Circulaire interministérielle NOR INTK1233053C du 26/08/2012 relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites
Date d’application : immédiate
Résumé : La présente circulaire précise le cadre de l’action de l’Etat dans le cas d’évacuations de campements illicites, ainsi que le dispositif de coordination des acteurs locaux à mettre en œuvre autour du Préfet.
L’action de l’Etat relative aux campements illicites s’inscrit dans le respect des principes fondateurs de la République.
En premier lieu le respect des décisions de justice ne saurait être mis en question. Il revient au préfet d’exécuter celles-ci, lorsqu’il est ordonné par le juge qu’il soit mis fin, au besoin avec le concours de la force publique, aux occupations illicites de terrains. Lorsque la sécurité des personnes est mise en cause, cette action doit être immédiate. Dans les deux situations, au-delà de la responsabilité de l’État, il en va des fondements même du contrat social dans notre Nation.
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Communiqué du Syndicat de la Magistrature
Evacuation d’un campement de Roms à la veille d’une décision de justice : c’est ça le changement ?
Le 28 août 2012
Les brigades du « Tigre » Manuel Valls – comme le surnomme désormais Le Monde – ont encore frappé lundi 27 août au petit matin en expulsant 72 personnes d’un campement de Roms installé depuis plus de quatre mois sur la commune d’Evry : intervention précipitée puisque le juge des référés, saisi par le propriétaire des lieux, devait se prononcer sur la demande d’expulsion le lendemain ; quant à la question du relogement des intéressés, elle a été abandonnée aux bons soins de la Croix-Rouge…
Cette évacuation s’inscrit dans une série d’opérations de police menées depuis le début de l’été, à la demande du ministre de l’Intérieur, partisan d’une politique dite de « fermeté » ayant conduit à l’évacuation-destruction de nombreux campements et à l’expulsion hors de notre territoire de plusieurs dizaines de Roms, sur fond de stigmatisation – chiffres farfelus à l’appui (ceux-là même que brandissait Brice Hortefeux en son temps) – de la « délinquance roumaine » (la police tiendrait-elle donc des « statistiques ethniques » ?)
Ces opérations ont d’ailleurs valu à la France le 10 août dernier, comme ce fut déjà le cas en 2010 après l’abject « discours de Grenoble » – qui avait fort justement soulevé l’indignation de l’actuelle majorité – d’être placée sous surveillance par la Commission européenne. Viviane Redding, commissaire à la justice, a notamment déclaré que la France devait décider de « mesures concrètes » et de « financements précis » pour améliorer le sort des Roms.
La politique du gouvernement à l’égard des Roms, sous l’impulsion du ministre de l’Intérieur, semble donc s’inscrire largement dans la continuité de celle de Nicolas Sarkozy, invocation permanente de « la République » comprise.
Brutalité des évacuations et expulsions, avant toute décision de justice en l’espèce – ce qui, selon le président de l’Association de Solidarité en Essonne aux Familles Roumaines (ASEFR), constitue même une première, avec l’alibi d’un danger imminent pour les personnes installées sur les lieux… depuis plusieurs mois ! Absence de mesures en faveur des personnes ainsi délogées en dépit des promesses d’améliorer le sort des Roms et d’agir avec « humanité » à leur égard.
Certes, suite à la réunion interministérielle du 22 août dernier, un « assouplissement » des « mesures transitoires » applicables aux personnes originaires de Roumanie et de Bulgarie – suppression de la taxe due par les employeurs, élargissement de la liste des métiers auxquels elles ont accès – a été décidé pour « faciliter leur insertion par le travail », mais quelle insertion possible sans logement stable et durable ? Quelle scolarisation pour les enfants ballottés de campement en campement, au mieux d’hôtel social en hôtel social ?
Faut-il rappeler que, depuis 2007, les Roms, pour la plupart d’entre eux Bulgares ou Roumains, sont devenus citoyens européens ; Que s’ils font l’objet de politiques discriminatoires dans leurs pays d’origine contre lesquelles l’Europe doit se mobiliser, cette situation ne saurait justifier – bien au contraire ! – des politiques de même nature dans les pays « d’accueil » ; Que le maintien des mesures transitoires, même assouplies, favorise le travail clandestin et l’exploitation de ces populations fragilisées ; Que les évacuations et expulsions, loin de régler la question sanitaire posée, ne font que déplacer le problème ; Que cette politique injuste et inefficace est aussi extrêmement coûteuse (Christophe Deltombe, président d’Emmaüs France, la chiffre à 100 millions d’euros par an, cf. Le Monde du 14 août) ; Que, toujours selon le président d’Emmaüs France, des budgets qui permettraient la mise en oeuvre de réelles politiques d’insertion économique et sociale dans le cadre du Fonds européen de développement régional, telles que la création de structures d’habitat adapté temporaires, sont disponibles et inutilisés ?
Il est urgent de mettre fin à cette politique d’affichage et d’étiquetage. Les Roms ne doivent plus être traités comme des sous-citoyens européens.
Le Syndicat de la magistrature demande en conséquence qu’il soit mis fin immédiatement aux mesures discriminatoires qui privent les Roms d’une partie des droits reconnus à tout citoyen européen en France.
Il réclame la mise en oeuvre d’un plan d’urgence pour assurer le relogement durable de ces populations dont nul ne saurait accepter les conditions de vie indignes.
Les Roms, le préfet, le ministre1
ancien président de Médecins du monde
Thierry Brigaud, Président de Médecins du monde
Mercredi 22 août, 10 heures. Une équipe de Médecins du monde (MDM) est à la préfecture du Rhône, conviée à une réunion de concertation. Autour de la table, les autorités préfectorales, des représentants des collectivités locales, des responsables d’associations impliquées dans l’aide aux populations roms. Les mots d’ordre de nos hôtes sont concertation, stratégies pour améliorer les campements et éviter les expulsions.
Jeudi 23 août, 18 heures. Nous recevons un appel téléphonique de la préfecture. Il nous est réaffirmé que les expulsions ne sont pas à l’ordre du jour. Au contraire, MDM est sollicité pour évaluer la situation sanitaire d’un camp, et proposer des mesures d’amélioration des conditions de vie.
Lundi 27 août, 8 heures. Une équipe MDM se rend sur place et commence à rédiger un diagnostic de situation.
Mardi 28 août, 7 h 30. Irruption des forces de l’ordre et expulsion de 180 personnes. Lyon, campement Paul-Bert, comme en 2010 ? Non, Lyon, campement de Saint-Priest, en 2012.
A Lyon, pour les Roms, c’est le «changement dans la continuité». Malgré les alternances politiques, ils sont toujours sur la route et dans les cloaques où on les cantonne, avant de les en chasser… pour les protéger de l’insalubrité. CQFD. Summum de la tautologie politique. Tour de passe-passe du préfet ? Concertation à visée anesthésiante des associations pendant que se préparent les expulsions ? Non, car selon nos informations, «les ordres sont venus d’en haut». A la fois symptôme de faiblesse et signe d’opportunisme politique. Symptôme de faiblesse, car de qui parle-t-on ? D’environ 15 000 personnes en France, soit 0,023% de la population, qui séjournent sur le territoire national ! La France, parmi les premières économies mondiales, n’arrive pas à gérer de façon apaisée le sort de cette minorité infinitésimale ? Opportunisme politique, car on place les autorités régionales devant une injonction paradoxale. Réunir les acteurs, créer les conditions d’une réflexion partagée sur la sécurité et la dignité des personnes dans les campements. Et, en même temps, on utilise cette «poussière de peuple» (0,023%) pour afficher, à peu de frais et sans grand risque politique, une préoccupation sécuritaire cosmétique, qu’on croyait révolue.
Il ne faut pas le nier, il existe une perception négative des Roms dans une large part de l’opinion publique. C’est pourquoi le discours de M. Sarkozy à Grenoble était indigne de la fonction. Il résumait le comportement d’un peuple à des conduites délictueuses, en occultant qu’on le met en situation de développer des stratégies de survie, parfois illégales. On nous vend la nécessité de gérer le «temps long», pour traiter, sur le fond, les questions qui concernent les migrants économiques européens que sont les Roms. Mais on continue à rechercher les dividendes du «temps court», celui qui accompagne les expulsions avec leurs cortèges d’hommes en uniforme et de bulldozers. La stratégie est devenue plus torpide, le discours plus subtil, mais, sur le fond, l’intention politique est la même que celle du gouvernement précédent : utiliser la symbolique de la fermeté à l’égard de quelques centaines de personnes, considérées comme des Européens de seconde zone, pour montrer ses biceps. C’est à se demander si le meilleur service à rendre aux Roms ne serait pas de taire les expulsions, pour rompre le cercle, pas du tout vertueux, expulsions-médiatisation-bénéfice politique !