Avec l’historien Fabrice Riceputi, spécialiste de la guerre d’Algérie et auteur d’un livre récent sur le sujet (publié aux éditions du Passager clandestin), on fait le point dans ce nouvel épisode sur la question de la torture en Algérie et de la participation à Jean-Marie Le Pen à la grande répression d’Alger en 1957. Cela nous permet de revenir sur la question des rapports entre colonialisme et fascisme. Dans le contexte français, si le projet colonial fut porté tout aussi bien par la « gauche » républicaine que par la droite, la renaissance de l’extrême droite après la Seconde Guerre mondiale doit beaucoup aux guerres coloniales (en Indochine et en Algérie). Non seulement de nombreux militants néofascistes s’y engagèrent, y faisant leurs premières armes au sens littéral du terme, mais cela permit également à ces courants compromis dans la collaboration avec l’occupant nazi d’apparaître à nouveau publiquement autour d’une cause considérée alors comme juste par de larges pans de la population : la défense de l’Empire. Cela les amena en outre à substituer progressivement le nouvel ennemi – le mouvement indépendantiste algérien, et à travers lui les populations arabes – au groupe qui avait constitué si longtemps la cible par excellence des extrêmes droites européennes : les juifs. Si Jean-Marie Le Pen joua un rôle absolument mineur dans la guerre d’Algérie, il est au cœur de cette histoire parce qu’il est le dirigeant politique qui, dans le champ politique français postérieur à la guerre, va donner à nouveau une expression politique spécifique, systématique et assumée à un racisme – anti-Arabes mais aussi négrophobe, et un peu plus tard islamophobe – consubstantiel à la domination coloniale et structurel dans la société française. Comprendre et combattre l’extrême droite suppose ainsi nécessairement de prendre au sérieux et d’affronter le colonialisme.
Minuit dans le siècle
Par Ugo Palheta
Chaque mois, Ugo Palheta décortique le fascisme, non par fascination morbide pour les pires tendances de notre monde, mais pour regarder en face le danger, sans jamais séparer cette exploration de la lutte pour un autre monde. Dans « Minuit dans le siècle », on parle donc des origines du fascisme et de ses transformations, des rapports entre fascisme et police, entre fascisme et racisme ou entre fascisme et colonialisme, de la culture fasciste et des États fascistes, de la manière dont les fascistes investissent aujourd’hui le terrain de l’écologie. On explorera aussi des insurrections antifascistes du passé, des luttes qui sont menées ici et maintenant, des stratégies qui ont été et sont mises en œuvre par les mouvements antifascistes, des succès comme des échecs. « Minuit dans le siècle » est un podcast produit pour Spectre.