Lettre ouverte au Président de la République
Paris, le 31 octobre 2012
Monsieur le Président,
Vous vous apprêtez à recevoir, pour une visite officielle, le Premier ministre israélien.
La Ligue des droits de l’Homme admet, bien évidemment, que pour arriver à une paix entre Israéliens et Palestiniens il faille discuter avec toutes les parties. Dans ce cadre, elle souhaite vivement que vous puissiez rappeler à monsieur Netanyahu toutes les violations des droits de l’Homme et du droit international, dont son gouvernement se rend coupable.
Concernant la colonisation, qui est un des principaux obstacles à la paix, nous vous invitons à lui rappeler, pour le moins, les termes vifs du communiqué du 19 octobre dernier de votre ministère des Affaires étrangères : « La France condamne l’approbation donnée par le ministère de l’Intérieur israélien à la
construction de huit cents nouveaux logements dans la colonie de Gilo à Jérusalem-Est. … La France rappelle que la colonisation israélienne, sous toutes ses formes, est illégale au regard du droit international, qu’elle nuit au rétablissement de la confiance entre les parties et qu’elle constitue un
obstacle à une paix juste fondée sur la solution des deux Etats… »
Concernant le blocus de la bande de Gaza, que le gouvernement de M. Netanyahu maintient depuis déjà cinq ans, nous vous invitons à lui rappeler que dans la mesure où il s’applique à l’ensemble des habitants pour des crimes qu’ils n’ont pas personnellement commis, il constitue une « punition collective »,
violation flagrante du droit international humanitaire, dont le respect s’impose pourtant à Israël. En tant que candidat, vous vous étiez engagé à obtenir d’Israël « des mesures d’allégement » afin d’aboutir « à la levée du blocus », nous ne doutons pas que cette visite vous permettra d’agir dans ce sens.
Concernant les prisonniers palestiniens, nous vous invitons à lui rappeler que les termes de l’accord conclu pour mettre fin à la grève de la faim de milliers d’entre eux, n’ont pas été tenus au risque d’entrainer une nouvelle grève, que des allégations de tortures sont dénoncées par plusieurs ONG israéliennes. La
détention administrative est depuis toujours utilisée comme moyen de répression profondément injuste et contraire au droit international. De même, plus de deux cents enfants sont actuellement détenus et jugés dans des conditions contraires à la Convention internationale des droits de l’Enfant, pourtant ratifiée par Israël.
Concernant les Bédouins du Néguev, qui sont citoyens israéliens, nous vous invitons à lui rappeler qu’un plan de récupération de leurs terres est en cours de réalisation, tentant de les chasser de leurs terres et détruisant des villages « non reconnus ». Le plan Prawer prévoit le déplacement de 70 000 Bédouins.
Concernant les ONG israéliennes, nous vous invitons à lui faire observer que des lois récentes (loi relative au financement étranger et loi anti-boycott) menacent sérieusement leur liberté d’expression et d’association, ce qui est tout à fait contraire au fonctionnement démocratique d’un Etat.
Enfin, nous souhaitons que, concernant la probable et prochaine demande de l’OLP de reconnaissance de la Palestine comme Etat non-membre de l’ONU, vous rappeliez à M. Netanyahu les termes de votre (59e) engagement de campagne : « … Je prendrai des initiatives pour favoriser, par de nouvelles négociations, la paix et la sécurité entre Israël et la Palestine. Je soutiendrai la reconnaissance internationale de l’État palestinien. »
La Ligue des droits de l’Homme sera très attentive aux résultats de vos entretiens.
Vous comprendrez, Monsieur le Président de la République, que je rende publique cette lettre.
Recevez, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma haute considération.
Président de la Ligue des droits de l’Homme
Copie à Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères.