ici. L’Unesco a en effet porté, dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, un message essentiel, celui de la stigmatisation des idéologies racistes. Votre organisation a sollicité les meilleurs spécialistes de sciences humaines de l’époque et des textes fondamentaux, dénonçant le recours à la notion de race, ont été diffusés, sous ses auspices, entre 1950 et 1978. Étaient ainsi visés l’antisémitisme et les différentes formes de racisme dont étaient victimes les peuples d’Afrique et d’Asie.

Mais la diversité et la perversité des schémas racialistes et de leur instrumentalisation dans des politiques discriminatoires méritent une attention toujours renouvelée, et partout ! C’est cette attention qui a trop longtemps fait défaut en ce qui concerne la région des Grands lacs de l’Afrique orientale.

L’Unesco a certes accompagné le passage difficile à l’indépendance de pays comme le Rwanda et le Burundi, où le nombre des cadres formés était dérisoire au début des années 1960. J’ai moi-même eu la joie de travailler à Bujumbura de 1965 à 1968 dans une Ecole normale supérieure fondée avec l’appui de l’Unesco, où nous avions la tâche de former la première génération de professeurs burundais du secondaire.

Mais les recherches sur cette région d’Afrique ont trop longtemps été piégées par des clichés raciaux forgés depuis le début de la période coloniale. Les historiens de l’Afrique soulignent de plus en plus que ce continent a participé à l’histoire universelle, bien avant que l’on parle de « mondialisation » pour le meilleur ou pour le pire.

Au Rwanda hélas, ce ne sont pas seulement des innovations techniques venues d’Europe qui ont circulé, des schémas racistes y ont aussi été intériorisés. Les anciens clivage sociaux de ce pays ont été systématiquement interprétés, enseignés et utilisés en termes de races : les Rwandais hutu et tutsi se sont retrouvés déchirés en prétendues races dites bantoue et hamitique : un « peuple hutu » présenté comme autochtone et le seul vraiment rwandais, face à une « minorité tutsi » présentée comme issue d’une conquête venue d’Ethiopie et comme racialement supérieure. Cette vision ridicule sur le plan scientifique, porteuse de divisions, de violences et de mort, a été reprise et instrumentalisée au profit,cette fois, d’un pouvoir hutu, par la République indépendante.

Le Rwanda a ainsi été bloqué durant un siècle dans une pensée socio-raciale officielle : cela s’est traduit, des années 1960 aux années 1990, par des discriminations, des quotas et, périodiquement, des violences orchestrées contre le bouc émissaire tutsi. C’était un véritable racisme d’État, dont les partenaires étrangers du Rwanda se sont accommodés jusqu’à la veille du génocide, malgré les nombreuses critiques publiées sur ce sujet depuis une quarantaine d’années. Mesure-t-on la désespérance des intellectuels connaisseurs de cette région devant l’obstination de nombre d’officiels et de médias à lire le processus conduisant à un génocide en termes de guerre tribale ?

Or, non !, le génocide de 1994 n’a pas été une guerre ethnique, ni l’expression d’une sauvagerie atavique, ni le dégât collatéral d’une guerre civile à somme nulle, ni le fruit d’une décision tactique improvisée en une semaine, bref un objet non identifié qui serait venu, comme écrivait Paul Ricoeur, de « ces profondeurs abyssales où tous les chats sont gris ». Il a été le produit d’un projet politique raciste dûment préparé, visant à exterminer les Rwandais tutsi et à casser toute opposition chez les Rwandais hutu. Il reflète une vision totalitaire consistant à déchirer définitivement la collectivité multiséculaire des Banayarwanda. Une utopie de mort hélas bien moderne !

Aujourd’hui il n’est plus supportable d’entendre commenter cette tragédie seulement en termes de compassion, alors que c’est avant tout un décryptage de l’aveuglement de l’époque qui s’impose. La commémoration doit se prolonger dans un travail de vérité. Comme écrivait en 1991 mon regretté collègue Pierre Vidal-Naquet dans son ouvrage sur « Les assassins de la mémoire », « Il ne suffit pas dans cette affaire d’avoir globalement raison, il faut inlassablement travailler ». Cela concerne au premier chef les secteurs de la science, de la culture et de l’éducation et je dois à nouveau évoquer l’Unesco pour remercier sa Division de la Communication qui, en 1995, a apporté une aide décisive dans la publication d’une enquête que nous avions menée sur « les médias du génocide au Rwanda ».

Le chantier de la quête de vérité doit continuer. Ce n’est pas facile : le devoir d’histoire, dans sa dimension critique, est d’une nature plus délicate encore que le travail de mémoire, trop souvent confronté aux passions et aux enjeux politiques, hélas inévitables face à de telles tragédies. La société rwandaise a en tout cas besoin de notre compréhension et de notre soutien dans son effort actuel de reconstruction nationale, entre la mémoire de son passé et la définition de son avenir.

Jean-Pierre Chrétien

Historien. Directeur de recherches émérite au CNRS

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«Shoah et Rwanda, des références communes»

par Catherine Calvet & Maria Malagardis, Libération, le 28 mars 2014

Vingt ans après le génocide, l’historien Jean-Pierre Chrétien analyse la logique qui a conduit au projet d’extermination des Tutsis.
Près d’un million de morts en seulement cent jours : le génocide de la minorité tutsie, qui s’est déroulé au Rwanda il y a exactement vingt ans, constitue la plus fulgurante tentative d’extermination de l’Histoire contemporaine. Pourquoi cet événement reste-t-il si mal connu, et si peu reconnu ? C’est une des interrogations à laquelle tente de répondre l’historien Jean-Pierre Chrétien dans son dernier livre, Rwanda, Racisme et Génocide, l’idéologie hamitique 1. Ce spécialiste de l’Afrique des Grands Lacs y analyse aussi les raisons qui ont rendu possible un tel massacre. Car il a fallu des années de propagande, de falsification de l’Histoire, imposée notamment par le colonisateur, et de stigmatisation de l’Autre pour convaincre les esprits de la nécessité du pire. Au fond, l’Histoire se répète, et l’historien ne manque pas de souligner les parallèles troublants entre l’antisémitisme en Europe qui a conduit à la Shoah et ce qui s’est passé en 1994 dans ce petit pays au cœur de l’Afrique.

  • Quelles sont les origines de ce génocide ?

Le génocide rwandais n’a pas été improvisé en fonction d’une conjoncture. Ce n’était pas non plus une fatalité inscrite dans les gènes de la population rwandaise : il faut arrêter d’avoir une vision ethnographique de l’Afrique et réduire cette tragédie à un massacre interethnique comme on l’entend encore si souvent. La reconnaissance d’un génocide par la communauté internationale [comme c’est le cas au Rwanda, ndlr] ne relève pas du nombre de morts mais d’un projet, d’une logique d’extermination qui s’inscrit dans la durée. Or dans le cas rwandais, l’idéologie raciste qui va s’imposer trouve aussi des racines en Europe. Nous retrouvons les mêmes références, les mêmes auteurs qui sont à l’origine de la Shoah en Europe. Les théories de Gobineau ont ainsi influencé les colonisateurs du Rwanda. Les Occidentaux du XIXe siècle avaient une grille de lecture du monde racialisée.

  • Vous invoquez l’idéologie hamitique. Qui sont les Hamites ?

Cette notion, apparue au XIXe siècle, servait à désigner des Africains supposés d’origine extra-africaine. Dans les fantasmes occidentaux qui s’exportent en Afrique, les Hamites représenteraient ainsi une «race supérieure». En découvrant un royaume très organisé, une société hiérarchisée et sophistiquée, croyant en un Dieu unique, chose rare en Afrique, les premiers Blancs qui arrivent au Rwanda ne peuvent concevoir qu’il s’agit d’une réalité africaine. Ils vont créer le mythe du Tutsi hamite venu d’ailleurs. En réalité, cette vision racialisée s’est imposée dans toute l’Afrique. Il fallait classer, étiqueter. Et théoriser cette vision de l’Afrique. L’anthropologue britannique Charles Gabriel Seligman par exemple, va développer l’idée dans les Races en Afrique [publié en 1930, ndlr], que les prétendus Hamites ont diffusé leurs savoirs et une organisation politique avancée sur le continent. Donc il existe un «vrai nègre» et un «faux nègre». Le vrai nègre correspond aux préjugés racistes utilisés pour justifier la traite. Cette classification sera systématique en Afrique orientale et australe. Proche de l’océan Indien et de la péninsule arabique, cette région a forcément connu des mouvements et des mélanges de populations, mais c’est comme si l’on analysait le mouvement des Bonnets rouges à travers la présence celte. On retrouve aussi cette thèse raciste chez Gobineau, dans son Essai sur l’inégalité des races humaines [en 1853], il y aurait eu une première « coulée blanche » (vague de peuplement d’origine européenne), dont seraient issus les Hamites. Dès les premières heures de la colonisation, les Tutsis furent classés dans une catégorie «supérieure», et les Hutus devinrent des sous-hommes.

  • Alors qu’au départ, ni Hutus ni Tutsis ne sont de vraies ethnies ?

Tout à fait, ce sont des castes transformées en ethnies par le colonisateur fasciné par la monarchie. Or, à cette époque, seuls 15 à 20% des Tutsis étaient des aristocrates, et il était possible de passer de Hutu à Tutsi en fonction de sa place dans la société. Par ailleurs, le mot ethnie est assez récent, il a remplacé les termes «race» ou «tribu» dans les années 1970. Ainsi le clivage social au sein d’une population qui partageait la même langue, la même culture et une même histoire, est transformé en une séparation étanche entre deux pseudo-peuples. Les outils intellectuels de ce clivage sont artificiels et anciens.

  • Selon l’idéologie hamitique, les Tutsis étaient donc vus de façon positive ?

Il y eut plusieurs retournements. Ce qui dénotait au départ une certaine admiration devint par la suite le signe d’une méfiance, les indigènes qui vont résister à la colonisation sont justement ces Hamites favorisés au départ. Les missionnaires ont joué un grand rôle dans la construction de ces préjugés. Ils vont aller jusqu’à expliquer que les Hamites sont les héritiers d’un peuple qui s’est enfui lors de la chute de la tour de Babel. Ils auraient ainsi appartenu à une civilisation supérieure mais auraient été punis pour leur arrogance. C’est le reflet d’une idéologie car, dans le même temps, les manuels des missionnaires s’emploient à soutenir l’idée d’une civilisation urbaine qui pervertit. Du coup, même si les Tutsis sont considérés comme supérieurs et plus intelligents, et donc favorisés au départ par le colonisateur, ce dernier insinue dès le départ qu’ils ont des mœurs suspectes en contraste avec la simplicité des Hutus. Comme le dit très bien le journaliste Jean Hatzfeld [ancien de Libération], les Tutsis n’ont rien à voir avec les Juifs, mais se retrouvent dans une situation similaire. De l’antisémitisme à l’antitutsisme, on retrouve des pistes communes. Il y a aussi un effet miroir entre l’idéologie raciste des années 1930 en Europe (Aryens contre Sémites) et cette construction raciale transposée au Rwanda (Hutus contre Tutsis)… Ce sont des idéologies complexes, avec fantasmes et retournements identitaires multiples. Le colonisateur ne maîtrise pas tout. Les sociétés colonisées instrumentalisent elles-mêmes à leur façon certaines idées occidentales que les colons ont voulu leur appliquer. L’aristocratie ou les élites tutsies du Rwanda des années 50 portent une part de responsabilité, elles se sont laissées séduire par cette prétendue supériorité. Et les Hutus qui vont prendre le pouvoir en 1959, non pas contre le colonisateur mais contre le Tutsi, vont utiliser à leur avantage cet héritage colonial.

  • Le génocide est aussi le produit d’une situation socio-économique ?

Au début des années 90, le seul espoir pour le Rwanda, alors en pleine crise, aurait été une véritable révolution sociale, mais le génocide a tout bloqué. Le racisme comme le nazisme permet de rester au pouvoir sans remettre en cause ni le capitalisme ni aucun fonctionnement économique ou social injuste. La dimension sociale reste primordiale, c’est ce qui a permis de légitimer la vision raciale. C’est ainsi que la lutte des races supplantera la lutte des classes… Là encore, nous retrouvons la lecture coloniale, le Rwanda fut administré en terme de «races». Et c’est lorsque ce langage des «races» s’est couplé avec un discours social, que la situation est devenue explosive. Ce schéma simplificateur décrivait des Tutsis de «race» hamitique conquérante face à des Hutus de «race» bantoue, les Hutus représentaient le tiers-état et les Tutsis figuraient les aristocrates. Cette vision n’était pas seulement véhiculée par les tenants d’un pouvoir à bout de souffle au Rwanda, elle constituait aussi la grille de lecture du président François Mitterrand. Ainsi, au début, les Tutsis étaient peut-être vus comme intelligents, raisonnables, comme ceux à qui on pouvait déléguer le pouvoir. Puis dans les années 1950, il valait mieux se fier aux Hutus qui représentaient le «vrai» peuple rwandais, et se méfier des Tutsis, descendants des «aristocrates». Les références à la révolution française sont évidentes. Mais au Rwanda, quand le pouvoir bascule en faveur des Hutus à l’indépendance, les privilèges ne sont pas abolis, comme lors de la nuit du 4 août 1789, ils changent juste de camp. Et les mentions ethniques sur les cartes d’identité introduites par les Belges en 1930 sont maintenues et vont servir à stigmatiser les Tutsis. Les thèses des historiens du XIXe siècle vont justifier l’inéluctabilité du génocide sur fond d’une désespérance sociale et économique qui place la société rwandaise dans l’impasse.

  • Pourquoi parle-t-on encore de «massacres interethniques» à propos du Rwanda, de «conflit entre Hutus et Tutsis» ?

C’est une vision héritée de l’époque coloniale qui nous empêche d’analyser vraiment les contextes politique et idéologique de l’Afrique contemporaine. La politique étrangère consiste encore trop souvent à «gérer» des ethnies. Il ne nous viendrait pas à l’esprit de mélanger ex-Yougoslavie, Ukraine et Belgique ; il devrait en être de même pour le Rwanda, la Centrafrique et le Mali. On ne peut réduire tous les conflits à des problèmes ethniques. Est-ce de la paresse intellectuelle ou bien un refus de quitter une position confortable de juge arbitre, celle de l’ancien colonisateur ?

  • Quelle réconciliation après le génocide ?
  • Le terme est ambigu. Aurait-on exigé des Juifs de se réconcilier avec les Allemands au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ? On peut pardonner seulement après que la justice est passée. «Aime tes ennemis» ne signifie pas non plus «Aime le programme de tes ennemis». Il a fallu une condamnation claire du nazisme avant une réconciliation avec les Allemands. Et il faudra une condamnation claire du projet génocidaire rwandais avant que les victimes et les familles des victimes pardonnent.
  • Au Rwanda, n’y a-t-il pas une culpabilité mal assumée, surtout côté français ?

Certainement. De plus, nous avons toujours du mal à admettre que des Africains puissent prendre en main leur sort. Ainsi le Front patriotique rwandais (FPR), cette rébellion majoritairement tutsie qui seule a mis un terme au génocide, quand la communauté internationale avait abandonné le Rwanda, est souvent mal perçue pour de mauvaises raisons. Par exemple parce qu’au lendemain du génocide, le FPR, qui reprend alors le pouvoir, a refusé toute action humanitaire, y compris quand des centaines de milliers de réfugiés sont revenus. Le nouveau régime ne voulait pas de camps MSF [Médecins sans frontières] au Rwanda, il fallait que les réfugiés rentrent directement chez eux et non qu’ils s’enracinent dans des camps de réfugiés. Cette décision a heurté en Occident, car nous continuons à porter une vision misérabiliste sur l’Afrique. Nous ne voyons pas que ce continent bouge économiquement et politiquement, cherche son propre chemin. Les nouvelles générations africaines ne se tournent plus vers la France.

  • Le racisme anti-Tutsis appartient-il au passé dans cette région ?

Officiellement on ne parle plus ni de Hutus ni de Tutsis au Rwanda, même si bien sûr tout le monde y pense. Tout le monde a compris que le discours ethnique était mensonger, pourtant il reste toujours quelques extrémistes pour en jouer. Et puis les guerres au Congo sont des prolongements du génocide, puisque les génocidaires rwandais qui s’y sont réfugiés ont exporté la haine contre les Tutsis, qui sont également nombreux dans la région frontalière avec le Rwanda. C’est un cercle vicieux.

  • Vous étiez cité comme expert lors du procès à Paris de Pascal Simbikangwa pour génocide, quel peut être le rôle de la justice ?

L’efficacité de la justice dans de tels cas se mesure à l’écho des procès. Le travail du Tribunal international sur le Rwanda, basé à Arusha en Tanzanie, est incontestable, mais ce n’est rien à côté du retentissement du procès de Nuremberg. Il faut que le travail de la justice rencontre l’opinion. Si la justice ne trouve pas de relais dans les médias, il y a peu de chances pour qu’un procès ait des vertus pédagogiques. En ce qui concerne la France, puisqu’un procès vient de se tenir à Paris, la pédagogie n’est possible que lorsque l’on se dégage non seulement des lectures ethniques mais aussi des débats franco-français : la responsabilité française ne doit pas être l’unique objet du débat, cela ne fait que braquer un peu plus l’opinion. Les Africains existent et agissent par eux-mêmes. Ce ne sont pas des pions qu’on instrumentalise.

  1. Rwanda, racisme et génocide de Jean-Pierre Chrétien et Marcel Kabanda, septembre 2013, Belin, 379 pp., 22 €.

    Jean-Pierre Chrétien est également auteur de L’invention de l’Afrique des Grands lacs. Une histoire du XXe siècle, Ed. Karthala, 2010, 29 €.
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