Pendant la guerre d’Algérie, Maurice Audin, jeune professeur de mathématiques, communiste, arrêté le 11 juin 1957 par les parachutistes du général Massu chargés du maintien de l’ordre à Alger, n’est jamais réapparu. C’est la Bataille d’Alger. Quelque trois mille Algériens arrêtés par les parachutistes disparaissent. Le secrétaire général de la police d’Alger, Paul Teitgen, ancien résistant déporté, a compris qu’ils étaient voués à la torture et aux exécutions sommaires, demande qu’une assignation à résidence soit établie pour chacun d’eux, pour qu’il en reste une trace. Puis démissionne en écrivant : « depuis trois mois nous sommes engagés […] dans l’anonymat et l’irresponsabilité qui ne peuvent conduire qu’aux crimes de guerre ». La répression frappe aussi les militants du parti communiste algérien, interdit en septembre 1955. Audin est torturé au centre de détention d’El Biar, tout comme Henri Alleg, ancien directeur d’Alger républicain, arrêté le lendemain au domicile d’Audin, qui témoignera dans La Question. La jeune femme d’Audin, Josette, enseignante elle aussi, reste seule avec leurs trois enfants.
Le 22 juin, elle a la visite de deux parachutistes qui disent « Vous croyez le revoir un jour, votre mari… Espérez, vous pouvez toujours espérer… » et parlent de lui au passé. Le 1er juillet, l’un de leurs chefs, le colonel Trinquier, la reçoit et lui dit que, le 21 juin au soir, lors d’un transfert vers un autre centre, assis, seul, non menotté, à l’arrière d’une jeep, il se serait évadé. Sachant que les prétendues disparitions lors d’une tentative d’évasion sont un mensonge courant pour couvrir des exécutions sommaires, elle n’y croit pas, accuse les parachutistes de l’avoir tué et dépose plainte pour homicide volontaire.
Josette Audin n’a cessé de demander la vérité, aidée par l’historien Pierre Vidal-Naquet qui constitue le Comité Audin, dont Madeleine Rebérioux, future présidente de la LDH, assurera longtemps le secrétariat, et publie en mai 1958, aux éditions de Minuit, L’affaire Audin. Il y démontre l’invraisemblance de la thèse de l’évasion, mais reprend la version parvenue à Teitgen, qui lui avait rapportée, d’une mort accidentelle d’Audin, étranglé lors d’une séance de torture par le lieutenant Charbonnier. Il a fallu attendre mars 2012 pour qu’elle soit remise en cause par une journaliste du Nouvel Observateur, Nathalie Funès, qui révèle qu’un autre officier parachutiste, le colonel Yves Godard, commandant alors la zone Alger-Sahel, avait écrit dans des carnets déposés à l’Université de Stanford (Californie), qu’Audin a été tué, sur ordre, par le lieutenant Gérard Garcet. Celui-ci ayant été auparavant aide de camp du général Massu, sa désignation comme l’assassin invitait à regarder de ce côté.
Les confidences tardives d’Aussaresses peu avant sa mort, que le journaliste Jean-Charles Deniau rapporte dans son livre La vérité sur la mort de Maurice Audin confirment non seulement ce nom de l’assassin, mais surtout qu’il a été tué sur ordre de Massu. Poignardé à mort le 21 juin 1957, il aurait été enterré hors d’Alger, dans un lieu où les corps de centaines d’Algériens torturés sont aussi ensevelis. Tout indique qu’Aussaresses, tortionnaire non repenti et habitué aux mensonges, a probablement dit, ici, la vérité, et que la version de la mort accidentelle avait été distillée comme un second mensonge lorsque la thèse de l’évasion était rejetée. S’il y a eu un ordre de Massu, a-t-il été partagé par le ministre résident Robert Lacoste ? Par d’autres au sein du gouvernement ? Dans quel but a-t-il été donné ? Combien de temps les autorités françaises vont-elles se voiler la face sur ce point sombre de notre histoire ?
Remise du Prix Maurice Audin 2014 à Alger
Le prix Maurice Audin de mathématique a été décerné, mercredi à Alger, à deux chercheurs, une Algérienne et un Français, pour leurs travaux de recherche, communs et innovants, dans le domaine de la physique-mathématique et d’analyse semi classique. Les deux chercheurs récompensés, l’Algérienne Kaoutar Ghomari et le Français San Vu Ngoc, ont collaboré, depuis 8 ans, dans des recherches en analyse semi-classique, en physique mathématique, dans les systèmes dynamiques ainsi que dans la théorie des formes normales de Birkhoff.
Le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Mohamed Mebarki, a déclaré, lors de la cérémonie de remise du prix, que « cette reconnaissance est porteuse d’espoir pour les générations futures de chercheurs ». Il a ajouté qu’il n’y avait pas de progrès et de développement sans recherche scientifique, appelant les entreprises algériennes à s’impliquer davantage, aux côtés de l’université, dans la « dynamique » de la recherche scientifique « prônée par le gouvernement ».
Le Prix Maurice Audin a été remis par Cedric Villani, chercheur en mathématiques, lauréat de la médaille Fields [équivalant au prix Nobel pour les mathématiques] en 2010. Ce dernier a souligné, lors de son intervention, l’importance du travail collectif et de la recherche en groupe dans le développement de la science. Il a rappelé que les sciences mathématiques contribuaient à la transformation du monde car les résultats des recherches sont utilisés quotidiennement.
M. Villani a estimé qu’il n’y avait pas de progrès sans les mathématiques et qu’il était important de raisonner de manière logique et rigoureuse au quotidien. Le prix Maurice Audin de mathématique est un prix qui récompense, tous les deux ans, le meilleur projet en mathématique de deux chercheurs, l’un exerçant en Algérie et l’autre en France.
Il a été créé en 2004 pour rendre hommage à Maurice Audin, grand militant de la cause algérienne et brillant chercheur en mathématique, assassiné en 1957 par la France coloniale. Plusieurs dossiers de candidats sont étudiés par un jury formé d’éminents scientifiques, durant des mois, au terme desquels deux lauréats sont sélectionnés pour la distinction.
- Voir également : http://images.math.cnrs.fr/+Prix-Maurice-Audin-2014+.html.