Un ministère indésirable dans une démocratie libérale, par Tzvetan Todorov
Tzvetan Todorov est historien des idées et essayiste. Son article est paru dans Le Monde du 17 mars 2007.
Tzvetan Todorov est historien des idées et essayiste. Son article est paru dans Le Monde du 17 mars 2007.
Gérard Noiriel observe que, depuis les années 1930, l’identité nationale a toujours été associée à l’idée faisant de l’étranger une menace. «On parle alors d' »indésirables » et même plus de « racailles », de « métèques », de « clandestins », les « indésirables » étant ceux que l’on n’avait pas choisis», ajoute l’historien1.
Jean-Marie Le Pen, obsédé par l’immigration (elle met en danger l’identité française), peut se réjouir de la proposition de Nicolas Sarkozy de créer un «ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale» : à force de racoler son électorat, le ministre-candidat est devenu le meilleur propagandiste des thèmes de l’extrême droite.
En réalité, rien de véritalement nouveau : les relations entre droite et extrême droite sont anciennes tant sur le plan idéologique que sur le plan «électoral».
Rappelez-vous les déclarations de Nicolas Sarkozy, à Toulon, il y a trois ans : 215 Mais à force de racolage, le ministre-candidat a fini par devenir lui-même propagandiste des thèmes de l’extrême droite. Son dernier dérapage le montre une fois de plus : la création d’un «ministère de l’immigration et de l’identité nationale» aux inquiétantes connotations.
L’identité nationale est une notion à manier avec beaucoup de précautions. L’occasion d’en appeler aux historiens et notamment à Anne-Marie Thiesse qui écrivait, dans un contexte très différent, que «la nation est une création vieille d’à peine deux siècles qu’il fallut inventer et ensuite consolider autour de mythes fondateurs …»
À la question que pose Patrick Weil, il n’y a qu’une réponse :
est français celui que l’Etat considère comme tel.
Mais cela peut réserver des surprises : votre nationalité française peut faire Pschitt !
Texte publié dans Dialogues Politiques – revue plurielle de science politique, n°2, Janvier 2003 –