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Édition du 15 janvier au 1er février 2025

Paris-Dakar – Derniers soubresauts de la Françafrique ?, par Cheikh Sakho

Macron se pose en sauveur de l’Afrique, Sonko se pose en défenseur de la souveraineté des pays africains. Au Sénégal, presse et réseaux sociaux s’électrisent.

Paris-Dakar – Derniers soubresauts de la Françafrique ?

par Cheikh Sakho, pour histoirecoloniale.net

Le président français, Emmanuel Macron s’est présenté le 6 janvier en sauveur de l’Afrique et artisan du retrait des troupes françaises, et le premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, l’a démenti au nom de la souveraineté des pays africains. Au Sénégal, presse et réseaux sociaux s’électrisent après les déclarations du président français.

Lors de la conférence des ambassadeurs le 6 janvier 2025, Emmanuel Macron a affirmé que le retrait des troupes françaises de plusieurs pays de l’Afrique occidentale – Mali, Niger, Burkina-Fasso, Sénégal et Tchad – serait le fruit de négociations entre la France et les pays africains, ajoutant que « les Africains avaient oublié de dire merci à la France pour son intervention dans la lutte contre le terrorisme au Sahel ». Pour lui, « aucun pays africain ne serait aujourd’hui souverain, si la France ne s’était déployée ».

La réplique du premier ministre sénégalais ne s’est pas fait attendre : Ousmane Sonko a démenti l’existence de quelconques négociations, il a contesté « la capacité et la légitimité de la France pour assurer à l’Afrique sa sécurité et sa souveraineté « , tout en soulignant les effets déstabilisateurs pour le Sahel de l’intervention de la France en Libye.

Il s’est lancé aussi, au-delà de cette mise au point légitime, dans une considération contrefactuelle sur le rôle des soldats africains dans la Deuxième Guerre mondiale, sans lesquels… « la France serait, peut-être aujourd’hui encore, allemande ».

Au-delà de sa riposte légitime à la rhétorique de plus en plus « trumpisée » du président de la République française dans la période récente – voir ses déclarations à Mayotte[1] -, les propos des autorités sénégalaises, même dans un tweet, gagneraient à être plus nuancés. L’histoire contrefactuelle est du domaine des historiens plutôt que des responsables politiques.

En effet, après les déclarations hâtives au Sénégal du ministre-conseiller Cheikh Oumar Diagne – habitué du fait et qui a été légitimement critiqué – selon lequel les tirailleurs africains recrutés dans la période coloniale étaient, au service de la France, des « traîtres qui se sont battus contre leurs frères dans leur pays [2]», il est urgent de montrer la complexité de l’histoire et de poursuivre le travail d’histoire et de mémoire autour des tirailleurs africains, un travail dont la jeunesse biberonnée aux réseaux sociaux où abondent les fake news et les approximations a crucialement besoin.

Est-il besoin de le rappeler, ce sont, d’une part, le refus de la domination allemande par des Français, et de l’autre, l’engagement de l’Union soviétique et des États-Unis dans ce conflit qui ont conduit à la défaite de l’Allemagne. Et pourquoi ne pas dire plutôt que la France Libre , avait mobilisé l’ensemble de ses colonies, en Afrique du Nord, en Afrique subsaharienne, à Madagascar, mais également dans le Pacifique et aux Antilles, où des hommes ont tous contribué à la libération de l’Europe ?

Les récentes commémorations des 80 ans du massacre de Thiaroye ont mis en avant la nécessité de rétablir la vérité historique. Pourquoi ne pas poursuivre sur cette voie ? La recherche de la vérité historique ne saurait être sélective. 

La demande de vérité dans les deux pays

Récemment, le député Abdou Sonko, statisticien résident à Lyon et récemment élu sur la liste du Pastef Europe à l’Assemblée nationale du Sénégal, a déposé auprès du président du groupe parlementaire Pastef Les Patriotes une proposition de mission d’information parlementaire sur le massacre de Thiaroye de décembre 1944 et autres crimes et injustices subies par les tirailleurs africains pendant la Seconde guerre mondiale. Il a longtemps dirigé une fédération Afrique 50 réunissant une trentaine d’associations autour de la promotion des cultures africaines et du dialogue interculturel.

Ce projet de mission parlementaire fait l’objet d’une pétition. Sa création pourrait permettre un travail fructueux en liaison avec la commission d’enquête parlementaire que des députés français ont l’intention d’installer à la suite des différentes initiatives qui ont marqué le 80ème anniversaire du massacre de Thiaroye. La résolution dans ce sens pourrait être adoptée par l’Assemblée nationale française en mars 2025.


[1] « Si c’était pas la France, vous seriez 10.000 fois plus dans la merde ! », a lancé le président jeudi au milieu de la foule qui criait sa colère et son désespoir. https://www.mediapart.fr/journal/fil-dactualites/211224/apres-le-depart-de-macron-les-habitants-de-mayotte-attendent-encore-de-l-aide

[2] Cheikh Oumar Diagne a évoqué également le fait réel du rôle des soldats africains dans la répression des mouvements de libération d’après-guerre. https://information.tv5monde.com/afrique/senegal-un-ministre-limoge-par-le-president-apres-avoir-qualifie-les-tirailleurs-de


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