Pas vu encore, le téléfilm que devait diffuser hier soir la chaîne privée Canal + et traitant de la nuit terrible du 17 octobre 1961, lors de laquelle la police française, sous les ordres de son préfet Papon (oui, le même), massacra des dizaines de manifestants algériens (voir Libération du 7 juin). L’initiative est heureuse, dont les autorités de l’Etat seraient inspirées de s’inspirer pour solder cette tragédie : des deux archivistes parisiens qui mirent au jour l’ampleur de la tuerie, l’une, Brigitte Lainé, reste placardisée1, et l’autre, Philippe Grand, est retraité. Leur hiérarchie les réhabilitera-t-elle un jour du crime d’avoir produit en justice des archives de trente ans, mais jugées non consultables, pour témoigner d’une barbarie d’Etat ? A titre posthume, peut-être ?… Dans une extravagante et terrifiante coïncidence «algérienne» nous arrive cependant, via la section de Toulon de la Ligue des droits de l’homme, l’écho d’un véritable projet de réhabilitation concernant, celui-là, les activistes de l’OAS (Organisation armée secrète). Sollicité par une «Association de défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus et exilés politiques de l’Algérie française» (Adimad), le maire de Marignane lui a attribué une parcelle vierge du nouveau cimetière municipal, sur laquelle l’association compte ériger (et inaugurer, le 6 juillet) un monument à la mémoire factieuse des Bastien-Thiry (organisateur de l’attentat du Petit-Clamart contre De Gaulle), Roger Degueldre (chef des commandos Delta), Albert Dovecar et Claude Piegts (assassins du commissaire central d’Alger Roger Gavoury).
Les nostalgiques de l’OAS et leurs héritiers de l’Adimad clameront que ces crimes ont été amnistiés, et ce sera de bonne guerre civile. Reste que, de même qu’on apprécia le principe de la loi autorisant la libération de détenus pour raisons de santé, on apprécierait qu’elle ne profite pas qu’à des Papon. Et idem pour les réhabilitations. Président socialiste du conseil régional Paca, Michel Vauzelle, j’en suis sûr, en sera d’accord.
- Précision publiée dans Libération lundi 13 juin 2005 :
Un énoncé imprécis laissait entendre mercredi que la placardisation de l’archiviste Brigitte Lainé était le fait de sa tutelle ministérielle. Or, en ces temps de promotion éditoriale et mémorielle de l’activiste Bastien-Thiry, c’est aussi à la mairie (PS) de Paris, auprès de laquelle les deux archivistes furent détachés, que Brigitte Lainé doit la prolongation du mauvais cas qui lui est fait.