4 000 articles et documents

Rechercher
Fermer ce champ de recherche.
Édition du 1er juillet au 15 juillet 2024

Michel Levallois, Jean-Marie Tjibaou et le manquement récurrent de l’Etat français à ses engagements envers les Kanak

Le haut fonctionnaire Michel Levallois fut, dès les années 1980, le témoin des manquements de l'Etat français à sa parole donnée aux Kanak.

Geneviève et Marie-Pierre Levallois nous rappellent dans ce texte qu’elles nous ont envoyé le rôle joué dès les années 1970 par le haut fonctionnaire Michel Levallois (1934 – 2018) dans la recherche d’une décolonisation pacifique de la Kanaky Nouvelle Calédonie. Un « long cheminement »d’un demi-siècle qu’il exposa dans le livre De la Nouvelle-Calédonie à Kanaky, au cœur d’une décolonisation inachevée, paru en 2018 aux Editions Vents d’Ailleurs. Il s’élevait contre le manquement récurrent de l’Etat français à sa parole donnée. A propos de la politique menée peu avant le drame d’Ouvéa en 1988 par Jacques Chirac, Levallois écrivait : « Le “parti colonial” habillé des couleurs nationales a réussi à convaincre le gouvernement de la France de lui laisser mener sa propre politique au mépris des engagements pris par le gouvernement précédent auprès des leaders indépendantistes ». Ce qui pourrait parfaitement décrire la politique menée de nouveau aujourd’hui par Emmanuel Macron et son gouvernement vis à vis de l’Archipel.



 Michel Levallois et la Nouvelle-Calédonie Kanaky 

par Geneviève Levallois, avec la collaboration de Marie-Pierre Levallois, pour histoirecoloniale.net 

Michel Levallois (1934-2018), ancien élève de l’Ecole de la France d’Outre-Mer puis intégré dans le corps préfectoral, fut nommé Secrétaire général de la Nouvelle-Calédonie en 1970, en plein « boom » du nickel. 

Deux ans plus tard, la fièvre est retombée, Michel Levallois peut lâcher les dossiers administratifs pour s’attacher à comprendre l’histoire de ce Territoire et des hommes qui le peuplent. Ce sera le début d’un long cheminement qui durera un demi-siècle et dont il fera le récit dans le livre, De la Nouvelle-Calédonie à Kanaky, au cœur d’une décolonisation inachevée, paru en 2018 aux Editions Vents d’Ailleurs. Pour la deuxième fois dans l’histoire de la Calédonie depuis 1946, le « parti colonial » habillé des couleurs nationales a réussi à convaincre le gouvernement de la France de lui laisser mener sa propre politique au mépris des engagements pris par le gouvernement précédent auprès des leaders indépendantistes

Voici ce que Michel Levallois écrit dans l’avant-propos (p. 15) : 

« Lorsque je fis la connaissance de Yéwéné Yéwéné puis de Jean-Marie Tjibaou, une entreprise singulière commença : travailler de concert, de leur point de vue, à rendre à leur peuple sa dignité et sa souveraineté sur sa terre et le contrôle sur son avenir et, de mon point de vue de représentant de l’Etat, à mettre fin à une situation inacceptable en regard des principes et des valeurs de la République, une situation pleine de dangers pour la paix civile et les intérêts bien compris de la France dans le Pacifique. »

Nous sommes à la fin de l’année 1971. 

Quelles qu’aient été les tentatives des gouvernements qui se sont succédé, les avancées et les reculs successifs ont échoué à reconnaître aux premiers occupants de l’Ile ce droit à la souveraineté ». 

Michel Levallois notait en 1986 (p. 298) : 

« Le gouvernement fait confiance au RPCR (émanation locale du RPR de Jacques Chirac, parti opposé à l’indépendance du « caillou ») pour gérer l’autonomie rendue au Territoire (allusion au statut Pisani-Fabius, 1986). Il ne lui ménagera ni les crédits, ni les forces de l’ordre pour mener une politique qui nie la revendication indépendantiste, qui ignore le peuple Kanak, qui consolidera les séquelles coloniales de la société calédonienne. Pour la deuxième fois dans l’histoire de la Calédonie depuis 1946, le « parti colonial » habillé des couleurs nationales a réussi à convaincre le gouvernement de la France de lui laisser mener sa propre politique au mépris des engagements pris par le gouvernement précédent auprès des leaders indépendantistes. »

N’est-ce pas un retour vers cette politique funeste à laquelle nous assistons  en ce moment ? 

La date du 3ème référendum prévu en 2022 fut avancée à la fin de l’année 2021 par Emmanuel Macron qui voulait éviter un risque de confusion avec la campagne présidentielle de mai 2022. 

Mais les Kanak, qui vivaient alors une éprouvante période de deuil provoquée par l’épidémie de Covid qui les avait touchés en majorité, ont demandé le report du scrutin. Le gouvernement n’ayant pas voulu les entendre, ils décidèrent le boycott du scrutin. Le résultat sorti des urnes permit au gouvernement de conclure que les trois référendum avaient acté la fin du processus des accords de Nouméa, et confirmé que la Calédonie était définitivement française. 

Voici comment s’achève ce livre (p. 514) : 

« La solution de l’indépendance-association ou de l’Etat associé qui est à la base de la revendication Kanak depuis plus de trente ans, qui a été esquissée par Pisani il y a 20 ans bute toujours sur les mêmes obstacles : la définition du corps électoral qui prend en compte les immigrés des années 1970, la nationalité des Européens dans le nouvel Etat. Pourquoi cette incapacité du gouvernement de mettre les acteurs locaux devant leur responsabilité c’est-à-dire la préparation d’un Etat associé à la France ? » 

N’est-ce pas un mauvais remake auquel nous assistons ? 

Les 500 pages de ce livre présentent les hommes, détaillent les étapes, les tentatives, les épisodes, les drames qui ont jalonné l’histoire de ce qui aurait du être la décolonisation de ce Territoire. Les évènements dramatiques vécus depuis trois semaines, principalement à Nouméa, sont l’illustration cruelle du manque récurrent de respect, vis-à-vis des Kanak, de la parole qui avait été donnée par plusieurs gouvernements français depuis les accords de Matignon de 1988.  

Facebook
Twitter
Email