La cour d’appel d’Alger a confirmé, mercredi 11 août, la peine de deux ans de prison ferme infligée le 14 juin au directeur du quotidien algérien Le Matin, Mohamed Benchicou, par un tribunal d’El Harrach (faubourg est d’Alger).
M. Benchicou, actuellement détenu à la prison d’El Harrach, avait été condamné pour « infraction à la législation sur les mouvements des capitaux » après la découverte de bons de caisse dans ses bagages à l’aéroport d’Alger en août 2003.
La défense a déclaré « se pourvoir en cassation devant la Cour suprême pour que s’impose le droit », estimant que cette affaire était « politique ». Pour Me Khaled Bergheul, « à travers Benchicou, c’est toute la presse qui est visée ».
OFFENSIVE DU POUVOIR CONTRE LA PRESSE
La presse privée avait dénoncé dès la première condamnation, le 14 juin dernier, une volonté des autorités de « museler la presse indépendante », alors que le ministre de la justice, Tayeb Belaïz, avait estimé qu’elle « n’a rien à voir avec la presse, la liberté d’expression ou la politique ».
Depuis l’incarcération de M. Benchicou, le siège de son journal a été vendu aux enchères par le fisc algérien, alors que son journal a cessé de paraître depuis le 24 juillet, sous la pression d’une imprimerie d’Etat qui réclamait le paiement immédiat de dettes du journal évaluées à 38 millions de dinars (440 000 euros environ).
L’organisation Reporters sans frontières (RSF) s’était déclarée « scandalisée » par la condamnation de Mohamed Benchicou et avait dénoncé « avec vigueur la dangereuse escalade dans la répression contre la presse privée ».
« Nous sommes abasourdis par la sévérité du verdict condamnant Mohamed Benchicou », avait déclaré RSF, estimant que « l’infraction au contrôle des changes est un prétexte pour faire taire ce journaliste mais aussi pour mettre en garde tous ceux qui ont osé critiquer le pouvoir ».
Un autre journaliste algérien, Hafnaoui Benameur Ghoul, déjà condamné le 9 juin par le tribunal de Djelfa à deux mois de prison ferme, avait vu sa peine aggravée à trois mois en appel avant d’être de nouveau condamné à deux mois supplémentaires pour avoir écrit une lettre à sa fille sans passer par la voie réglementaire.
Il avait été condamné pour « outrage et diffamation », après avoir révélé « des abus et des outrances dont se sont rendus coupables des puissants de la région », selon le Syndicat national des journalistes algériens (SNJ).
En outre, le directeur du groupe de presse Er-Raï, Mohamed Benaoum, a également été condamné pour diffamation à deux mois de prison par un tribunal d’Oran.
Une pétition
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Le directeur du journal algérien Le Matin, Mohamed Benchicou, a été injustement condamné à deux ans de prison, le 14 juin 2004, et à une amende de 20 millions de dinars (200 000 euros). « Transfert illégal de capitaux et infraction à la législation régissant le marché des changes » sont les prétextes fallacieux invoqués par une justice aux ordres pour arrêter Mohamed Benchicou et faire taire une voix contestataire.
Arrêté en pleine audience au tribunal et mis sous mandat de dépôt exécuté immédiatement, Mohamed Benchicou est incarcéré à la prison d’El Harrach.
Mohamed Benchicou paie en réalité à la fois la vigueur du ton de son journal et le contenu irrévérencieux de son livre Bouteflika : une imposture algérienne.
Il nous paraît évident que la sanction prononcée par la justice est une exécution de la menace proférée par le ministre de l’Intérieur, Yazid Zerhouni, qui promettait, il y a un an de cela, de « faire payer » Benchicou.
Cet arbitraire n’est pas isolé. Il procède d’une politique de mise au pas d’une presse libre dont la corporation a payé sa liberté au prix :
– de plus de 70 journalistes assassinés en moins de dix ans ;
– de dizaines d’emprisonnements de journalistes ;
– de suspensions de journaux ;
– d’intimidations de toutes sortes et de harcèlements judiciaires permanents.
Quelques jours avant l’emprisonnement de Mohamed Benchicou, Hafnaoui Ghoul, correspondants d’El Djazaïr News à Djelfa (Sud algérien), représentant de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme, a été arrêté et emprisonné pour avoir exercé son métier d’informer sur les abus des autorités régionales.
De nombreuses autres arrestations de journalistes sont malheureusement à prévoir dans les jours à venir.
La répression de la liberté de la presse n’est pas nouvelle. Elle reprend de plus belle depuis la récente réélection d’Abdelaziz Bouteflika à la Présidence de la République.
Nous, femmes et hommes attachés à la liberté de la presse et d’expression, dénonçons ces arrestations. Nous appelons toutes celles et tous ceux qui partagent ces valeurs à se mobiliser pour la libération des journalistes injustement emprisonnés et l’arrêt de toute pression et répression à l’encontre de la presse.
Nous nous constituons en « Comité pour la liberté de la presse en Algérie » et appelons toutes les associations, les partis, les ONG et les citoyens des deux côtés de la Méditerranée, et au-delà, à nous rejoindre dans notre action.
Pour signer la pétition :