La commémoration en 2021
des événements des 23 et 24 juillet 1961 à Metz
La commémoration des évènements des 23 et 24 juillet 1961 à Metz a été portée en 2021 par un collectif : le collectif juillet 61. Elle a commencé avec un débat en conseil municipal suite à une demande de subvention du collectif et à la demande d’autorisation de la pose d’une plaque commémorant les évènement de 1961 à Metz.
Le lien vers la vidéo du débat au conseil municipal
L’intervention au conseil municipal de Denis Marchetti,
membre de la Ligue des droits de l’homme
Je souhaite tout d’abord rappeler les travaux historiques sur le sujet, de Lucas Hardt notamment ; son travail de thèse sur les migrants algériens en Lorraine a été dirigé par Raphaëlle Branche, historienne extrêmement reconnue de la guerre d’Algérie, présidente de l’association des historiens contemporanéistes, qui sera présente à Metz le 24 juillet aux Récollets. Le collectif Juillet 1961 n’instrumentalise pas l’histoire, il donne la parole aux historiens pour la faire connaître de tous, c’est tout ; et en même temps, on le voit, c’est déjà considérable ; un positionnement inverse, sous prétexte de « ne pas rouvrir les plaies », serait incompréhensible et plus proche du refoulement ou de l’aveuglement que d’un véritable travail d’histoire, condition sine qua non d’un apaisement des mémoires de la guerre d’Algérie. C’est le positionnement du RN, certes, qui assume de ne pas faire de l’histoire une science et de lui préférer un « roman national », qui occulte les pages sombres de l’histoire de France ; mais précisément, ce serait du roman, pas de l’histoire. Et précisément, notre responsabilité aujourd’hui est bien de regarder en face cette histoire, toute cette histoire, et donc aussi ses pages sombres. Le travail de ce collectif est profitable à tous, il serait incompréhensible de dire qu’il ne s’adresse qu’à une branche de la population ; l’histoire d’une ratonnade, qui plus est qui a eu lieu dans notre ville, est une histoire qui a vocation à être enseignée partout et au plus de monde possible ; c’est là aussi le vrai sens et le but de tout travail de mémoire. Et j’insiste pour dire ici l’importance absolue de ce travail, inlassable, exigeant, mené dans un esprit constructif, à l’heure où la France va entrer dans une année si particulière où nous aurons, entre autres, la commémoration d’octobre 1961, celle de Charonne et celle des accords d’Evian. Un mot donc, enfin, pour souhaiter que le plus de monde possible s’associe au travail de ce collectif et pour espérer que vous serez nombreux présents, Monsieur le Maire et mesdames et messieurs les conseillers, lors de la pose de la stèle sur le pont Saint-Georges à la mémoire des victimes de la nuit du 23 au 24 juillet 1961. Cet échange a donné lieu à un premier article dans la presse locale, paru le 11 juillet dans le Républicain lorrain, qu’on trouvera ci-dessous. Le 23 juillet, malgré le refus du maire d’apposer une plaque commémorative, une plaque provisoire a été installée.

La vidéo de la commémoration au pont Saint Georges
Un reportage de France 3 Lorraine
Montigny-lès-Metz Il y a soixante ans,
la « nuit des paras » faisait quatre morts

Elle avait 14 ans et vivait à Metz. Ce soir du 23 juillet 1961, après un repas chez une tante, Huguette Thomas rentre chez elle accompagnée de ses parents. Arrivée à hauteur du temple protestant de Montigny-lès-Metz, une fusillade éclate soudainement devant le Trianon, un dancing situé rue de Pont-à-Mousson. En un geste rapide, son père la met à l’abri avec sa mère. « Les tirs ont duré une éternité », se rappelle Huguette Thomas. « Ça n’arrêtait pas, et on voyait tout à quelques mètres seulement. » L’émotion est encore vive chez la femme de 74 ans. « Je me souviens du bruit et de la panique… »
Une gerbe en hommage aux victimes
Ce vendredi, elle a fait le déplacement pour la cérémonie organisée par le Collectif Juillet 61, à l’occasion des soixante ans de cette nuit tragique, nommée « nuit des paras ». Aux côtés de Selima Saadi, ex-conseillère départementale, qui porte l’association depuis 2016, Huguette Thomas a déposé une gerbe en hommage aux victimes, au pied de l’ancien Trianon.
« Ne pas oublier »
« C’est important de ne pas oublier ce qu’il s’est passé ce jour-là », estime Yvon Schleret, membre actif du collectif. « Nous poursuivons un travail de mémoire et de recherche historique, pour comprendre les événements, mais aussi les dépasser. » Car l’association veut surtout « aller de l’avant. C’est un sujet toujours sensible, nous ne voulons pas rester dans la polémique même si de nombreuses zones d’ombre demeurent. On ne saura jamais précisément ce qu’il s’est passé ». Au dernier conseil municipal en date du 8 juillet , François Grosdidier, le maire de Metz, a accordé une subvention au collectif pour son travail de mémoire. Dans le même temps, il a refusé la demande de la pose d’une stèle sur le pont Saint-Georges en hommage aux victimes, pointant « des doutes sur l’impartialité du collectif ». Afin de poursuivre ce soixantième anniversaire, une rencontre avec l’historienne Raphaëlle Branche autour de son livre Papa qu’as-tu fait en Algérie ? aura lieu au cloître des Récollets.Metz, cet autre théâtre de la guerre d’Algérie

Dans la nuit du 23 au 24 juillet 1961, deux militaires sont tués par des Algériens lors d’une rixe. 300 parachutistes pro-Algérie française lancent, en représailles, une expédition punitive, la « Nuit des paras ». Un collectif mène un travail de mémoire et de dialogue.

Dans la presse algérienne :
Metz : La nuit des paras

Dans la série massacres colonialistes oubliés, après celui du 14 juillet 1953, traité ici la semaine dernière, voici un autre épisode, lorrain celui-ci, du prix payé par l’émigration algérienne à l’indépendance du pays.

Un bilan officiel fallacieux
Bilan officiel de la nuit du 23 établi par la gendarmerie : 4 morts dont 2 paras, « un civil français », le barman du dancing, « un FSNA », « Français de souche nord-africaine », 28 blessés (8 paras, 17 « FSNA, 3 « civils »). On remarque que le bilan officiel différencie « civils » ou « civils français » et « FSNA » ou bien Nord-Africains, les Algériens étant exclus de la catégorie des civils ! Ce bilan sera largement critiqué par la Fédération mosellane de la Ligue des droits de l’Homme pour qui la réalité serait plus proche de 80 à 100 blessés algériens, bon nombre d’entre eux se méfiant des hôpitaux. Voici comment toute une nuit, la ville de Metz était devenue une zone de non-droit pour tout Algérien et un terrain de chasse à l’homme pour les militaires sans que les forces de l’ordre interviennent. Les logiques de la guerre coloniale étaient bien à l’œuvre. La conséquence immédiate fut la création de deux zones de protection interdites aux paras et des quartiers assignés aux Algériens. Soixante ans après, le souvenir est là, la mémoire ressent le besoin d’exhumer ces contusions, pour un meilleur vivre-ensemble mais aussi pour évaluer le prix payé pour la liberté. En ce qui nous concerne, ce qui importe, c’est encore de se souvenir des sacrifices consentis par l’émigration algérienne pour l’indépendance de l’Algérie. La furie raciste des paras de Metz a été, bien entendu, suscitée et décuplée par le fait que le régiment, connu pour ses sympathies ultras, ne supportait pas la présence des Algériens, indépendantistes de surcroît.Juillet 1961 : quand la Ligue des droits de l’homme de Moselle
dénonçait les « ratonnades » commises par les parachutistes
Comme notre site l’a signalé en annonçant le 10 juillet 2021 cette commémoration, parmi les associations messines qui ont immédiatement réagi à la violence de la « nuit des paras » des 23 et 24 juillet 1961 figure la Ligue des droits de l’homme mosellane qui a publié de nombreux communiqués à son sujet. Elle a évalué à 80 à 100 blessés algériens le nombre des victimes de ces exactions, dont la plupart d’entre eux ont refusé une hospitalisation dont il se méfiaient. Elle a informé le président national de la LDH, Daniel Mayer, pour qu’elle dénonce cette transposition sur le sol français d’une violence dont certaines unités de l’armée française faisaient preuve couramment contre la population civile en Algérie. Elle a demandé à être reçue par le préfet de Moselle et a écrit au président du Sénat, Gaston Monnerville. La presse locale (Le Républicain lorrain et L’Est républicain) ainsi que la presse nationale (Le Monde, Libération, notamment) ont fait écho à ses prises de position. Avec elle, les syndicats enseignants ont dénoncé la violence des parachutistes, ont soutenu le droit à l’indépendance du peuple algérien et demandé le châtiment des coupables. En 1992, quand Gilles Manceron a été chargé par la Ligue de l’enseignement d’organiser un colloque pour le trentième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie sur le thème « Mémoire et enseignement de la guerre d’Algérie », dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne et à l’Institut du monde arabe à Paris, des militants de la LDH de Moselle qui avaient participé aux protestations en juillet 1961 et étaient toujours actifs dans cette association ont rassemblé les articles et les prises de position de l’époque. Ces militants, notamment Jean Darroy et Emile Reiland, ont constitué un dossier avec ces documents de l’époque et le lui ont confié. Gilles Manceron en a fait état en 1993 dans le livre qu’il a co-écrit avec l’universitaire algérien Hassan Remaoun, D’une rive à l’autre, la guerre d’Algérie de la mémoire à l’histoire (Syros, 1993), et les a communiqués par la suite au chercheur allemand Lucas Hardt, qui a soutenu en 2016 une thèse intitulée Les migrants algériens en zone frontalière lorraine (1945-1962), sous la direction de l’historienne Raphaëlle Branche. Lucas Hardt a aussi publié, dans la revue Histoire@Politique, n° 32, mai-août 2017, un article intitulé, « Quand les soldats de l’Algérie française arrivaient en Lorraine. Le 1er régiment de chasseurs parachutistes (RCP) et la traque parachutiste de Metz ». Nous publions ci-dessous le lien vers les principaux éléments de ce dossier. Lucas Hardt, qui a dirigé le groupe de travail Espaces et violences au centre Marc-Bloch de Berlin, est maintenant enseignant-chercheur à l’université de Hagen, près de Dortmund. Dans le cadre du soixantenaire de cet évènement tragique, Raphaëlle Branche a donné le 24 juillet 2021 à Metz une conférence autour de son livre Papa, qu’as-tu fait en Algérie ? (La Découverte, 2020), dans la salle capitulaire des Récollets, dont nous reproduisons ci-dessous une captation bénévole.
[/histoirecoloniale.net/]

dossier de la ldh de moselle sur la nuit des paras de metz des 23 24 juillet 1961
Le 24 juillet, la conférence dialogue avec Raphaëlle Branche
autour de son livre Papa, qu’as-tu fait en Algérie ?
