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Édition du 1er au 15 novembre 2024

« qu’un sang impur … »

Notre hymne national, La Marseillaise, semble bien accepté par l'ensemble de la communauté française. Aucun parti ne se l'est approprié et on a pu voir et entendre les parlementaires, unanimes, l'entonner lors du congrès réuni à Versailles. Il existe deux interprétations de la fin du refrain -- “qu'un sang impur abreuve nos sillons”. L'explication qui paraît aujourd'hui encore la plus répandue considère que le sang impur désigne celui de nos ennemis. Cependant, compte tenu du sens attaché au 18e siècle au mot sang, il semble que ce soit là un contre-sens et que l'expression sang impur désignait alors tous ceux qui n'étaient pas de noble extraction. Mais comment les élèves de première année à l'école primaire d'aujourd'hui peuvent-ils comprendre cette analyse lors de l'étude de notre hymne national qui est obligatoire depuis 2005 ? Quelle que soit la signification attribuée à cet extrait, il reste que son énoncé provoque un malaise chez certains et un redoublement des claquements de pieds d'autres participants. Ce slogan guerrier ne semble pas à sa place dans un texte qui mériterait sans doute un "lifting".
[Mis en ligne le 21 novembre 2015, mis à jour le 23]




Une Marseillaise émouvante à Toulon le 15 novembre 2015 (Var-matin)

La Marseillaise (Version courte) de Rouget de l’Isle

[Couplet]

Allons enfants de la Patrie

Le jour de gloire est arrivé

Contre nous de la tyrannie

L’étendard sanglant est levé

L’étendard sanglant est levé !

Entendez-vous dans les campagnes

Mugir ces féroces soldats ?

Ils viennent jusque dans vos bras

Égorger vos fils et vos compagnes !

[Refrain]

Aux armes, citoyens !

Formez vos bataillons !

Marchons, marchons

Qu’un sang impur

Abreuve nos sillons !

Écrit et composé par le capitaine Claude Rouget de L’Isle, ce chant patriotique apparaît à la fin du 18ème siècle en période de révolution, afin de motiver les troupes d’Alsace alors que la France vient de déclarer la guerre à l’Autriche.

Il est officiellement hymne national depuis le 14 février 1879, bien qu’utilisé comme tel des dizaines d’années avant cette date.

Il a été nommé ainsi par les Parisiens, en voyant défiler les troupes marseillaises aux Tuileries tout en chantant ce morceau qu’ils avaient adopté pour leurs parades.

Des demandes de révision à son sujet existent depuis plus d’un siècle, pointant du doigt la dureté de ses paroles qui transmettent un message guerrier.


A l’école comme ailleurs, en finir avec le sang impur qui abreuve les sillons

extraits du blog Histoire, Ecole et Cie de Bernard Girard

Il y a quelques jours, à Calais, plusieurs centaines de manifestants descendaient dans la rue contre la présence des migrants dans leur ville, une manifestation – paraît-il – apolitique, même si la présidente du mouvement organisateur, « Calaisiens en colère » avait rencontré Marine Le Pen peu de temps auparavant. Contre l’immigration, les symboles nationaux étaient de sortie, drapeaux tricolores et Marseillaise braillée devant la sous-préfecture, le sang impur abreuvant les sillons prenant pour l’occasion une couleur toute particulière. Si, assurément, pour les manifestants de Calais, ces paroles font sens, il n’est pas interdit de s’interroger sur la signification qu’elles peuvent avoir – ou pourraient avoir – pour des enfants de 6 ans, l’âge de leur apprentissage obligatoire…

La Marseillaise n’a jamais été absente des programmes scolaires, même s’il fut un temps, jusque dans les années 80, où elle savait se faire discrète ; la société ne s’en portait d’ailleurs pas plus mal. Alors que son grand retour dans les programmes officiels portait la marque de Chevènement (ministre de l’Education nationale de 1984 à 1986), tous ses successeurs ont fait preuve d’une imagination débridée pour assurer à l’hymne national une visibilité accrue, la gauche n’ayant rien à envier à la droite en ce domaine, comme par exemple lorsque le député socialiste Vallini (aujourd’hui ministre) suggérait en 2005 de faire chanter chaque matin la Marseillaise aux enfants des écoles. Si, pour l’instant, le rêve des politiciens ne s’est pas pleinement concrétisé, la Marseillaise occupe une place de choix tout spécialement à l’école élémentaire, dans le cadre des programmes d’EMC du cycle 2 (CP, CE 1, CE 2), rubrique « se sentir membre d’une collectivité », puis à nouveau dans le cycle 3 (CM 1, CM 2, 6e) et enfin, pour les élèves qui n’auraient pas tout compris, en cycle 4 (5e, 4e, 3e), dans l’inépuisable fourre-tout sur « les valeurs de la république ». En 2012, en faisant adopter sa loi d’orientation, le ministre de l’éducation Vincent Peillon s’était fait lyrique : « Nous devons aimer notre patrie […] Apprendre notre hymne national me semble une chose évidente. »

« Notre patrie … notre hymne », des évidences ? Des évidences pourtant si peu incontestables que le législateur s’est senti obligé d’user de menaces et de coercition en instituant (en 2003) l’impensable délit d’ « outrage aux symboles nationaux », passible de six mois de prison et de 7500 euros d’amende, la république réputée laïque ressuscitant ainsi le crime de blasphème qui protégeait autrefois la religion d’état. […]

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Bernard Girard


Une pétition sur ce thème (une pétition toujours ouverte, qui attend les signatures) :

« Liberté, égalité, fraternité […] Peut-on réellement se réclamer de ces valeurs et chanter sans état d’âme des paroles qui distinguent sang pur et sang impur, qui distillent la peur et la haine des ennemis, ces féroces soldats, ces barbares qui viennent jusque dans nos bras égorger nos fils, nos compagnes ? […] Finissons-en avec la haine de l’autre, de l’étranger ! A la tyrannie sanglante, opposons l’état de droit et la justice pour tous ! Face à la tentation du repli identitaire, ayons le courage de pousser la porte de ce voisin qui ne nous ressemble pas et construisons ensemble une démocratie saine et généreuse. La France se veut porte-parole des droits de l’Homme. Elle ne peut plus se permettre cette incohérence entre ce noble dessein et cet hymne national au goût de sang. »

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