« Le Repli », un film qui lie la montée de l’islamophobie aux atteintes à l’état de droit
Le Repli est un film foisonnant et engagé qui éclaire et met en alerte. La toile se tisse avec comme fil de trame la construction et la diffusion du discours
Le Repli est un film foisonnant et engagé qui éclaire et met en alerte. La toile se tisse avec comme fil de trame la construction et la diffusion du discours
L’exclusion d’Alain Policar du Conseil des sages de la laïcité est une nouvelle preuve de ce que la laïcité est usurpée par ceux qui s’en réclament en la transformant en prétexte à l’intolérance.
Le débat d’entre-deux-tours entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen n’évite pas une véritable obsession du débat public depuis plus de trente ans : le voile musulman, que la candidate d’extrême droite souhaite « interdire » dans l’espace public et dont le président sortant estime qu’il « divise » le pays. Nous publions un entretien réalisé par Mediapart avec l’historien de l’art et écrivain Bruno Nassim Aboudrar, auteur d’une histoire longue du voile intitulée Comment le voile est devenu musulman (2014). Il souligne que cette « passion française » pour ce sujet, unique au monde, est un héritage de l’époque coloniale. Elle est liée selon lui « à la façon très particulière dont la colonisation a, en France, été pensée dans le cadre d’une « mission civilisatrice » (…) censée universaliser la République. »
L’article intitulé « La gauche et l’Islamisme : retour sur un péché d’orgueil », de Jean Birnbaum, paru dans Le Monde du 25 novembre 2020, s’en prend à la prétendue naïveté de la gauche tiers-mondiste d’hier et au supposé « islamo-gauchisme » de celle d’aujourd’hui. Attaque d’autant plus surprenante qu’elle contredit le long interview de Fabien Truong sur l’islam et les jeunes de banlieue paru la veille dans le même quotidien, titré : « Le drame de Conflans-Sainte-Honorine nous rappelle qu’une salle de classe n’est pas une arène politique publique ». Que le journal présentait ainsi : « Dans un entretien au Monde, le sociologue Fabien Truong, auteur d’enquêtes ethnographiques sur la jeunesse des quartiers populaires, explique les ressorts du passage de la délinquance à l’attentat terroriste ». L’analyse de ce sociologue allait à l’encontre des considérations idéologiques de Jean Birnbaum qui visent à justifier le concept d’« islamo-gauchisme ».
Cette brève étude porte sur un courant de la pensée française très ancien et très agressif, que nous persistons à nommer « islamophobie », aujourd’hui à l’offensive. Il est évidemment hors de question d’affirmer qu’il fut et qu’il est le seul à s’exprimer. Même minoritaire et parfois inaudible, il y eut également en France, tout au long de la même longue période, un mouvement de compréhension, de respect et de tolérance vis-à-vis de l’islam. Ce texte n’a par ailleurs aucunement l’intention de nier le traumatisme produit par la cascade d’attentats et de crimes odieux perpétrés en France par certains fous de Dieu, en particulier depuis 2015. L’auteur, ancien professeur d’histoire dans le secondaire, ne peut que penser avec émotion et horreur au sort de Samuel Paty et partager la douleur du pays. Il a pourtant paru à l’historien que son rôle pouvait – devait – être de rappeler que tout phénomène de société a des racines dans le passé. C’est le cas pour les drames en cascade en cours.
Benjamin Stora nous a adressé la tribune collective qu’il a signée, publiée le 2 octobre 2019 par le site « SaphirNews », que nous reproduisons ci-dessous. Elle réagit à la charge haineuse contenue dans le discours prononcé par Eric Zemmour le samedi 28 septembre lors de la « convention de la droite ». Cette tribune à l’initiative de Chems-Eddine Hafiz, vice-président du Conseil français du culte musulman (CFCM), a d’ores et déjà été signée par une trentaine de personnalités extrêmement diverses. Parmi elles figure Henri Leclerc, avocat et président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme. Il est clair que cette haine intolérable est dans la filiation directe du racisme colonial.
Les sénateurs ont adopté le 15 mai 2019, à l’initiative d’élus LR, dans le cadre de l’examen de la loi dite « pour une école de la confiance », un amendement interdisant pour une femme voilée d’accompagner une sortie scolaire. C’est une véritable agression contre ces femmes, un obstacle à leur intégration et à celle de leurs enfants, qui vise à recréer un « apartheid postcolonial ». L’amendement, qui doit passer devant une commission mixte puis revenir devant l’Assemblée nationale, est dénoncé par de nombreux éducateurs, parents d’élèves et associations. Quelques exemples des protestations.
En France, le féminisme n’en finit pas de se déchirer sur la question du foulard islamique. La sociologue Zahra Ali, qui a milité en France contre l’exclusion des élèves portant le foulard, estime que, si on peut s’opposer au port du voile sans être raciste, son rejet dans ce pays montre que la laïcité est falsifiée par des positions racistes et islamophobes. Elle invite à un examen critique des féminismes musulmans, notion qui apparaît à tort comme un oxymore. Pour elle, il faut contextualiser, historiciser et rejeter les essentialismes. Une condition nécessaire à la création d’un féminisme international, anticapitaliste et pluriel.
Certains intellectuels français soutiennent que le mot « islamophobie » est une invention récente venue des mollahs iraniens. Tel n’est pas le point de vue de l’historien Alain Ruscio, l’un des animateurs de ce site. Son article « « Islamophobie », un mot, un mal plus que centenaires », publié le 26 janvier 2016 sur le site « Orient XXI », montre que le terme est apparu en français il y a plus d’un siècle. D’essence chrétienne, elle apparait dans l’esprit de croisade, fleurit pendant l’expansion coloniale, et, après un temps de latence, a repris vigueur avec la « guerre contre le terrorisme ». Nous en reprenons ici une partie tout en renvoyant nos lecteurs au texte intégral. Alain Ruscio dirige l' »Encyclopédie de la colonisation française » dont les deux premiers volumes sont parus aux éditions Les Indes savantes.
Le tribunal administratif de Toulon a suspendu le 29 août 2016, l’arrêté pris par le maire de la commune de Fréjus interdisant l’accès aux plages publiques et à la baignade à toute personne n’ayant pas une tenue correcte, respectueuse des bonnes mœurs et de la laïcité.
Ci-dessous, un compte-rendu de cette audience, suivi de déclarations de Michel Tubiana, président d’honneur de la LDH.
L’hostilité systématique à l’égard de l’islam est très anciennement ancrée dans la pensée occidentale. D’essence chrétienne, elle prend sa source dans l’esprit de croisade, fleurit pendant l’expansion coloniale et, après un temps de latence, reprend vigueur avec la « guerre contre le terrorisme ». Le mot « islamophobie » qui l’illustre a, quant à lui, une centaine d’années. Si désormais, au nom de la défense de la laïcité, certains intellectuels français très médiatiques ne craignent pas d’assumer la bêtise haineuse qu’il recouvre, d’autres, heureusement, s’emploient à la dénoncer.
Dans un article repris de la revue Orient XXI 1, l’historien Alain Ruscio 2 expose l’histoire de ce mot. 3
Saisi par l’intéressée, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision par laquelle la mère d’un élève, qui souhaitait conserver à cette occasion le voile qu’elle porte habituellement, n’a pas été autorisée à accompagner une sortie scolaire organisée par l’école élémentaire Jules Ferry de Nice.
Le tribunal administratif a estimé que les parents d’élèves autorisés à accompagner une sortie scolaire à laquelle participe leur enfant doivent être regardés, comme les élèves eux-mêmes, comme des usagers du service public de l’éducation, de sorte que les restrictions à la liberté de manifester leurs opinions religieuses ne peuvent résulter que de textes particuliers ou de considérations liées à l’ordre public ou au bon fonctionnement du service. Il a constaté que, dans le cas particulier de cette affaire, l’administration avait refusé de donner suite à la proposition de l’intéressée d’accompagner la sortie scolaire en ne se prévalant ni d’une disposition légale ou règlementaire précise, ni de considérations liées à l’ordre public ou au bon fonctionnement du service. Il en a déduit que la décision attaquée était entachée d’une erreur de droit qui la rend illégale. 4