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Édition du 1er au 15 décembre 2024
C'est au jugement qui a conduit au démantèlement de la stèle 1ère version que se sont attaqués deux particuliers. Ils ont perdu. / PHOTO ARCHIVES M.S.

Marignane : retour de la stèle devant le tribunal administratif

Le préfet des Bouches du Rhône vient de déférer au tribunal administratif la délibération du Conseil municipal de Marignane qui avait permis le retour de la stèle pro-OAS au cimetière Saint-Laurent Imbert. Cette démarche présente l’intérêt de renforcer la procédure initiée par cinq personnes, descendant de victimes de l’OAS, et par une association, Les amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs compagnons. Mais un autre point témoigne de l’importance accordée par le représentant de l’Etat à ce dossier : en effet, son déféré, sur lequel le tribunal ne pourra statuer au fond avant de longs mois, se double d’un référé-suspension, marquant l’urgence que le préfet attache à la cessation du préjudice grave résultant de l’exécution d’une délibération dont la légalité lui apparaît affectée d’un doute sérieux. Un dossier d'Emmanuelle Elbaz publié dans La Provence le 10 avril 20111, complété le 24 juillet 2011 par une décision de justice.
[Mis en ligne le 10 avril 2011, mis à jour le 24 juillet 2011]

La préfecture défère la délibération du conseil municipal devant le tribunal administratif

C'est au jugement qui a conduit au démantèlement de la stèle 1ère version que se sont attaqués deux particuliers. Ils ont perdu. / PHOTO ARCHIVES M.S.
C’est au jugement qui a conduit au démantèlement de la stèle 1ère version que se sont attaqués deux particuliers. Ils ont perdu. / PHOTO ARCHIVES M.S.
Comme nous le révélions déjà dans nos colonnes le 16 février dernier, la délibération adoptée en conseil municipal du 27 octobre 2010 n’est pas passée comme une lettre à la Poste en contrôle de légalité à la préfecture. Elle a même totalement échoué et va se retrouver devant le tribunal administratif.

Cette délibération portait sur une convention entre la mairie et l’Adimad (Association de défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus et exilés politiques de l’Algérie française) pour adopter le retour de la
« stèle de la discorde », dans une version certes modifiée.

Et alors que le contrôle de légalité n’était pas arrivé à son terme, (et que l’Adimad a demandé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat pour tenter d’obtenir l’annulation du jugement éradiquant l’arrêté autorisant la première stèle), la municipalité a tout de même décidé de remettre en place la stèle, le 11 mars, jour de l’anniversaire de la mort de Jean-Marie Bastien Thiry.

La préfecture avait en effet émis des observations sur cette délibération et le maire, Eric Le Dissès, avait répondu par courrier. Mais cette réponse n’a visiblement pas convaincu la préfecture qui, après avoir attendu que les élections cantonales se soient déroulées – apparemment pour ne pas les troubler – a décidé de déférer la délibération devant le tribunal administratif de Marseille, avec une requête en référé-suspension, dont l’audience est prévue le jeudi 28 avril à 14 h ainsi qu’une procédure plus longue pour que le tribunal statue sur le fond.

La préfecture souhaite « que le tribunal dise le droit, et rien que le droit » et estime que la stèle comporte « des dates qui pourraient être contestables, comme le 24janvier 1960, qui correspond au début de la Semaine des Barricades où il y a eu des morts parmi les forces de l’ordre françaises ».
En effet, 14 gendarmes y trouvèrent la mort.

Il n’y a pas que la préfecture qui a trouvé à redire à cette convention, une action auprès du tribunal administratif a également été engagée par des particuliers, des familles de victimes de l’OAS. Les deux procédures pourraient donc être jointes, si le tribunal le décide.

La stèle, ou plutôt cette fois, la délibération autorisant sa réinstallation, n’en a donc toujours pas fini avec les tribunaux…

Un véritable imbroglio judiciaire

La stèle a déjà fait l’objet, directement ou indirectement, de plusieurs
procès, depuis son installation grâce à un arrêté, sous la mandature
de Daniel Simonpiéri, en 2005. Quelques dates clés.

  • Juillet 2008. Le tribunal administratif annule l’arrêté municipal de
    2005 qui avait permis sa construction. Et fait injonction à la Ville « de prendre toutes les mesures nécessaires à l’enlèvement de la stèle
    dans un délai de quatre mois, sous astreinte de 100 € par jour de retard,
    passé ce délai »
    et condamne la commune à verser 1000€ de frais
    de justice à Jean-François Gavoury, fils de Roger Gavoury, commissaire
    central d’Alger, assassiné dans la nuit du 31 mai au 1er juin 1961.
    Le maire n’avait pas fait appel.
  • Septembre 2008. L’Adimad, elle, décide de faire appel de la décision
    du tribunal administratif. Mais en novembre 2008, le maire Eric
    Le Dissès fait exécuter la décision du tribunal en faisant retirer la stèle.
  • Décembre 2008. L’Adimad ayant déposé un référé contre la Ville
    pour « voie de fait sur une propriété privée », il est examiné par le tribunal
    de grande instance d’Aix. Qui estime notamment qu’il « n’y a pas
    atteinte à son droit de propriété sur la stèle dont le déplacement s’est
    effectué sans dégradations établies, l’emplacement concédé relevant
    du domaine public »
    et que « le maire devait effectivement prendre toutes
    les mesures nécessaires à l’enlèvement de la stèle »
    . Et déboute
    l’Adimad de sa demande de prise en charge des frais de procédure.
  • Février 2009. La cour administrative d’appel rejette la demande
    de sursis à exécution du jugement de juillet 2008 du tribunal administratif,
    enjoignant au maire de faire enlever la stèle.
  • Novembre 2009. La cour d’appel d’Aix examine la demande de
    l’Adimad, qui réclame que la stèle soit remise à sa place par le maire
    et que ce dernier lui verse 2500 €.
  • Mars 2010. Requêtes en tierce-opposition introduites par MM. Gérard
    Baudry et Philippe de Massey, anciens activistes de l’OAS, devant
    le tribunal administratif, en vue d’obtenir l’annulation de sa décision
    en date du 7 juillet 2008 annulant l’arrêté du maire de Marignane du
    23juin 2005. Le président de la 1ere chambre du tribunal administratif
    décide de la réouverture de l’instruction de l’affaire, le 26 janvier dernier.
    La démarche des requérants est intervenue avant que la cour
    administrative d’appel de Marseille ne se prononce (voir ci-dessous),
    mais la décision de réouverture de l’instruction (janvier 2011) a été
    prise postérieurement à l’arrêt de la cour administrative d’appel.
  • 23 Avril 2010. La cour administrative d’appel de Marseille confirme
    l’annulation de l’arrêté autorisant la stèle. Elle décide que la commune
    doit verser 3000 € à l’Adimad et 1500 € pour les frais de justice. Et
    que l’Adimad doit verser 1500 € à Jean-François Gavoury. L’Adimad
    annonce alors un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat. Le
    5 janvier 2011, le Conseil d’Etat admet le recours en cassation et le met
    à l’instruction.

Les deux parties réagissent

Pour Jean-François Collin, président de l’Adimad, cette procédure n’est pas vraiment une surprise : « C’était une possibilité, Eric Le Dissès avait pourtant répondu de manière très argumentée à la préfecture et il pensait que cela suffirait ».

Mais l’homme est plutôt serein : « On a l’habitude des tribunaux à ce propos. On n’a pas tellement de craintes. Bon, là, il n’y a que la mairie qui est attaquée, mais on va se joindre à la défense. On plaidera concomitamment
contre la préfecture. L’argument du préfet est très faible, il dit qu’à l’évidence,
l’installation de cette stèle partisane dans un cimetière, où doit régner la sérénité, ne répond pas à un besoin d’intérêt communal et que l’absence d’intérêt général justifiant les actes en cause est constitutif d’un détournement
de pouvoir. Mais l’intérêt général, c’est au maire d’en décider, pas au préfet. Et là, le préfet veut faire plaisir à Jean-François Gavoury qui est un très haut fonctionnaire à la retraite »
.

Pour Jean-François Collin, le problème,
« c’est que les tribunaux sont très politisés ».

Pour Jean-François Gavoury. « Le contexte dans lequel la délibération litigieuse a été conçue, puis adoptée et enfin exécutée le 11 mars 2011 ne pouvait qu’exposer la commune de Marignane à l’opprobre. Déjà, imaginer
une convention où la signature d’un maire voisine avec celle d’un terroriste a de quoi heurter toute conscience normalement constituée. Mais la soumettre à débat pour permettre à un Daniel Simonpieri, autrefois exécré, de se livrer en séance à l’apologie publique des crimes de guerre commis au nom de l’OAS par des déserteurs de l’Armée française dépasse l’entendement. Enfin, pour
couronner l’exercice antirépublicain, Éric Le Dissès fait procéder, le jour anniversaire de la mort de Bastien-Thiry, à la réinstallation d’une stèle qu’il avait lui-même qualifiée d’inacceptable en octobre 2004 en tant qu’elle
“glorifiait des actes totalement répréhensibles”.

Chacun pourra voir comment, de son côté, le tribunal administratif de Marseille
apprécie qu’un cénotaphe dont il avait obtenu le démantèlement effectif au prix de maintes péripéties ait pu être réinstallé sans que sa décision l’ordonnant n’ait été annulée. Participer à la promotion de la sédition, défier l’autorité de l’État et celle de la justice, voilà qui a un coût et pas seulement en termes
d’image : une fois de plus, avec Le Dissès comme avec Simonpieri, les Marignanais risquent d’avoir à faire les frais de la soumission de leurs élus au diktat d’une association étrangère à leur commune et au département ! »

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Mise à jour du 24 juillet 2011

Marignane – Stèle : deux anciens de l’OAS perdent en justice

par E. EB., La Provence, 24 juillet 2011

La stèle de  Marignane (seconde version).
La stèle de Marignane (seconde version).

La stèle de Marignane continue de faire parler d’elle. Nous l’évoquions dans notre édition du 27 avril, une nouvelle procédure judiciaire avait été engagée le 29 mars 2010, devant le tribunal administratif de Marseille, par MM.Gérard Baudry et Philippe de Massey.

Il s’agissait d’une requête en tierce-opposition, ce qui en droit, s’explique ainsi: « Si des personnes n’ont pas été parties à la procédure ou qu’elles n’y ont pas été représentées, alors qu’elles avaient intérêt à y défendre leurs droits, elles peuvent alors faire à nouveau juger les dispositions du jugement qui leur font grief en introduisant une procédure dite ‘tierce-opposition’. »

Les deux hommes, anciens activistes de l’OAS, contestaient le jugement du 7 juillet 2008 rendu par le tribunal administratif, qui avait décidé de faire enlever la stèle, première version. Ils estimaient qu’ils auraient pu être partie à l’instance ayant abouti au jugement du 7 juillet 2008 et demandaient que celui-ci soit déclaré non advenu.

Le tribunal vient de leur donner tort, considérant en premier lieu que les deux hommes « n’avaient pas personnellement présenté la demande à l’origine de la décision annulée par le jugement litigieux, n’avaient pas à être appelés comme partie dans l’instance qui a donné lieu au jugement contre lequel ils forment une tierce-opposition, qu’en deuxième lieu, la circonstance qu’ils sont en désaccord avec les motifs du jugement critiqué n’est pas de nature à établir que celui-ci préjudicie à leurs droits, que leurs requêtes en tierce opposition sont irrecevables et doivent être rejetées. »

Le tribunal rappelle également, dans son jugement que M.Baudry a été « condamné à mort par la Cour de sûreté de l’État, le 29 avril 1964, pour complots, assassinats, usage de faux documents administratifs, peine commuée en réclusion criminelle à perpétuité, en raison de son action dans le cadre de l’Organisation de l’armée secrète, qui l’a conduit notamment à assassiner le commandant Kubasiak, commandant de la base militaire de Blida ». Et concernant Philippe de Massey, il rappelle que celui-ci « a fait l’objet par défaut d’une condamnation à 15 ans de détention criminelle le 29 avril 1964 par la Cour de sûreté pour complot contre la sûreté de l’État, pour des faits liés à la guerre d’Algérie ».

Les requêtes des deux hommes ont été rejetées et ils ont été condamnés à verser chacun 500 € à Jean-François Gavoury, fils de Roger Gavoury, le commissaire central d’Alger assassiné par l’OAS.

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