Onésime Reclus, inventeur du mot « francophonie » et militant de l’expansion coloniale
Dans « Le plus beau royaume sous le ciel » ou « La France à vol d’oiseau », Onésime Reclus décrit avec un lyrisme patriotique les paysages et les populations de France, un peu à la manière dont Jules Michelet en fait connaître l’histoire. Il manie avec amour le français, dans un style précis, énergique et poétique, qui rend communicative l’émotion de ses descriptions.
Décrivant admirativement les caractéristiques géographiques de son pays, l’œuvre d’Onésime Reclus est également politique. En effet, s’il analyse la géographie de la France, il se fait aussi l’ardent promoteur de l’aventure coloniale française, notamment en Afrique.
Le militant de l’expansion coloniale française
Onésime Reclus développe sa pensée en matière coloniale dans des ouvrages aux titres évocateurs : « Le partage du monde », « Un grand destin commence », « France, Algérie et colonies » ou encore « Lâchons l’Asie, prenons l’Afrique : où renaître ? et comment durer ? »
C’est un hymne à la conquête coloniale que compose le géographe, concevant une véritable doctrine de l’impérialisme français. Mais sa conception du colonialisme ne s’appuie pas sur des considérations mercantilistes ou raciales ; son argumentation est géographique, linguistique, démographique. La théorie qu’échafaude Onésime Reclus repose sur l’idée d’influence du milieu ; la langue apparaît comme le socle des empires, le lien solidaire des civilisations.
Il y a des langues
Il n’y a plus de races, toutes les familles humaines s’étant entremêlées à l’infini depuis la fondation du monde.
Mais il y a des milieux et il y a des langues.
Un ensemble de conditions physiques, sols, climats, vents, pluies, soleil, mariage de la terre et de la mer ou divorce entre l’une et l’autre, a fait d’un confus brassement de « races » des peuples parfaitement distincts ».1
La langue fait le peuple
« Dès qu’une langue a « coagulé » un peuple, tous les éléments « raciaux » de ce peuple se subordonnent à cette langue. C’est dans ce sens qu’on a dit : la langue fait le peuple (lingua gentem facit) ».2
Les « empires » en cours de constitution à la fin du XIXe siècle sont pour lui l’avenir : la France doit prendre sa place dans ce « partage du monde ». Il prône l’expansion coloniale, essentiellement tournée vers l’Afrique par réalisme stratégique : « incapables d’une politique mondiale comme d’une politique étroitement européenne, proportionnons l’œuvre à l’ouvrier, par la pratique assidue de la politique africaine, aussi exclusive qu’il se pourra ». Et Onésime Reclus d’appeler à ériger une « Afrique française », unifiée par « la diffusion de la langue nationale ».
Le géographe examine la situation du français dans le monde à la fin du XIXe siècle et lui promet un avenir « mondial », à la faveur de l’expansion de l’empire colonial français.
Le français devient langue mondiale
« Empire d’Afrique, Madagascar, Indo-Chine, semblent nous garantir la perpétuité, ce qui veut dire, humainement parlant, la longue continuité de notre idiome.
Il cessera d’être la langue faussement dite universelle ; mais, retiré dans son grand coin du monde, il deviendra le verbe de centaines de millions d’hommes de toute origine, fils de Japhet, de Sem, de Cham, de Gog et Magog et autres ancêtres inconnus.
En dehors de l’île des Hovas et de la presqu’île des Annamites, il résonnera sur les deux rives de la Méditerranée, et aussi sur les deux bords de l’Atlantique ».3