La crise de Wallis
Il y a quelques jours, à la suite d’une violente altercation. En guise de représailles, la famille de la victime a mis le feu à la maison de la famille du meurtrier, en précisant que seul un autre mort rachèterait la vie du premier.
Ce fait « divers » est lié à la crise qui se développe à Wallis depuis quelques mois.
Wallis : les opposants au roi interpellent MM. Chirac et Baroin
Les opposants au roi de Wallis ont écrit au président Jacques Chirac et au ministre de l’Outre-mer François Baroin, pour lancer « un cri de désespoir » face à la dégradation du climat dans cette île du Pacifique, en proie à une crise coutumière, a indiqué lundi leur chef de file.
« L’Etat semble ne plus être en mesure d’assurer ses missions régaliennes, celle de garantir la sécurité des citoyens, de rendre la justice et de défendre les libertés fondamentales », a déclaré devant la presse à Nouméa Clovis Logologofolau, lisant la lettre adressée au gouvernement.
Il a précisé qu’il était « en exil » en Nouvelle-Calédonie car sa sécurité et celle de sa famille ne pouvaient plus être assurées à Wallis où, a-t-il affirmé, ses « biens ont été brûlés et saccagés ».
Wallis, dans l’archipel de Wallis et Futuna, est le théâtre depuis près de six mois d’une crise au sein des autorités traditionnelles, qui opposent les proches du vieux roi de l’île, Tomasi Kulimoetoke en poste depuis 1959, au camp dit des « rénovateurs », partisans d’une évolution de la coutume.
Fin septembre, le conflit a brutalement dégénéré lorsque plusieurs centaines de partisans du Lavelua, le roi, dont d’anciens militaires armés de fusils, de machettes et de bâtons de dynamite, ont organisé le blocus de l’île. Ils voulaient empêcher l’arrivée de renforts de gendarmerie, en vue de l’intronisation d’un roi dissident, envisagée par les rénovateurs.
« Pour éviter les effusions de sang », un médiateur envoyé par le gouvernement avait « confirmé la reconnaissance par l’Etat du Lavelua », mais les tensions restent vives dans cette île de 10 000 habitants. Un jeune « rénovateur » a été tué la semaine dernière lors d’une soirée arrosée, qui a dégénéré.
« Les partisans du Lavelua ont adopté une attitude agressive et revancharde », affirme Clovis Logologofolau.
Dans sa lettre, il réclame l’envoi à Wallis de forces de gendarmerie, affirmant craindre le départ de l’île des enseignants métropolitains et de leur famille, 200 personnes environ, « terrorisés par la situation » locale.
M.Logologofolau souhaite aussi qu’un débat s’engage sur l’évolution statutaire de l’archipel et sur le « rôle précis des autorités coutumières dans la gestion des affaires publiques ».
Territoire français le plus éloigné de la Métropole, Wallis et Futuna compte 15 000 habitants. La France y reconnaît le pouvoir des trois rois (un à Wallis et deux à Futuna) et gère l’archipel en collaboration avec les élus locaux et les autorités coutumières.
Wallis : un mort sous les tropiques
Sosefo Tagatamagoni, un jeune homme de 21 ans, sympathisant du clan des rénovateurs, a été tué à coups de sabre, ce week-end, dans le village de Vaitupu, à Wallis, à l’issue d’une fête arrosée à laquelle participaient des partisans du vieux roi, à Mata-Utu.
Un drame à mettre sur le compte de l’alcool, mais aussi sur celui des vives tensions qui règnent dans l’île depuis des mois.
Le drame s’est produit dans l’après-midi de samedi 9 octobre. Une fête avait été donnée à Mata-Utu par les partisans du Lavelua pour fêter leur victoire. C., un des participants, en rentrant chez lui, au village de Vaitupu, a croisé Sosefo Tagatamagoni en train de discuter avec un groupe de jeunes devant un magasin d’alimentation. On ignore à ce stade comment la querelle a débuté, lequel des deux hommes est à l’origine du premier coup de menton, du premier regard provocateur. Ce qui est en revanche établi, c’est que le malheureux Sosefo, habitant le village voisin de Vailala, est tombé sous les coups de sabre de son adversaire, et qu’il en est mort le lendemain, dimanche, à l’hôpital de Wallis. Compte tenu des circonstances, son corps a été rendu dès lundi à sa famille pour la célébration des obsèques. Sans véritable autopsie. La maison du meurtrier présumé a été incendiée au cours du week-end. Sitôt l’homicide commis, il est parti se réfugier à Mata-Utu pour éviter de prévisibles représailles. La mère de la victime a refusé la coutume de pardon proposée par celle du meurtrier. Ce qui n’est pas sans signification dans la société wallisienne.
C’est devant la justice de Nouméa, et non celle Mata-Utu, que le meurtrier présumé a été déféré. Il semble en effet, selon plusieurs témoignages, qu’après un échange d’insultes, le jeune homme partisan des rénovateurs avait tourné le dos à son adversaire, partisan du vieux roi, et rentrait chez lui, lorsqu’il a été atteint par un premier coup de sabre dans le dos. Selon ces mêmes témoignages, il était à terre lorsqu’un deuxième coup de sabre lui a fendu le crâne, provoquant sa mort quelques heures plus tard à l’hôpital de Mata-Utu. Le meurtrier présumé, un homme d’une cinquantaine d’années, a été transféré à Nouméa. A la fois pour sa sécurité, mais aussi parce que la justice républicaine a bien du mal à remplir sa mission dans le climat de grande tension qui règne à Wallis.
A Wallis, la République a sauvé le roi
La France a mis fin à la monarchie en coupant la tête de son roi. Mais Tomasi Kulimoetoke ne subira pas le sort de Louis XVI. Révolution de palais, crise de succession ou coup d’Etat, après plus de quarante-six ans de règne sur Wallis, le vieux roi a pourtant été pris dans une crise politique qui a failli plonger son royaume insulaire dans le chaos insurrectionnel. La menace a nécessité l’arbitrage de Paris, qui a dépêché un médiateur sur ce territoire français d’outre-mer composé de trois îles, Wallis, Futuna et Alofi, situées au nord des Fidji, au cœur de l’Océanie. Quatorze mille personnes peuplent cet archipel administré par un préfet nommé par Paris en partenariat avec les trois familles royales locales, une à Wallis (10 000 habitants) et deux autres à Futuna (4 000 habitants), Alofi étant inhabitée.
« La crise a débuté plus tôt dans l’année, quand le petit-fils du roi de Wallis fut condamné pour homicide. Il avait tué un piéton alors qu’il conduisait en état d’ivresse et s’était réfugié dans le palais royal. Le roi avait d’abord résisté aux demandes d’arrestation de son petit-fils et demandé à la France de quitter la colonie « , raconte le Daily Telegraph de Londres.
Or cette exigence n’est pas du goût de tous, car « l’économie du territoire dépend des aides françaises et l’administration coloniale emploie de nombreuses personnes « , souligne le journal conservateur. En réponse, les mécontents ont décidé d’introniser un nouveau monarque, Sosefo Mautamakia, avec l’assentiment de Paris. Mais, à l’approche de la cérémonie, prévue le 25 septembre, le conflit institutionnel risquait de tourner à l’affrontement sanglant avec fusils et machettes.
« Les partisans du roi ont occupé l’aéroport et se sont opposés à l’arrivée de 18 gendarmes français venus de Nouvelle-Calédonie en édifiant des barrages au moyen de troncs de cocotiers « , note The Guardian. La situation s’est finalement arrangée grâce à l’intervention du médiateur français Louis Le Franc. D’après les autorités françaises, « des négociations entre les factions rivales sont en cours et la cérémonie d’intronisation a été annulée « .
A Wallis, les quelque 200 habitants d’origine métropolitaine se disent « terrorisés » et accusent l’Etat « d’être incapable d’assurer leur sécurité « . Le processus de réconciliation pourrait être l’occasion de réviser la cohabitation entre coutume et lois de la République mais aussi de réfléchir à l’évolution du territoire,qui vit sous perfusion. Selon le dernier recensement, 42 % des personnes de 15 à 60 ans se déclarent sans emploi. La population (14 944 habitants) vieillit, la natalité ralentit et l’émigration, notamment vers la Nouvelle-Calédonie, est massive.
La Guerre des Rois sème le trouble à Wallis
Après six mois d’une crise larvée entre partisans et adversaires de Tomasi Kulimoetoke, le vieux roi coutumier d’Uvéa, appelé le Lavuela par ses 10 000 sujets, la tension est subitement montée d’un cran dans la nuit de jeudi à vendredi dans l’archipel français de Wallis-et-Futuna (Pacifique Sud). La piste d’atterrissage de l’aéroport de Hihifo a ainsi été prise d’assaut par des fidèles du Lavelua, qui voulaient empêcher l’arrivée de renforts de gendarmerie en provenance de Nouméa (Nouvelle-Calédonie) alors que, demain, un nouveau roi devrait être intronisé. Comme la coutume le permet, les Alikies, familles nobles locales, ont en effet engagé une procédure de destitution de Tomasi Kulimoetoke en mai dernier et s’apprêtent, après des mois de palabres, à élire un nouveau monarque. D’où cette poussée de fièvre dans l’île.
Selon le témoignage, recueilli hier par Le Figaro, d’un papa lani (métropolitain) vivant à Wallis, la confusion la plus totale y régne toujours. Car, si les gendarmes locaux ont réussi à reprendre le contrôle de l’aéroport dans la matinée, des barrages filtrants, gardés par des groupes «de jeunes armés de sabres et prêts à en découdre», ont été installés sur les principales routes de l’île. Tandis que, depuis deux jours, la plupart des administrations et écoles sont fermées.
Hier, alors que le ministère de l’Outre-Mer restait très discret sur la situation, l’administrateur supérieur du territoire, Xavier de Fürst, a juste indiqué à l’AFP que «l’aéroport a été libéré par les manifestants mais ne peut être rouvert à la circulation aérienne » car «il est jonché de troncs, et de parpaings ». Il a encore reconnu que les barrages routiers rendent l’accès à l’aéroport «très difficile ».
Cette nouvelle poussée de fièvre trouve son origine il y a environ six mois, lorsque les ministres du Lavelua ont exigé le départ de l’administrateur supérieur du territoire, du président du tribunal, ainsi que du procureur, pour protester contre plusieurs décisions judiciaires portant sur les frasques de Tungahala, le petit-fils du roi. La Grande Chefferie avait refusé de livrer Tungahala, 25 ans, à la justice, qui l’avait condamné à dix-huit mois de prison ferme pour homicide involontaire après un accident de la route survenu alors qu’il avait ingurgité le contenu de deux cartons de 24 bières !
La Grande Chefferie entendait ainsi faire prévaloir la justice coutumière sur le droit pénal français. Et estimait que Tungahala avait payé son tribut. Car, selon les lois coutumières wallisiennes, il avait obtenu le Faihu, le pardon, de la famille de la victime en échange de cadeaux. Notamment de quelques cochons et d’une natte. A l’issue d’un long bras de fer, Tungahala s’était finalement rendu à la justice.
L’attitude de la Grande Chefferie à l’égard des représentants de la République avait cependant suscité la colère de certaines familles nobles, qui, de guerre lasse, ont fini par désigner en juin une chefferie dissidente et souhaitent introniser ce dimanche un nouveau Lavelua, considéré comme plus «rénovateur » que le vieux roi. Mais pour les partisans de Kulimoetoke, cette destitution annoncée est vécue comme un affront. Ils estiment que Kulimoetoke, environ 86 ans, qui règne depuis quarante-six ans, pouvait aspirer à une fin de règne plus paisible.
1Certains, le vénèrent encore comme le représentant de Dieu sur Terre.
Du côté des «rénovateurs», au contraire, on pense que le vieux roi, qui est malade depuis des années et mène une vie quasi-monacale, ne sortant plus guère de sa case, est manipulé par son entourage. A commencer par Etuaneta, sa propre fille, qui tiendrait les rênes de la maison royale. Bref, que Kulimoetoke, qui perçoit de l’Etat une indemnité mensuelle de 5 500 euros, ne serait plus maître de ses décisions…
10 000 sujets pour un royaume
Le royaume de Wallis, comme les deux royaumes de Futuna, n’est pas une monarchie héréditaire, mais aristocratique : ce sont les familles nobles, les Alikies, qui élisent ou destituent les rois.
Peuplé de Polynésiens originaires des îles Tonga, l’archipel découvert au XVIIe siècle ne connaissait pas de présence européenne significative avant le XIXe siècle et l’implantation de missions catholiques. Les royaumes d’Uvéa à Wallis, d’Alo et de Sigave à Futuna signèrent alors un traité de protectorat avec la France, ratifié en 1887, avant de devenir un territoire d’outre-mer en 1961, après un référendum. Tomasi Kulimoetoke, fut signataire de cet accord, qui a permis à ce petit archipel de 96 km2 et 10 000 sujets du Pacifique Sud de passer du statut de protectorat à celui de territoire d’outre-mer (TOM). La loi du 29 juillet 1961 «garantit aux populations du territoire le libre exercice de leur religion, ainsi que le respect de leurs croyances et de leurs coutumes tant qu’elles ne sont pas contraires aux principes généraux du droit ». D’où, peut-être, l’attitude de retrait du ministère de l’Outre-Mer dans le règlement de la crise qui secoue actuellement Wallis.
A Uvéa, le roi est le chef de la hiérarchie coutumière. Il est assisté d’un premier ministre et de cinq ministres. Le lavelua nomme encore sur proposition de la population trois chefs de district qui ont eux-mêmes autorité sur les vingt et un chefs de village. Ces derniers, qui peuvent lever les corvées d’intérêt général, sont plébiscités ou destitués au cours d’assemblées générales, dites fono, qui ont lieu le dimanche dans une case.
- D’après Libération du 23 septembre 2005, le roi (Lavelua) fait figure de grand chef traditionnel.
Le roi est en place depuis 1959, soit deux ans avant la fin du protectorat et la mise en place du territoire d’outre-mer. Alors que dans cette île, la coutume voulait que le roi change tous les dix ans, l’administration française a tout fait pour que le régime en place le reste le plus longtemps possible pour des raison de stabilité.
Cette politique a arrangé le roi, qui bénéficie d’une indemnité. Mais depuis 7 à 8 ans, cet homme, âgé de 86 ans, n’est plus en mesure de gouverner.