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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024

Les « lois mémorielles »

(Photo: Sénat)
La Fondation Falco pour la mémoire de la guerre d’Algérie (2010)

Falco : “le devoir de mémoire est d’abord un devoir de vérité”

Cette année, le premier sujet de philosophie proposé aux candidats au baccalauréat série S était le suivant : « La politique échappe-t-elle à l’exigence de vérité ?»

Nous avons eu envie de sonder sur cette question notre sénateur-maire, ancien ministre, et homme politique au long cours. Il a été plus simple de relire ses discours et interviews. Et nous nous félicitons de la profondeur de sa réflexion qui l’amène à déclarer qu’avant toute chose l’essentiel est de respecter la vérité. Il n’y a aucun doute, si Hubert Falco avait passé l’épreuve de philosophie cette année, il aurait obtenu une note excellente.

Mais alors, comment expliquer le refus qu’il nous oppose quand nous lui faisons une demande très raisonnable – lire notre lettre ouverte –: installer une plaque explicative à côté du monument de la Porte d’Italie ?

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La loi Taubira de 2001 sur l'esclavage

appel à un débat sur les réparations liées à l’esclavage

Diverses personnalités et organisations ont apporté leur soutien à l’appel du Conseil Représentatif des Associations Noires (le CRAN) en faveur d’un débat sur les réparations – financières, morales, culturelles ou symboliques – liées à l’esclavage. Matignon s’est engagé à organiser prochainement sur le sujet une réunion interministérielle.

On peut rappeler que par le passé, lors de l’abolition de l’esclavage, la France a payé des réparations aux propriétaires d’esclaves, et que les descendants de ceux-ci continuent à jouir des bénéfices d’un crime contre l’humanité, par définition imprescriptible, tandis que les descendants d’esclaves continuent à subir les conséquences de ce passé : racisme, discriminations dans l’accès à l’emploi, au logement, à la propriété, etc. Rappelons également que, en 1825, invoquant le « préjudice » que lui causait l’abolition de l’esclavage, la France a imposé à Haïti un tribut équivalent à 21 milliards de dollars d’aujourd’hui.

[Ajouté le 11 mai 2015 : Lors de la commémoration de la journée de la traite des noirs et de l’esclavage, et à l’inauguration du Mémorial Acte, à Pointe à Pitre, en Guadeloupe dimanche 10 mai 2015, le Président François Hollande a promis d’aborder le sujet de « la dette morale de la France eu égard à l’esclavage pendant sa visite demain en Haïti ».

Le président français a annoncé également, qu’il s’acquitterait de la dette que la France a envers son ancienne colonie. Mais le président français ne s’engage qu’à un acquittement moral de la dette et non financier.]

[mise en ligne initiale le 22 octobre 2012, complétée le 11 mai 2015]

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Christiane Taubira et Pap Ndiaye opposés à des compensations financières de l’esclavage

La ministre de la Justice, Christiane Taubira, refuse de débattre des demandes de compensation financière de l’esclavage, comme celle du Cran (Conseil représentatif des associations noires). Elle prône en revanche des «politiques foncières» en faveur des descendants d’esclaves dans les territoires d’outre-mer : «là-bas, il y a eu une confiscation des terres, ce qui fait que, d’une façon générale, les descendants d’esclaves n’ont guère accès au foncier».

Une position approuvée par l’historien Pap Ndiaye qui préfère une volonté politique de combattre les inégalités contemporaines héritées de la traite plutôt qu’une réparation financière de l’esclavage.

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Le conseil constitutionnel censure une loi pénalisant la négation des génocides

Le Conseil constitutionnel avait été saisi le 31 janvier 2012 de deux recours déposés contre un texte voté par les assemblées “visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi” – tel le génocide des Arméniens. Il a estimé que le législateur avait « porté une atteinte inconstitutionnelle à l’exercice de la liberté d’expression et de communication »1. A croire que Nicolas Sarkozy, ignore le dicton « Errare humanum est, perseverare diabolicum2 », il a demandé au gouvernement de préparer un nouveau texte de loi. Mais, étant donné les échéances électorales, il est peu probable qu’une nouvelle loi puisse être votée rapidement par le Parlement.

[Mis en ligne le 31 janvier 2012, mis à jour le 29 février]

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Photos de disparus au mémorial Gisozi de Kigali [source : Reuters]
Légiférer sur l'histoire ?

Le droit à la recherche sur les génocides et sur les négationnismes, par Jean-Pierre Chrétien

L’adoption, le 23 janvier dernier, de la loi “visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi” ne met pas un terme aux controverses sur ce sujet. Dans le texte repris ci-dessous, publié le 17 janvier sur le site du Comité de vigilance face aux usages publics de l’Histoire (CVUH), Jean-Pierre Chrétien, historien spécialiste reconnu de l’histoire de l’Afrique des Grands lacs, inquiet du caractère superficiel de nombreux commentaires suscités par cette loi, rappelle la gravité spécifique de la question des génocides, souligne la virulence en France d’un courant déniant la réalité du génocide des Tutsi rwandais en 1994 et demande que soit garanti « le droit de qualifier un négationnisme contre les harcèlements judiciaires, tout en refusant la pénalisation juridique de celui-ci. » Il conclut : « Ces débats ne doivent pas se régler dans des prétoires. »

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Lois mémorielles et clientélisme électoral, par Esther Benbassa

Esther Benbassa, directrice d’études à l’Ecole pratique des hautes études (Sorbonne) et sénatrice Europe Ecologie – les Verts du Val-de-Marne, a publié une tribune dans Libération le 17 janvier 2012 que nous reproduisons ici. Elle explique pourquoi elle votera contre la proposition de loi « visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi » qui sera discutée au Sénat le 23 janvier prochain3. Ses derniers ouvrages parus : La Souffrance comme identité (Pluriel, 2010), et De l’impossibilité de devenir français, publié le 18 janvier 2012.

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Jean-François Bayart et la proposition de loi pénalisant la négation des “génocides reconnus”

La sympathie que l’on éprouve pour la cause de la reconnaissance du génocide arménien ne saurait conduire à approuver la proposition de loi votée par l’Assemblée nationale le 22 décembre 2011 et qui sera discutée au Sénat en séance publique le 23 janvier 2012. Elle punirait d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ceux qui « contestent ou minimisent de façon outrancière un génocide reconnu comme tel par la loi française »4. C’est le point de vue que Jean-François Bayart développe dans cet article publié originellement par Mediapart, en rappelant les dangers d’une histoire d’État.

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Pessin, Le Monde, 7 décembre 2000
Légiférer sur l'histoire ?

Génocide en deçà, guerre propre au-delà ? par Brahim Senouci

Brahim Senouci se demande si l’adoption par l’Assemblée nationale française d’une loi pénalisant la négation du génocide arménien ne permettra pas d’ouvrir un véritable débat sur l’Histoire de la colonisation française de l’Algérie. Il se reporte à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 9 décembre 1948 qui dispose que le crime est constitué quand l’un des actes qu’elle énumère est commis avec l’intention de détruire, totalement ou partiellement, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Et il interroge le lecteur sur certains épisodes de la colonisation et de la guerre d’Algérie.

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On aperçoit Arthur Paecht, légèrement en retrait, entre Jacques Dominati et Maurice Arreckx (cliché Var-Matin du 15 juin 1980)
La Fondation Falco pour la mémoire de la guerre d’Algérie (2010)

Arthur Paecht sera petit télégraphiste chez Alain Juppé

«Le retour de l’expérience», c’est ainsi qu’Arthur Paecht, 80 ans, a baptisé son blog. Effectivement, il en a de l’expérience : député UDF du Var, d’abord de 1978 à 1981, puis de 1986 à 20025, maire de La Seyne-sur-mer de 2001 à 2008,… et il est toujours politiquement actif.

Arthur Paecht vient d’être appelé au ministère de la Défense par Alain Juppé, pour tenter d’apaiser l’amertume de certaines associations devant la suppression du secrétariat d’État aux Anciens combattants. Il avait été chaudement recommandé par Hervé Morin, lors de la transmission de témoin. « Il voulait rester utile » avait lancé l’encore ministre à son successeur, qui a donc bombardé l’ancien député du Var agent de liaison avec le monde combattant – un monde encore sonné par la disparition de son secrétariat d’État6.

Avec Arthur Paecht, c’est effectivement le retour à une “certaine expérience” : il était au premier rang, ceint de son écharpe tricolore, lors de l’inauguration à Toulon, en juin 1980, du monument dédié aux martyrs de l’Algérie française7.

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une fondation sous forte influence

Quinze jours après son installation officielle aux Invalides, la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, du Maroc et de la Tunisie continue à alimenter la polémique. La constitution de son Conseil d’administration est très fortement contestée – ne serait-ce que pour les prises de position passées de certains de ses membres influents. Le général de la Presle et l’historien Tramor Quemeneur, chacun à sa façon, confirment par leurs déclarations les inquiétudes que l’on peut avoir quant à la la finalité de cette nouvelle institution.

Conséquence de cette contestation : Hubert Falco, secrétaire d’Etat aux Anciens Combattants, qui déclarait vouloir faire de la fondation un lieu de transmission de la mémoire, n’était pas parvenu à en constituer le conseil scientifique.

[Mis à jour le 23 novembre 2010] – L’ancien député Arthur Paecht, 80 ans, sera chargé du dossier des anciens combattants auprès du ministre de la Défense. Alain Juppé a souhaité appeler à ses côtés une « personnalité » afin de pallier la suppression du poste de secrétaire d’Etat aux anciens combattants dans le nouveau gouvernement.8

Afin de bien comprendre ce qui suit, vous pourrez consulter deux pages de ce site :

  • la liste des membres du Conseil d’administration de la fondation,
  • quelques informations concernant le Livre blanc de l’armée française en Algérie et le Manifeste des généraux ayant servi en Algérie.
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Claude Bébéar et Hubert Falco, ont inauguré la fondation dans le pavillon d'honneur des Invalides.
La Fondation Falco pour la mémoire de la guerre d’Algérie (2010)

une fondation partisane et orientée

Le secrétaire d’Etat à la Défense et aux Anciens Combattants a officiellement installé la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, des combats de Tunisie et du Maroc, mardi 19 octobre 2010, à l’Hôtel des Invalides – panthéon des gloires militaires françaises9.

Une fondation créée par la loi du 23 février 2005, dont l’article 4, retiré depuis, reconnaissait le « rôle positif » de la colonisation, et qui vise surtout à flatter les nostalgiques de l’Algérie française à des fins électoralistes.

Mais comment cette fondation pourrait-elle contribuer à « réconcilier toutes les mémoires », alors que son conseil d’administration comporte un quarteron de généraux signataires en 2002 d’un manifeste affirmant contre toute vraisemblance que « ce qui a caractérisé l’action de l’armée française en Algérie, ce fut d’abord sa lutte contre toutes les formes de torture » ?

[Mis en ligne le 19 octobre 2010, mis à jour le 21]

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La Fondation Falco pour la mémoire de la guerre d’Algérie (2010)

des livres blancs des généraux à la fondation d’Hubert Falco

Au début des années 2000, plusieurs centaines de généraux ayant servi en Algérie signèrent un manifeste pour « affirmer que ce qui a caractérisé l’action de l’armée en Algérie ce fut d’abord la lutte contre toutes les formes de torture ». Il fut repris comme préface du Livre blanc de l’armée française en Algérie publié aux éditions Contretemps en 2002, avec, entre autres, des articles de Maurice Faivre et Jean Monneret, et, dans une partie intitulée « La désinformation à l’œuvre », un long texte mettant violemment en doute le caractère scientifique de la thèse soutenue en décembre 2000 à l’Institut d’études politiques de Paris par Raphaëlle Branche, « L’armée et la torture dans la guerre d’Algérie. Les soldats, leurs chefs et les violences illégales », qui avait obtenu la mention très bien et les félicitations du jury composé de Jean-François Sirinelli, Jean-Pierre Rioux, Stéphane Audouin-Rouzeau, Jean-Charles Jauffret et Pierre Vidal-Naquet[*].

Ce livre blanc faisait suite à un ouvrage poursuivant les mêmes buts et qualifié dans sa préface de « livre blanc », Mémoire et vérité des combattants d’Afrique française du Nord, publié par le Cercle pour la défense des combattants d’Afrique française du Nord, dont le général Maurice Faivre avait été « l’architecte ».

L’historienne Raphaëlle Branche s’est penchée sur la parution de ce manifeste et de ces deux livres, auxquels la mise en place de la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie fait aujourd’hui écho.

[*] Raphaëlle Branche est l’auteure du livre issu de sa thèse, La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie (Gallimard, 2001).

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