Un changement d’approche à confirmer sur le terrain,
une égalité des droits toujours imparfaite
Cet été s’étant inscrit dans la continuité des inefficaces politiques répressives connues ces dernières années, le Collectif Romeurope est satisfait d’avoir été reçu par le Premier Ministre comme il l’avait demandé depuis plusieurs mois. En effet, la situation des Roms migrants ne doit et ne peut être traitée par le seul ministère de l’Intérieur, elle nécessite une gestion interministérielle propre à apporter une réponse globale aux situations de grande précarité vécues par des citoyens européens.
Cette réunion a été l’occasion de réaffirmer les positions du Collectif :
- la stabilisation de ces populations pour permettre un accompagnement social individualisé,
- la levée totale des mesures transitoires qui restreignent de manière discriminatoire l’accès à l’emploi et à la formation professionnelle des ressortissants européens roumains et bulgares,
- à l’approche de la rentrée, la scolarisation de tous les enfants qui en sont aujourd’hui encore privés.
Si Romeurope relève positivement le changement de discours et la volonté d’un traitement individuel et territorialisé des solutions, il réaffirme avec force la nécessité d’arrêter les évacuations sans solution de relogement car elles ne font qu’aggraver ces situations de précarité.
Comme la Commission européenne, il regrette vivement la levée seulement partielle des mesures transitoires qui soumettent toujours les citoyens roumains et bulgares bénéficiant d’une promesse d’embauche à un contrôle et à des délais administratifs inacceptables et préjudiciables à leur insertion.
Le Collectif Romeurope jugera les mesures précises qui seront engagées et leur traduction concrète sur le terrain.
Le Premier Ministre s’est engagé à poursuivre un dialogue avec les associations. Romeurope y tiendra toute sa place en vigilance et en force de propositions pour l’égalité des droits.
Paris, le 23 août 2012
Roms : faciliter l’accès au travail, « une vraie-fausse annonce »
Bien mais peut mieux faire, estime Benjamin Abtan, président du Mouvement anti-raciste européen Egam. Interview.
- Le gouvernement a décidé de faciliter l’accès des Roms au marché du travail. Qu’en dites-vous ?
Une petite précision d’abord : la question n’est pas de faciliter l’accès des Roms au travail mais de cesser d’empêcher l’accès des Roumains et des Bulgares. C’est pour eux qu’existaient jusqu’à présent dans l’espace européen des dispositions spécifiques, comme l’obligation de détenir un permis de travail et un titre de séjour, et pour l’employeur de s’acquitter de la fameuse taxe.
Cela dit, assouplir l’accès des Roumains et Bulgares au marché du travail facilitera effectivement leur intégration et permettra de lutter plus efficacement contre le travail au noir et les réseaux mafieux. Mais c’est une vrai fausse annonce, puisque la France s’est de toute façon engagée auprès de la Commission européenne à supprimer ce dispositif spécifique d’ici fin 2013. Plusieurs pays, dont l’Italie et l’Irlande, l’ont déjà fait.
- Le gouvernement n’a-t-il pas aussi le mérite de prendre cette question complexe à bras le corps ?
Certes, mais il a choisi pour le faire a minima, en n’écoutant que le collectif Romeurope – autrement dit en choisissant un interlocuteur français, et humanitaire. Le problème des Roms va bien au-delà. Non seulement il n’a pas été considéré dans sa dimension européenne, mais le gouvernement n’a même pas prêté l’oreille à l’Union française des associations tziganes, qui représente la communauté. Si ces aspects avaient été pris en compte, il serait allé beaucoup plus loin.
- Exemple ?
L’an dernier, tous les pays de l’Union européenne ont présenté devant la Commission européenne leur stratégie d’intégration des Roms. Celle de la France était très insuffisante. On attendait donc du gouvernement une révision profonde de cette stratégie, aussi bien en matière de budget que de calendrier. Il existe à Bruxelles d’importants budgets – des milliards d’euros – destinés à soutenir les projets d’insertion des Roms. Or ils sont largement sous-utilisés. La France pourrait choisir de mobiliser ces fonds. Et en matière de droits de l’homme, elle aurait pu prendre l’engagement de porter au niveau européen la lutte contre les discriminations et le racisme à l’égard de ces populations.
- Qu’auraient pu demander les communautés Roms et Tziganes si elles avaient été reçues en bonne et due forme ?
L’abolition de la loi de 1969 conter les itinérants. Ce texte discriminatoire impose à ces populations la détention d’un carnet de circulation, la perte du droit de vote pendant dix ans en cas de changement de commune de rattachement, ou encore un quota à ne pas dépasser de 3% de gens du voyage par commune. L’an dernier, nous avons demandé la suppression de cette loi et le Parti socialiste s’y est engagé. Si le gouvernement avait reçu les porteurs de cette revendication, il s’y serait peut-être engagé.
- En ce qui concerne les évacuations de campements Roms, Matignon a indiqué que « les décisions de justice continueront à être appliquées »…
Depuis cinq ans, on stigmatise ces gens médiatiquement négativement, sans apporter de solution. Ces évacuations ne font que déplacer le problème et compliquent plus encore la situation en terme d’hygiène ou de scolarisation. François Hollande avait promis qu’il n’y aurait pas d’expulsion sans solution de relogement. Le gouvernement a le devoir de trouver une réponse globale. Selon un sondage Atlantico-Ifop réalisé les 9 et 10 août, 80% des Français sont favorables au démantèlement des camps illégaux de Roms mais 73% jugent la mesure inefficace !
- Que répondez-vous à ceux qui estiment que ces populations sont impossibles à sédentariser ?
De qui parle-t-on ? Les Roms de France, c’est 15.000 miséreux Roumains et Bulgares. A l’échelle du territoire français, c’est gérable ! Dans leur pays, ils sont sédentaires et urbains depuis des décennies. Il s’agit avant tout d’immigrés pauvres qui se retrouvent dans des bidonvilles parce qu’ils n’ont pas les moyens de se loger. Il n’est pas inscrit dans leurs gènes d’aller de bidonville en bidonville. Dit-on des nouveaux immigrés espagnols qui fuient la crise économique que ce sont des « nomades espagnols » ?