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Édition du 1er au 15 novembre 2024

Roms, Gens du voyage : assez de stigmatisation et de racisme !

Au cours de son 86e congrès national, réuni à Reims du 11 au 13 juin, la Ligue des droits de l’Homme a élu Pierre Tartakowsky comme nouveau président ; il succède à Jean-Pierre Dubois, qui a occupé ce poste de 2005 à 2011, et qui, statutairement, ne pouvait pas se représenter. Le congrès a adopté à l’unanimité une résolution concernant les Roms et Gens du voyage. En effet, depuis l’été 2010, les Gens du voyage puis les Roms, désignés comme boucs émissaires au plus haut niveau de l’Etat, sont en butte au racisme et à la xénophobie. Les uns sont roumains ou bulgares, les autres sont français. Tous sont citoyens européens. La LDH se bat pour leurs droits inaliénables, contre toutes les stigmatisations et les discriminations.

Roms, Gens du voyage :

assez de stigmatisation et de racisme !

Résolution adoptée par la LDH lors de son congrès de Reims

Dans son « discours de Grenoble » en juillet 2010, monsieur Sarkozy s’est livré à une surenchère sécuritaire à partir d’un fait divers, faisant, en les amalgamant, des Roms ressortissants européens et des « Gens du voyage » à 95 % citoyens français, une des cibles privilégiées de sa politique xénophobe.

Destructions, stigmatisation, expulsions : le lot commun des Roms

Depuis, le gouvernement a aggravé un peu plus sa politique habituelle vis-à-vis de cette catégorie de population (destructions de campements et expulsions). Les moyens sont toujours les mêmes : les bulldozers rasent les bidonvilles au petit jour, les forces de police utilisent violence et harcèlement pour obtenir des reconduites volontaires dans le pays d’origine. Selon les déclarations d’Eric Besson à l’Assemblée nationale le 3 novembre dernier, sur 21 384 personnes expulsées de France entre janvier et septembre 2010, 13 241 (7 472 retours forcés et 6 769 retours « aidés ») concernent des citoyens roumains et des Bulgares, dont des Roms, soit près de 62 %.

Ces ressortissants européens, libres de circuler au sein de tous les pays de l’Union, sont frappés de mesures transitoires, en vigueur jusqu’en 2014, qui les excluent en pratique du marché de l’emploi. Les Roms ne sont pas des hors la loi, ni des mafieux comme le gouvernement se plaît à nous en convaincre.
C’est la législation française qui les prive de droits : droit au travail, droit à la libre circulation…

Pire encore : à leur encontre, tout est permis : interpellations arbitraires, destructions de biens, accusations sans preuve de séjours supérieurs à trois mois et d’indigence alors que ces populations ne bénéficient pratiquement jamais de l’intervention des services sociaux.

L’exercice des droits fondamentaux et en particulier la scolarisation des enfants, obligatoire dans notre pays, sont rendus quasi impossibles quand les camps sont régulièrement détruits et leurs habitants contraints continuellement à s’installer ailleurs.

Malgré les déclarations catégoriques de madame Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne responsable de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté, et sa demande d’une procédure d’infraction à l’encontre de la France sur la base de deux motifs (application discriminatoire de la directive sur la libre circulation et manque de transposition des garanties procédurales et matérielles prévues par la directive sur la libre circulation), aucune sanction concrète n’a été prise à ce jour.

Les problèmes fondamentaux auxquels se trouvent confrontés certains Roms ou tsiganes, en France comme en Europe, ne leur sont pas spécifiques, ils concernent toute la population précarisée : jeunes, femmes, travailleurs pauvres, chômeurs, Gens du voyage, migrants… Mais concernant la politique française à l’égard des Roms, il est difficile à ce niveau d’acharnement de se limiter à parler encore de discrimination. Il s’agit désormais de la négation systématique des droits fondamentaux d’une population stigmatisée et d’une action concertée du gouvernement français qui a besoin de boucs émissaires pour détourner l’attention de sa mauvaise gestion de la crise économique et politique.

Les pressions et mesures d’intimidation dont ils sont victimes montrent une volonté des autorités de terroriser ces populations, les violences dont ils sont l’objet et le dénuement auquel ils sont contraints peuvent être considérés comme des traitements inhumains et dégradants, en violation de la Convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, ratifiée par la France.

Des discriminations persistantes à l’encontre des « Gens du voyage »

Les répercussions de cette politique s’étendent par ailleurs aux « Gens du voyage », parmi lesquels nombre de citoyens français, qui restent victimes de discriminations de fait (moins de 50 % des lieux d’accueil prévus par la loi Besson de 2000 ont été réalisés) ou de discriminations légales (obligation des livrets et carnets de circulation des Gens du voyage en fonction d’une dangerosité supposée, obstacles mis à l’exercice des droits liés à la citoyenneté et notamment le droit de vote).

Contre les stigmatisations et le racisme, pour l’accès aux droits !

Pour lutter contre cette logique raciste, la Ligue de droits de l’Homme appelle à développer une campagne d’information et de sensibilisation permettant de mieux faire connaître la diversité historique, sociale et culturelle de ces populations.

La Ligue des droits de l’Homme, réunie en congrès national, demande solennellement au président de la République, au gouvernement et au parlement français d’en finir avec les violences, la stigmatisation systématique et les discriminations légales qui frappent une partie de la population vivant dans notre pays en raison de ses origines et/ou de son mode de vie :

  • le statut spécifique appliqué aux Gens du voyage, particulièrement la loi de 1969, est à abroger, avec la suppression des livrets et des carnets de circulation et l’obtention du droit de vote au bout de six mois dans leur commune de rattachement. Avec la reconnaissance de la caravane comme habitat, la loi du 5 juillet 2000 doit être appliquée en prévoyant un schéma d’accueil et d’habitat dans chaque département et l’obligation pour les communes de plus de cinq mille habitants de réaliser les aires prévues par ce schéma ;
  • les Roms roumains ou bulgares, avec l’ensemble des ressortissants de Roumanie et de Bulgarie, doivent sans délai être considérés comme des citoyens de plein exercice de l’Union européenne et obtenir le libre accès à l’emploi ; cela s’accompagne par l’arrêt et la sanction des harcèlements et violences policières sur les lieux de vie des Roms migrants, l’arrêt des distributions collectives de mesures d’éloignement et les placements en centres de rétention ainsi que l’abrogation du dispositif de fichage biométrique des bénéficiaires de l’aide au retour humanitaire ;
  • élus locaux et représentants de l’Etat doivent faire en sorte que des moyens soient mobilisés pour permettre l’accès aux droits et l’accueil décent des populations précaires, et en particulier des Roms, dans des conditions sanitaires et matérielles correctes, conformes aux principes qui devraient être ceux de la République, en particulier concernant les droits constitutionnels au logement et à une vie familiale digne.

La Ligue des droits de l’Homme s’adressera aux candidats à l’élection présidentielle et aux élections législatives de 2012 pour qu’ils prennent ces engagements.

Reims, le 13 juin 2011

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