Communiqué LDH
Paris, le 27 septembre 2013
Évacuations de Roms : des niveaux jamais atteints !
Tout en prônant un « pacte de dignité », le gouvernement poursuit les évacuations violentes, brutales et inutiles. Les nouvelles données délivrées par la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et European Roma Rights Centre (ERRC) viennent d’être publiées dans le recensement des évacuations forcées du troisième trimestre 2013. Elles confirment que les évacuations forcées des Roms ont perduré à un rythme élevé, 5 003 durant le troisième trimestre 2013, avec une accentuation durant les mois de juillet et août. L’Ile-de-France, dont le département de Seine-Saint-Denis détient le record des expulsions, connaît la plus forte augmentation. Dans les autres régions (incluant Paca, Rhône-Alpes et le Nord), les évacuations forcées ont perduré à un rythme élevé mais stable.
En tout, il y a eu 56 évacuations perpétrées par les forces de l’ordre concernant 5 003 personnes, et 5 évacuations suite à un incendie affectant 500 personnes.
On observe par ailleurs un nombre croissant de bidonvilles qui sont abandonnés par les habitants avant l’intervention des forces de l’ordre, pour éviter les traumatismes et la perte de leurs biens.
Ces expulsions interviennent sans solution alternative crédible de relogement ni d’accompagnement social. Comme durant le deuxième trimestre 2013, la mise en application de la circulaire interministérielle du 26 août 2012 « relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites » reste rare, disparate et généralement superficielle. Elle s’apparente plus souvent à un recensement des populations qu’à un réel et durable travail social d’insertion.
Ainsi, le préfet de Seine-Saint-Denis, M. Philippe Galli, reconnaît qu’il n’applique pas correctement la circulaire, arguant du fait qu’il ne dispose pas de moyens suffisants[ [*].
Comme depuis plusieurs années, les traumatismes faisant suite aux évacuations forcées continuent de provoquer une précarité de plus en plus grande. La marginalisation et la stigmatisation de ces populations augmentent. Il faut constater que cette politique inutile et coûteuse est dangereuse. Les discours de haine prononcés par des responsables politiques se multiplient. Les propos récents du ministre de l’Intérieur alimentent les préjugés et concourent aux stigmatisations et au rejet subi par la population rom.
Nous demandons une nouvelle fois l’arrêt immédiat de cette politique : les évacuations forcées ne peuvent se perpétuer au mépris des traités internationaux et européens. Au-delà de l’application concrète de la circulaire du 26 août, nous demandons par ailleurs qu’une véritable politique d’insertion pour ces personnes en grande précarité soit mise en place. Cette politique devra dépasser celle qui « anticipe et accompagne » leurs expulsions ou leurs évacuations forcées.
[*] COMPLÉMENT D’ENQUÊTE, “Manuel Valls : l’ambitieux”, France 2, diffusé le jeudi 12-09-13 à 22h15.
Roms: le défenseur des droits accuse le gouvernement
Le défenseur des droits a accusé vendredi le gouvernement de ne pas appliquer une circulaire encadrant le démantèlement des bidonvilles roms, un texte pourtant présenté par Jean-Marc Ayrault comme l’essence de sa «politique» envers cette minorité.
Alors que les Roms se trouvent au cœur d’une tempête soulevée par Manuel Valls, le Premier ministre a appelé «au sang froid». Le gouvernement suit sur cette question «une ligne politique définie précisément dans une circulaire», a-t-il redit en marge d’un déplacement à Nantes.
La veille, il avait déjà défendu ce texte du 26 août 2012 qui, sans remettre en cause le principe des expulsions, les encadre en prévoyant un diagnostic en amont et un accompagnement en aval. «Il y a tout dedans, y compris la fermeté, y compris le respect du droit mais aussi tout le travail d’intégration», avait dit le chef du gouvernement.
Sauf que, pour le défenseur des droits Dominique Baudis, «cette circulaire interministérielle d’août 2012 n’est pas appliquée dans tous les cas, loin s’en faut». «Trop souvent les évacuations se produisent sans décision de justice préalable. Trop souvent le délai des trois mois entre le jugement et le démantèlement n’est pas respecté», a-t-il ajouté en ouverture d’un colloque sur le sujet à l’Assemblée nationale. Une assertion confirmée par de nombreux acteurs associatifs, dont la Ligue des droits de l’Homme (LDH) qui évoque une application «rare, disparate et généralement superficielle» de ce texte.
M. Baudis, qui avait déjà saisi le Premier ministre cet été à ce sujet, a noté qu’il n’avait «pas eu de réponse à ce jour». «Confronté à ce silence», il a ajouté avoir relancé Matignon cette semaine. Le Défenseur a par ailleurs dénoncé «l’irrationalité des arguments, des comportements et des prises de position» au sujet des Roms.
400 camps, 17.000 personnes
La dernière polémique est née mardi, quand le ministre de l’Intérieur a estimé que seule une minorité de Roms voulaient s’intégrer et que leurs «modes de vie» était en «[confrontation» avec celui des populations locales.
Ses propos ont été critiqué au sein même du PS et du gouvernement, notamment par la ministre du logement Cécile Duflot qui a demandé au président François Hollande d’intervenir.
Vendredi, c’est la ministre déléguée à la Réussite éducative George Pau-Langevin qui a rejeté «tout discours essentialiste». «Tout enfant est éducable, nul peuple n’est délinquant ou marginal par nature», a-t-elle déclaré
Tout en évoquant «des comportements qui dérangent parfois», elle a estimé que la France serait capable de relever le «défi posé par ces nouveaux déshérités si les efforts étaient justement répartis» entre les régions et les différents pays européens.
M. Baudis a souhaité lui aussi une réponse européenne. Il a demandé à la commissaire européenne aux droits fondamentaux Viviane Reding de réunir tous les responsables européens en charge de la lutte contre les discriminations pour réfléchir à une stratégie commune. En France, près de 400 campements informels abritent environ 17.000 personnes, dont une grande partie est présente sur le territoire depuis plus de cinq ans, selon un recensement réalisé cet été par la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal) chargée du suivi de l’application de la circulaire.
Ces camps sont inégalement répartis avec 20% des Roms dans le département populaire de Seine-Saint-Denis. Au total, l’ile-de-France abrite 40% des bidonvilles. Le gouvernement vient de nommer un sous-préfet Jérôme Normand, pour suivre l’application de la circulaire dans la région.
Plus de 4.300 enfants vivent dans ces campements, selon la Dihal. Seuls un tiers de ceux en âge d’être scolarisés vont à l’école avec de fréquentes interruptions dus aux fréquentes expulsions.
Selon la LDH, un nouveau record a été battu cet été avec le démantèlement de 56 campements, concernant environ 5.000 personnes.