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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024

Nicolas Sarkozy endosse la vision des pieds noirs extrémistes

La lettre de Nicolas Sarkozy adressée le 16 avril dernier au président du Comité de liaison des associations nationales de rapatriés (CLAN-R) provoque de vives réactions, notamment en Algérie. L'entourage du candidat à l'élection présidentielle tente d'apaiser la polémique, sans toutefois revenir sur le contenu de cette lettre. Vous trouverez ci-dessous successivement un article du Monde daté du 21 avril, la réaction d'El Watan du 21 avril, l'article du Monde daté du 22 avril, et, pour terminer, un extrait de l'entretien avec le premier ministre algérien publié dans Le Monde du 4 mai 2007.
[Première publication le 20 avril, mise à jour le 3 mai 2007]

Le candidat de l’UMP veut réhabiliter les rapatriés d’Algérie

par Laetitia Van Eeckhout, Le Monde du 21 avril 2007

Une lettre adressée le 16 avril par Nicolas Sarkozy au président du Comité de liaison des associations de rapatriés (CLAN-R), Denis Fadda, circule depuis deux jours dans le milieu pied-noir. Le candidat y redit son «engagement de ne jamais sombrer dans la démagogie de la repentance» : «Si la France a une dette morale, c’est d’abord envers» les Français d’Algérie rapatriés. Le 31 mars, devant des représentants de la communauté harkie, M. Sarkozy s’était engagé à «reconnaître officiellement la responsabilité de la France dans l’abandon et le massacre de harkis», en 19621.

Dans sa lettre aux rapatriés, M. Sarkozy «souhaite que les victimes françaises innocentes de cette guerre, jusqu’à l’indépendance, et, tout particulièrement, les victimes du 26 mars 1962 (l’armée française a tiré sur une manifestation organisée par l’OAS à Alger, faisant 56 morts), se voient reconnaître la qualité de « morts pour la France » et que leurs noms figurent sur une stèle officielle afin que personne n’oublie ces épisodes douloureux». Il semble ainsi ne retenir que les morts européens. «Il y a pourtant eu entre 300 000 et 400 000 morts du côté algérien», rappelle l’historien Benjamin Stora.

Dans ce courrier, M. Sarkozy rouvre le dossier de l’indemnisation des rapatriés clos par Jacques Chirac en 1987. Il s’engage à créer une commission indépendante devant établir «précisément un état des lieux sur l’ensemble des dossiers concernant les rapatriés, notamment sur les taux d’indemnisation, le désendettement, les retraités et toutes les situations spécifiques qui n’ont pas été réglées». Elle devrait faire des propositions avant la fin 2007, afin que des mesures soient budgétées dès 2008.

En s’engageant auprès des rapatriés, «par respect», à ce que la date officielle de la commémoration des morts de la guerre d’Algérie ne soit pas le 19 mars, «celle, dit-il, d’un cessez-le-feu, qui, de surcroît, n’a pas été respecté», le candidat écarte l’idée d’un travail historique commun entre Français et Algériens. «Nous devons aujourd’hui construire ensemble l’avenir, sans repentance, sans réécrire notre histoire avec l’Algérie», affirme-t-il.

«Cinquante ans plus tard, écarter toute possibilité que des historiens français et algériens puissent travailler ensemble, c’est soutenir qu’aucun compromis n’est possible. On ne peut pas demander aux Algériens de reconnaître leurs exactions alors que nous n’en reconnaissons aucune dans notre histoire officielle !», s’indigne M. Stora, qui a ouvert la voie d’un travail commun avec l’historien Mohammed Harbi en 1984. «M. Sarkozy endosse la vision nostalgique de la colonisation, des pieds-noirs extrémistes, et fait ainsi resurgir l’article 4 de la loi du 23 février sur les aspects positifs de la colonisation qui a pourtant suscité une vive polémique», s’alarme Gilles Manceron de la Ligue des droits de l’homme.

PAS DE TRAITÉ AVEC ALGER

M. Sarkozy rejette aussi toute idée de traité avec l’Algérie. Quelques jours avant sa visite à Alger en novembre 2005, il avait déjà déclaré que «l’amitié n’avait pas besoin d’être gravée dans le marbre d’un traité». Il écarte aujourd’hui toute relance de ce projet de traité voulu par M. Chirac puis abandonné après la polémique sur l’amendement consacrant le «rôle positif de la colonisation».

Le candidat assure néanmoins tenir «à l’amitié franco-algérienne», mais il s’agit surtout pour lui d’établir des liens économiques : «L’Algérie a d’immenses ressources énergiques. La France maîtrise les technologies de l’électricité nucléaire. Nous devons trouver là les bases d’une coopération équitable», insiste-t-il. Pour M. Stora, ce rejet d’un traité d’amitié franco-algérien équivaut à «une déclaration de guerre envers l’Algérie».

Laetitia Van Eeckhout

Surenchère à la veille de l’élection présidentielle en France : Sarkozy veut réhabiliter l’OAS

par Adlène Meddi, El Watan du 21 avril 2007

Nicolas Sarkozy, candidat de la droite à l’élection présidentielle française qui se déroulera demain, a adressé une lettre qui suscite la polémique au président du Clan – Comité de liaison des associations nationales de rapatriés (pieds-noirs d’Algérie, organisation non représentative).

Dans sa lettre de réponse à la liste de revendications que le Clan lui avait fait parvenir au nom d’un collectif d’associations de rapatriés harkis et pieds-noirs, le candidat de l’UMP Sarkozy tente de rejouer la tactique de la « drague » envers les milieux les plus rétrogrades issus de l’extrême droite dans les milieux pieds-noirs. Pour le candidat Sarkozy, il n’est plus question du traité d’amitié, promettant monts et merveilles aux « rapatriés d’Algérie », usant d’une rhétorique nostalgique et électorale. Les réactions en France n’ont pas tardé. La Ligue des droits de l’homme française (LDH) a condamné ces propos, évoquant « l’arrogance » de Sarkozy qui, dans ses propos, veut réhabiliter l’organisation terroriste OAS et « passer sous silence les autres victimes, qu’elles soient françaises ou algériennes, notamment les 2400 victimes civiles et militaires attribuées à l’OAS ». Pour la LDH, « revenir à la vision unilatérale et partiale de la guerre d’Algérie qui est sous-jacente à cette lettre » n’est qu’une manière de « réécrire l’histoire » de la France « pour complaire à une poignée de nostalgiques et d’affirmer un réel mépris à l’égard de toutes les autres mémoires ». Pour la Ligue des droits de l’homme française, il reste difficile d’imaginer qu’un candidat à la présidence de la France puisse – notamment dans le cadre de ses fonctions gouvernementales – intervenir, comme il le dit dans sa lettre, dans le fonctionnement de la Commission nationale de désendettement des rapatriés (CNAIR) pour en suspendre les travaux le temps de la campagne. Pour Sarkozy, la pêche dans les eaux troubles de l’extrême droite n’a aucune limite. Cette lettre qu’El Watan reproduit le prouve amplement.

Adlène Meddi

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France-Algérie : pour M. Sarkozy, «les actes comptent plus que les mots»

par Laetitia Van Eeckhout, Le Monde du 22 avril 2007

Dans un courrier du 16 avril au Comité de liaison des associations de rapatriés, CLAN-R (voir le Monde du 21 avril 2007), Nicolas Sarkozy avait affirmé n’être «pas favorable à un traité d’amitié avec l’Algérie». Mais son entourage tient à souligner qu’il a été, comme ministre de l’intérieur, «celui qui a le plus fait pour la réconciliation, après Chirac».

Dans sa lettre, M. Sarkozy indiquait que «les actes comptent plus que les mots». En témoigne, selon David Martinon, son conseiller diplomatique, le «geste significatif» que l’ex-ministre a fait en convainquant ses homologues européens de lever la consultation communautaire préalable sur les visas Schengen pour les Algériens. «C’est lui aussi qui a parlé d’un accord franco-algérien sur l’énergie nucléaire», ajoute M. Martinon. Il relève que le voyage en Algérie de M. Sarkozy en novembre 2005, qui «s’est pourtant tenu dans un contexte délicat, n’a été critiqué ni par les harkis, ni par les rapatriés, ni par les Algériens».

L’entourage du candidat UMP se défend de vouloir écarter toute idée d’un travail commun entre historiens français et algériens. «Nous devons aujourd’hui construire ensemble l’avenir, sans repentance, sans réécrire notre histoire avec l’Algérie», affirme le candidat dans son courrier à l’attention des rapatriés. «Pour Nicolas Sarkozy, il faut construire l’avenir sans réécrire l’histoire sur le sujet algérien», justifie M. Martinon, rappelant que M. Sarkozy «a été le premier à appeler les Turcs à mettre en place une commission mixte composée d’Arméniens et de Turcs» sur le génocide arménien.

Benjamin Stora, engagé aux côtés de Ségolène Royal, a atténué ses premières déclarations suscitées par ce courrier. Cet historien, spécialiste du Maghreb, indique qu’il est «essentiel de trouver un compromis mémoriel». Il ajoute : «Et si nous voulons parvenir à ce compromis, il faut prendre en compte la souffrance de l’autre.»

Laetitia Van Eeckhout

Abdelaziz Belkhadem : il faut se démarquer des crimes de la France coloniale

[Extraits d’un entretien avec le premier ministre algérien

publié dans Le Monde daté du 4 mai 2007.]
  • Comme tous les Algériens, vous devez suivre l’élection présidentielle française.

On ne peut pas être indifférent à ce qui se passe en France, même si nos relations sont des relations d’Etat à Etat.

  • Nicolas Sarkozy a dit qu’il voulait « tourner le dos à la repentance »…

Il veut aussi réhabiliter l’OAS (Organisation de l’armée secrète). L’OAS était une organisation criminelle, une organisation terroriste du même type qu’Al-Qaida aujourd’hui. Elle a été le précurseur d’Al-Qaida, d’une certaine façon.

  • Le thème de la colonisation française n’est plus évoqué par les responsables algériens. Pourquoi ?

Nous gardons en mémoire tout ce qui a été dit en France. Nous n’avons rien oublié et, pour nous, on ne peut pas parler d' »aspect positif » de la colonisation. Prétendre le contraire, c’est dire des insanités. Il ne sert à rien d’en rajouter. Les Français sont libres de mener la politique qu’ils souhaitent. Mais que l’on ne compte pas sur nous pour nous taire dès lors qu’il s’agit de porter un jugement sur une tragédie que nous avons vécue. Nous ne pouvons pas rester silencieux.

  • Le traité d’amitié entre la France et l’Algérie est-il mort et enterré ?

Nous souhaitons toujours sa signature, mais il faut se démarquer des crimes de la France coloniale. En Algérie, où la colonisation a été une colonisation de peuplement, nous avons eu une tentative de dénaturation de tout un peuple. Lors de la célébration du centième anniversaire de la conquête de l’Algérie, on parlait d’une « Algérie chrétienne ». Vous savez, moi, étant enfant, j’ai appris l’arabe comme langue étrangère… La colonisation a été abominable. On ne peut pas se contenter de gestes symboliques pour la condamner. Il faut que ce soit écrit noir sur blanc. Parce qu’un écrit, cela reste.

[Propos recueillis par Jean-Pierre Tuquoi.]

  1. Voir notre article 1986.
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