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Édition du 15 novembre au 1er décembre 2024
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Maryse Joissains “défend les valeurs de Marine Le Pen”

Maryse Joissains-Masini, qui siège à l'Assemblée nationale depuis 2002 sur les bancs de l'UMP, est candidate à sa succession dans la 14e circonscription des Bouches-du-Rhône. La municipalité d'Aix-en-Provence qu'elle dirige depuis 2009 vient de se faire remarquer en annulant successivement une série d'événements culturels consacrés à l'Algérie, puis une importante exposition sur Albert Camus. Au-delà de ces actes de censure condamnés par la section d'Aix de la LDH, Maryse Joissains s'est signalée par des déclarations fracassantes dès le lendemain de l'élection présidentielle de 2012 : «Même si François Hollande est proclamé président de la République, je ne pense pas qu’il soit légitime [...]. Par voie de conséquence, je ne me sens pas liée par ce président de la République, que je considère illégitime2». Quelques jours plus tard, elle devait confirmer son orientation politique : « Les valeurs qu'a Marine Le Pen, je les ai toujours défendues3». Ces déclarations confirment une dérive vers l'extrême droite. Comment pourrait-on justifier aujourd'hui le vote pour une candidate qui récuse les autorités légitimes, et qui est soutenue par l'ancienne majorité tout en défendant les options du FN ?

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Communiqué de la section d’Aix-en-Provence de la LDH

Cela s’appelle la censure !

La section d’Aix-en-Provence de la Ligue des Droits de l’Homme dénonce la censure exercée par la municipalité d’Aix-en-Provence sur les acteurs culturels de la ville à des fins de racolage électoral

2012 est le cinquantenaire de la fin de la guerre d’Algérie. Comme dans d’autres villes de France, à Aix-en-Provence aurait dû se dérouler fin mars une manifestation rappelant le passé de notre relation à l’Algérie et interrogeant le présent de ce pays. Une manifestation d’ampleur à laquelle étaient associés des acteurs culturels aixois de premier plan : La Cité du Livre, l’Institut de l’Image,
Les Ecritures Croisées, le Cobiac (Collectif de bibliothécaires et intervenants en action culturelle). Au programme, deux soirées de cinéma, de littérature, de témoignages et de débats avec des invités des deux rives de la Méditerranée.

Mais avec Maryse Joissains à sa tête, Aix-en-Provence n’est plus une ville comme les autres, la presse nationale s’en fait quotidiennement l’écho.

Alors que l’organisation programmatique et matérielle de ces journées était achevée, Patricia Larnaudie, adjointe à la culture, déléguée auprès de la Cité du Livre, faisait savoir que la programmation n’était pas validée par la municipalité ; la conséquence en fut l’annulation de la manifestation. L’explication devait venir deux mois plus tard de Maryse Joissains elle-même.
« Cette manifestation aurait pu porter atteinte à l’ordre public parce qu’elle était très pro-algérienne et que la mémoire sur ces événements n’est pas tout à fait apaisée. » (La Provence du 22 mai 2012)

Cette décision et sa justification appellent deux réactions.

Sur le plan culturel d’abord. Il faut bien mal connaître les personnalités qui devaient participer à cette célébration, et il faut bien mal connaître leurs oeuvres pour les qualifier de « pro-algériennes ». Qui oserait prétendre que le film de Tariq Teguia qui était programmé est un film pro-algérien? Comment la table ronde prévue sur le thème « 50 ans après l’indépendance, l’Algérie..? » aurait-elle pu être candidement « pro-algérienne »? Est-ce la projection du film de Pontecorvo La Bataille d’Alger qu’il s’agissait d’interdire? La décision de la majorité municipale d’Aix relève de l’inculture et du schématisme simpliste.

Mais cette décision révèle surtout le cynisme politique de nos édiles. Troubles à l’ordre public? Maryse Joissains pense donc que des foules de nostalgiques de l’Algérie française seraient venues perturber cette manifestation? Au besoin les y aurait-elle encouragées? Elle qui a assimilé l’anniversaire du 50ème anniversaire des accords d’Evian à « l’anniversaire de l’abdication de la
France face à une poignée de rebelles »
. En tous les cas ce message envoyé à l’extrême droite aixoise, et qui s’ajoute à beaucoup d’autres, est clair : rien ne sépare Maryse Joissains d’un candidat du Front National.

Les fins de guerre méritent d’être célébrées par tous. La fin de la guerre d’Algérie est inscrite dans la mémoire de millions de français et d’algériens. La mémoire de la fin des combats tout simplement ; celle, exaltée, d’un peuple accédant à l’indépendance ; celle de la fin du colonialisme français. Mais aussi la mémoire des souffrances et des tortures ; celle des vies perdues au combat
ou dans les attentats ; celle des vies défaites par l’arrachement brutal du sol natal.

« La mémoire de l’Algérie est pour nous traumatisante. Le propre des mémoires est d’être plurielles, contradictoires ». (Régis Debray, Colloque L’Algérie et la France au XXIème siècle, 17 décembre 2011, Assemblée Nationale-Paris).

Si « la mémoire de ces événements n’est pas tout à fait apaisée » comme le pense M. Joissains, ce sont les vérités de l’histoire et le dialogue entre les hommes qui peuvent éclairer les jugements et engendrer l’apaisement. Pas la censure.

Aix-en-Provence, le 5 juin 2012

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Maryse : j’ai toujours défendu les valeurs de Marine

Marine : Maryse est sincère

Collusion entre droite et extrême-droite aixoises aux législatives : mythe ou réalité ?

par Alexandra Ducamp et Nicolas Rey, La Provence, le 28 mai 2012

La gauche dénonce une dérive droitière de l’UMP aixoise et en fait un argument de campagne. Qu’en est-il vraiment?

L’extrême droite est-elle soluble dans la droite classique aixoise ? La question se pose aujourd’hui alors que les postures de Maryse Joissains, député-maire UMP (droite populaire) et candidate à sa propre succession dans la 14e circonscription, sont présentées comme telle. Cherche-t-elle à rassembler le plus largement possible à l’image d’une campagne très droitière menée par Nicolas Sarkozy entre les deux tours de la présidentielle, ou a-t-elle dépassé la ligne jaune qui marque la frontière républicaine ? Retour sur quelques faits qui agitent le débat du moment.

Des embauches qui interpellent

« On ne peut pas dire qu’il y ait eu des actes affichés, estime Lucien-Alexandre Castronovo, longtemps élu PRG à la Ville d’Aix. Mais plutôt des gages qui ont été donnés, il y a comme des connivences souterraines ». En 2001, la campagne de Maryse Joissains tourne largement autour des thèmes sécuritaires. Elle s’était engagée, par exemple, à installer un système pour que chaque Aixois puisse appeler en appuyant sur un simple bouton la police ou le Samu. « Et entre les deux tours, à la municipale de 2001, Dominique Gajas a battu le rappel des troupes », se souvient un proche de Maryse Joissains à l’époque. Dominique Gajas ? L’ancien directeur général de la Semeva dans les années 70 et 80 avait mené en 1983 une liste aux municipales, « Aix d’abord », estampillée « divers droite ».

Mais « c’était clairement une liste frontiste », assure Alexandre Castronovo, qui avait réuni 5,83 % des suffrages. « Écarté » par la majorité socialiste Picheral, Dominique Gajas revient comme « consultant » à la Semepa après l’élection de Maryse Joissains en 2001. Si personne ne conteste ses compétences en matière d’aménagement, certains veulent voir dans sa collaboration avec la Semepa une forme d’adoubement d’une idéologie très droitière par Maryse Joissains. Même raisonnement – « C’est encore plus prégnant au vu du poste », note un observateur de la vie politique- pour l’embauche de Damien Bariller à la direction de la communication de la Semepa. Ancien membre du FN exclu en 1998, ce journaliste a été conseiller municipal d’Aix d’opposition de 1995 à 2001 et conseiller régional de 1992 à 2004. Il fut surtout l’un des très proches de Bruno Mégret lors de la constitution du MNR et est entré, à la fin des années 2000, au MPF, le mouvement villiériste.

Quand le FN se trompe d’heure

« Personne n’a intérêt à en parler : ni l’UMP qui serait taxée de faire alliance avec le FN, ni le FN qui serait accusé de perdre du terrain face à l’UMP, mais ce genre d’événements pose question », s’interroge-t-on au PS aixois, quant à la bévue du FN à la municipale de 2008. Honoré Beyer, qui conduisait la liste, était arrivé en préfecture à la fin du temps légal. En ayant oublié des documents essentiels pour déposer officiellement les candidatures. Il n’y a donc pas eu de représentants frontistes à cette élection-là. Et la liste intitulée « Droites aixoises » menée par Jean-Louis Garello et sur laquelle figurait Damien Bariller avait appelé à voter Maryse Joissains au second tour.

Des Roms à l’Algérie, Maryse Joissains choque

Que Maryse Joissains ait fait, en 2010, Jean-Pax Meffret, chanteur nationaliste et défenseur de l’Algérie française, « citoyen d’honneur de la ville d’Aix », qu’elle ait déclaré quelques années plus tôt à l’Express qu’elle n’avait rien contre le fait de baptiser une « rue Bastien-Thiry »1, sont interprétés comme autant de signaux envoyés vers l’extrême droite. En octobre 2011, le discours de Maryse Joissains lors de la commémoration de la Journée du souvenir devant le Mémorial français d’Algérie et des Rapatriés et d’Outre-mer, au cimetière St-Pierre, avait conduit le groupe d’opposition (PS-MoDem) à dénoncer ses propos auprès du Premier ministre Fillon, du secrétaire général de l’UMP Jean-François Copé et du président de l’Assemblée Bernard Accoyer (lire l’encadré). Tout récemment, la député-maire UMP lâchait, sans entrave : « Je ne veux plus un seul Rom sur ma commune », cristallisant un peu plus le sentiment d’une dérive droitière.

Le tract qui fâche… et les déclarations de Marine Le Pen

« Êtes-vous prêts à subir le vote des immigrés, l’immigration massive, la régularisation des sans-papiers, la perte de notre modèle social et surtout, le piétinement de nos valeurs républicaines ? », écrivait Maryse Joissains à l’attention « des électeurs du Front national » dans un tract entre les deux tours de la présidentielle. Et évoquant comme valeurs communes « l’hymne national, le drapeau, l’identité française, la patrie du droit et des devoirs de l’Homme… » Si le tract s’adressait aussi aux électeurs de la « gauche, de l’extrême gauche et du MoDem », les déclarations qui ont suivi de Maryse Joissains n’ont fait que conforter ses détracteurs. « Les valeurs de Marine Le Pen, je les ai toujours défendues », déclarait-elle à La Provence, se disant généralement en opposition avec le FN sur la sortie de l’Euro et de l’Europe. Une déclaration à laquelle avait répondu en écho Marine Le Pen, interrogée à la télévision, estimant « Maryse Joissains sincère ». Et quand la député-maire UMP réfute tout accord avec le FN, que son représentant départemental Laurent Comas juge ses postures droitières « Tartuffe », le conseiller régional FN Bernard Marandat assure pourtant que « des discussions existent avec l’UMP à Aix. »

Avec 17 % des suffrages dans la 14e circonscription pour Marine Le Pen au 1er tour de la présidentielle, il y a peu de chance qu’une triangulaire se fasse jour au 2e tour de la législative. D’autant que l’électorat de droite aura le choix entre un vaste spectre : de l’UMP Maryse Joissains au Nouveau Centre Michel Boulan – qui légitime en partie sa candidature par rapport à la posture jugée « trop droitière » de la député sortante – en passant par Josyane Solari (Siel-FN), Philippe Neveu, investi par le Rassemblement pour la France ou Pierre Cayol (Debout la République).

  1. Chef du commando qui a tenté d’assassiner le général de Gaulle au Petit-Clamart le 22 août 1962. Condamné à mort, il fut fusillé en 1963 et devint une icône pour certains nostalgiques de l’Algérie française.
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