Au cours de la seule année 1962, plusieurs centaines de milliers de pieds-noirs ont fui l’Algérie, pour venir se réfugier en France. Désemparés, hébétés, ils ont quitté leur pays.
Au cours des années précédentes, combien d’entre eux avaient imaginé qu’ils seraient un jour amenés à abandonner ainsi une terre qu’ils avaient toujours considérée comme la leur ? L’Algérie était leur pays. Ils y vivaient – en dehors de l’Histoire.
De ce monde, les Arabes étaient exclus, à moins d’être domestiques, les fatmas, ou, au travail, les dockers, les ouvriers agricoles … – ils s’appelaient tous Mohamed. Ce qui n’empêchait pas les gosses arabes et les petits européens de jouer ensemble, d’aller à la même école. Mais ni les mariages mixtes, ni la promotion politique ne sont, ne sauraient être envisagées. “ Si l’un d’entre eux entre au conseil municipal, je tire mon Mauser de la guerre de 14 ”, disait un garagiste.»
Seule une minorité de pieds-noirs avaient envisagé que le pouvoir puisse un jour passer aux Arabes. Marc Ferro, évoquant la signature des accords d’Évian, écrit : « la foudre s’était abattue, alors que le ciel était tout bleu.»