« Frictions de la mémoire »
- La guerre de la mémoire est-elle toujours ouverte ?
Oui, et sans doute parce que beaucoup de choses n’ont jamais été purgées autour de l’OAS. Il y a eu l’amnistie, puis les officiers ont recouvré leurs grades et décorations. De quoi considérer qu’on reconnaissait la justesse de leur combat !Ceci dit, nous sommes dans un moment de frictions récurrentes sur le sujet. Pourquoi aujourd’hui ? Je ne sais pas ! On ne peut pas parler de hasard puisque les hommages à l’OAS se multiplient. Mais c’est peut-être une question d’âge. Ces hommes veulent rester dans l’Histoire.
- Que vous inspirent les débats autour des stèles ?
De solides questions ! Quand la polémique autour de Jean-Marc Rouillan a éclaté, on a reproché à ce leader d’Action
Directe de ne pas avoir une once de regrets, et pour cela on l’a remis en prison2. Ceux qui ont participé aux actes violents de l’OAS, non seulement n’ont pas de regrets, mais s’en glorifient et demandent la reconnaissance de la Nation. Voilà qui pose question sur la façon dont on traite la mémoire en France. Que les anciens de l’OAS racontent, expliquent, oui. Mais qu’ils réclament le droit de faire des stèles, ça me choque !
Béziers : une stèle à la gloire de l’OAS
Une stèle dans le sud de la France glorifiant des membres de l’Organisation de l’Armée Secrète (OAS), qui s’était opposée par la terreur à l’indépendance de l’Algérie, suscite l’indignation de responsables politiques locaux et de la Ligue des droits de l’Homme (LDH).
Sur la stèle érigée au cimetière de Béziers peu après la guerre d’Algérie (1954/1962) à la mémoire des morts civils et militaires en outre-mer, ont été ajoutées fin 2003 les photos de quatre membres de l’OAS.
« N’oubliez jamais leur sacrifice », enjoint le monument.
«Cette stèle valorise les quatre tueurs de l’OAS condamnés à mort par les tribunaux français et fusillés», dénonce le communiste Jean-Louis Bousquet, conseiller municipal d’opposition, qui vient d’écrire au président Nicolas Sarkozy.
Le conseiller dénonce «la complaisance du maire» et réclame la suppression des ajouts qui ont transformé la stèle en monument pro-OAS.
Les noms ajoutés sont ceux de Jean-Marie Bastien-Thiry, qui organisa en 1962 un attentat contre le général de Gaulle, du créateur des commandos Delta Roger Degueldre, d’Albert Docevar et de Claude Piegts qui ont participé à l’assassinat du commissaire central d’Alger Roger Gavoury en mai 1961.
«Nous avons demandé que cette stèle soit retirée: l’hommage rendu aux quatre membres de l’OAS condamnés pour meurtre est particulièrement choquant, ça n’a pas sa place dans un cimetière communal», a déclaré à l’AFP l’historien Gilles Manceron, membre du comité central de la LDH.
«Doit-on polémiquer sur des actes amnistiés ?», a répondu dans un communiqué le maire de Béziers Raymond Couderc (droite), avertissant: «la seule évocation de faits amnistiés peut être considérée par la loi comme un acte délictueux».
Jean-Marie Bastien-Thiry est-il concerné par l’amnistie ? On peut se poser la question dans la mesure où l’amnistie liée aux accords d’Evian concernait les «infractions commises avant le 20 mars 1962»
3. Ce qui n’est pas le cas de l’attentat contre le général de Gaulle qu’il a organisé le 22 août 1962 au
Petit-Clamart, pour lequel il a été condamné à mort et exécuté le 11 mars 1963.
De toute façon, les amnisties qui ont suivi la guerre d’Algérie ne peuvent effacer les faits. Rappelons d’ailleurs que le général Paul Aussaresses a été condamné pour «apologie de crimes de guerre»4.
- Francis Zamponi est l’auteur de Mon colonel et
du Boucher de Guelma, Editions du Seuil, Paris 2007
http://www.franciszamponi.fr/oeuvres.php?p=oeuvres - Voici ce que Jean-Marc Rouillan a répondu au journaliste qui lui demandait, à l’occasion d’une interview publiée dans L’Express le 1er octobre, «Regrettez-vous les actes d’Action directe, notamment cet assassinat?»
«Je n’ai pas le droit de m’exprimer là-dessus… Mais le fait que je ne m’exprime pas est une réponse. Car il est évident que si je crachais sur tout ce qu’on avait fait, je pourrais m’exprimer. Mais par cette obligation de silence, on empêche aussi notre expérience de tirer son vrai bilan critique.»
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