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« Oser la liberté » : une exposition au Panthéon sur les combats contre l’esclavage

Au Panthéon, la Fondation pour la mémoire de l’esclavage (FME) propose du 9 novembre 2023 au 11 février 2024 l’exposition Oser la liberté, consacrée aux « figures des combats contre l’esclavage ». Elle comporte quatre séquences : « La traite esclavagiste, une première mondialisation » ; « Marronnages, Lumières et Révolution (1750-1802) » ; « D’une abolition à l’autre (1802-1848) » ; « Contre l’oubli : commémorer et combattre (depuis 1848) ». Dans le même temps, le Panthéon accueille au sein d’une exposition intitulée « We Could Be Heroes » les œuvres du plasticien Raphaël Barontini rendant hommage aux « héros effaçés » des Caraïbes.

Oser la Liberté. Figures des combats contre l’esclavage,
une exposition au Panthéon

Présentation de l’exposition

Proposée par le Centre des monuments nationaux et la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, l’exposition Oser la Liberté, Figures des combats contre l’esclavage retrace l’histoire d’un combat : celui de la liberté contre l’esclavage, une marche qui s’est déployée sur quatre siècles et trois continents, scandée de moments de ruptures, de régressions, de temps forts et de bascules dans l’histoire de France.

En mêlant cette histoire foisonnante à celle de la modernité française dont elle est une page majeure, et en convoquant la mémoire des femmes et des hommes qui l’ont écrite, l’exposition montre comment le système colonial esclavagiste a toujours suscité des oppositions, et combien le souffle des figures héroïques qui ont porté ces résistances continue d’inspirer les combats d’aujourd’hui.

Dans le Panthéon, temple des héros et des héroïnes de la République, l’exposition « Oser la Liberté » raconte cette histoire en l’incarnant. A travers la présence de celles et ceux qui y sont déjà honorés – comme l’abbé Grégoire et Condorcet, Toussaint Louverture et Louis Delgrès, Victor Schœlcher et Félix Éboué, Aimé Césaire et Joséphine Baker… – mais aussi à travers l’évocation de figures moins connues dont elle fait revivre le souvenir (Olympe de Gouges, Makandal, Julien Raimond…), pour un récit plus juste, plus ouvert, plus complet.

Cette exposition les réunit toutes et tous pour la première fois au Panthéon, à travers un dispositif inédit mêlant archives, œuvres et dispositif sonore et visuel.

Le parcours se déploie en quatre séquences :

  • La traite esclavagiste, une première mondialisation
  • Marronnages, Lumières et Révolution (1750-1802)
  • D’une abolition à l’autre (1802-1848)
  • Contre l’oubli : commémorer et combattre (depuis 1848)

À découvrir au Panthéon, à Paris du 9 novembre 2023 au 11 février 2024

Au Panthéon, Raphaël Barontini et son cortège des oubliés

par Emmanuelle Lequeux, publié par Le Monde le 19 octobre 2023.
Source

Raphaël Barontini tenant un écran de sérigraphie, dans son atelier à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le 11 octobre 2023. LUCIE CIPOLLA POUR « M LE MAGAZINE DU MONDE »

Invité à exposer dans le mausolée des « grands hommes » de la République, le plasticien français, qui travaille notamment sur la mémoire des Caraïbes, convoque les héros effacés de la lutte contre l’esclavage.

Ils, elles avaient des noms, parfois ; des visages, rarement ; le récit de leur vie ? En pointillé, le plus souvent. A tous ces hommes et femmes qui se sont battus contre l’esclavage, à ces humbles qui ont résisté contre la domination des empires, Raphaël Barontini tente de redonner corps et âme. Fruit d’un an de travail acharné, son exposition au Panthéon, nommée « We Could Be Heroes », titre emprunté à la célèbre chanson de David Bowie, est réparation et célébration : une ode à ces héros des Caraïbes, oubliés le plus souvent.

Quand nous rendons visite à l’artiste, à un mois de son vernissage, leurs visages envahissent chaque recoin de son vaste atelier de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Dans ce quartier flottant entre deux mondes, le groupe de ventes en ligne Veepee lui a prêté deux salles, où fourmillent peintres, archivistes, couturiers. L’opportunité, pour l’artiste sorti des Beaux-Arts de Paris il y a treize ans, de développer son plus ambitieux projet : une immense installation composée de bannières, tentures et performances qui détonne sous les marbres de la République.

Comment s’est-il donc retrouvé, à 39 ans, à exposer dans ce symbole du roman national ? C’est le Centre des monuments nationaux qui lui a offert carte blanche, dans le cadre de l’opération « Un artiste/un monument ». Parmi tous les édifices que l’institution a sous tutelle, Raphaël Barontini n’avait qu’à choisir. « J’ai un temps pensé à l’hôtel de la Marine, ancien ministère des colonies qui abrite le bureau où Victor Schœlcher a signé l’abolition de l’esclavage. Mais c’est le seul monument où c’était impossible. »

Un manque de visibilité

Bien vite, le Panthéon s’impose à son esprit. D’autant plus qu’une exposition historique consacrée à l’esclavage est programmée au même moment dans la crypte. « J’ai travaillé main dans la main avec sa commissaire, Florence Alexis, et la Fondation pour la mémoire de l’esclavage qui a lancé le projet. Un vrai travail historique reste à faire. On s’est trop plaint pour que je refuse cette invitation. »

L’histoire de la traite transatlantique n’est pas complètement absente du monument de la montagne Sainte-Geneviève : les cendres de Victor Schœlcher y ont été transférées. Mais c’est trop peu, bien sûr, pour Raphaël Barontini. « En 2017, j’avais réalisé à la galerie Gutharc le projet “Back to Ithaque”, autour de personnalités de l’histoire caribéenne qui avaient une existence à la fois dans les Caraïbes et en métropole, rappelle-t-il. Des figures comme Toussaint Louverture, le chevalier de Saint-Georges, compositeur à la cour, ou le général Thomas Alexandre Dumas. » Il prolonge à grande échelle ce projet, en installant sous la solennelle coupole son « panthéon imaginaire », composé de héros de la lutte contre l’esclavage.

« J’ai grandi à Saint-Denis, mais une partie de ma famille vient de Guadeloupe et je sais que ces figures sont connues dans les Caraïbes. Mais, en métropole, elles souffrent d’un vrai manque de visibilité. » Voilà donc un an qu’il s’efforce de les incarner. Autour de Toussaint Louverture, qui trône en majesté dans un des transepts, nombre de femmes, « car elles étaient aux premiers rangs de ces luttes ».

Apparaissent ainsi, sur une série de bannières, Sanité Belair, une des rares gradées de l’armée des insurgés haïtiens, Céline Fatiman, prêtresse vaudoue qui a joué un rôle unificateur, et Solitude, cette « métisse née d’un viol, devenue l’une des leaders de l’insurrection des esclaves en Guadeloupe ». D’immenses tentures, de 20 mètres sur 5, représentent, elles, la lutte des marrons, ces esclaves échappés, la déportation par bateau ou encore la bataille de Vertières, « insurrection d’esclaves haïtiens qui défont en 1803 l’armée de Napoléon après qu’il a réinstauré l’esclavage qui venait d’être aboli. Très étudiée dans les universités anglo-saxonnes, cette date est complètement oubliée en France, c’est le “black Waterloo” ! »

Jouer avec les images

Chacune de ces créations est le fruit d’un travail complexe, multipliant les couches, comme pour mieux feuilleter la mémoire : « Mon ADN est celui d’un peintre, mais je procède aussi sur les toiles à toutes sortes de collages, décrit l’artiste, entouré pour la première fois de sa carrière d’une foule d’assistants. Je peins à l’acrylique ou à l’encre, puis la toile est photographiée et imprimée en numérique. Je travaille alors cette surface à la sérigraphie, dont je suis un acharné. » Il ajoute enfin des fragments de cotons teints ou des tissus vinyle irisés. « Au marché Saint-Pierre, ils m’aiment bien, je suis un bon client ! » Collage de textures et de matières, donc, mais aussi de références. Raphaël Barontini va piocher dans toutes les imageries pour donner un corps et un visage à ces oubliés.

« Je peux par exemple mêler dans un même corps une statue antique, le bras d’un reliquaire de Biery Fang du Gabon, des objets vaudous, des dentelles françaises, des iconographies empruntées à la peinture religieuse ou aux paysages du peintre flamand Patinir, que j’adore. » Quant aux bicornes qu’il pose sur la tête de ces héros, tous sont empruntés à Napoléon, même celui de Toussaint Louverture sur son cheval, inspiré, lui, d’une statue équestre de Louis XIV à Versailles. Pour les visages, l’artiste a puisé dans un fonds photographique du Quai Branly. « Des photos prises entre 1880 et 1930, avec une claire intention d’inventaire ethnologique et donc de hiérarchisation des races. »

A ses yeux, ce brassage très large relève d’une « posture un peu carnavalesque qui consiste à jouer avec les images. Emprunter à tous ces canons esthétiques, c’est un moyen de réaffirmer que ce sont des grands hommes et des grandes femmes. Je ne voulais pas être dans le cliché attendu de l’esclave enchaîné, figurer de manière littérale cette période très sombre de l’histoire : j’avais envie d’un pas de côté. » Lors du week-end d’ouverture, une grande parade donnera vie à cette mémoire, orchestrée avec « un groupe de musiciens antillais de Saint-Denis, un “mas” de carnaval, comme on dit. C’est la première fois que cette thématique est abordée directement au Panthéon, je voulais avoir une réponse plus collective que personnelle et inviter le peuple antillais dans ce moment. »
« We Could Be Heroes », de Raphaël Barontini, au Panthéon, place du Panthéon, Paris 5e, du 19 octobre au 11 février 2024. Et aussi « Oser la liberté. Figures des combats contre l’esclavage », du 9 novembre au 11 février 2024.

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