« Une nouvelle stèle, une nouvelle guerre »
Retour au tribunal administratif du totem des nostalgiques de l’OAS à Marignane. Version tenue de camouflage.
La stèle, Saison 2. Érigé en juillet 2005, démonté en novembre 2008, remonté en mars 2011, le bout de marbre à 8 200 euros du cimetière de Marignane a resurgi hier devant le tribunal administratif de Marseille où le monument révisionniste de l’OAS n’en finit pas de se jouer des vivants et des morts. Et de gaver les juges.
Il suffisait au sortir de l’audience d’observer deux membres chenus de l’Association amicale pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus et exilés politiques de l’Algérie française (Adimad) se marrer comme des potaches de leur bonne farce, pour jauger les motivations à l’origine de ce totem pseudo-mémoriel.
Des personnes liées par des convictions personnelles…
« Une guerre, une stèle. Une nouvelle stèle, une nouvelle guerre », a d’abord soupiré le rapporteur public, M. Delvolvé. Paradoxalement, il devait conclure en faveur du maintien de cette stèle aux « similitudes évidentes » avec la première mais épurée des trois dates qui évoquaient la condamnation à mort pour crime de guerre et de sang de quatre égéries de l’OAS. A ses yeux, il ne faudrait dès lors plus y voir « l’expression de l’apologie de crimes » mais rien qu’un « hommage collectif de personnes liées par des convictions personnelles ».
Pour mieux l’écarter, il avait pris soin de citer le Conseil d’Etat dans son arrêt du 14 novembre 2011 qui, pensait-on, aller mettre un point final à ce scandale : « Cette stèle ne constituait pas un simple monument commémoratif à la mémoire de personnes défuntes mais manifestait une prise de position politique et procédait à l’apologie de faits criminels. »
Le trouble à l’ordre public et à la sérénité des lieux
Dénonçant la délibération du conseil municipal de Marignane du 27 octobre 2010 qui a permis au maire Eric Le Dissès (UMP) de signer le retour en mars 2011 de cette stèle dédiée « aux combattants tombés pour que vive l’Algérie Française », Me Dany Cohen a dit pour les 5 requérants combien « elle est par son caractère massif et ostentatoire de nature à troubler l’ordre public et à porter atteinte à la sérénité des lieux ». « La stèle a toujours un caractère illégal, excessif et provocateur. Ce n’est sûrement pas dans un cimetière que l’on peut l’y laisser. »
« Mon père et ses collègues ont été assassinés par des membres de l’OAS que glorifie cette stèle de Marignane remise en place et qui relève de la même intention. Il nous paraît impensable que des criminels de l’OAS soient érigés en héros par un tribunal de la République ! », a dit Jean-Philippe Ould Aoudia un des cinq requérants. Il préside l’association les Amis de Max Marchand, Mouloud Feraoun et de leurs compagnons constituée partie civile aussi. « Comment un conseil municipal peut-il prêter son concours à ceux qui cherchent à héroïser ceux qui ont assassiné ?! Peut-on tolérer que ce cimetière reste le théâtre d’un hommage à des factieux et la stèle la scène de ceux qui valorisent la frénésie homicide et piétinent la mémoire des victimes ? », a ajouté Jean-François Gavoury dont le père, Roger Gavoury, commissaire de police, est mort poignardé à Alger le 31 mai 1961 par un commando de l’OAS.
« Ces prétendus assassinats », osera Me Daniel Vaillant, conseil remonté de l’Adimad qui brandit les lois d’amnistie et menace de procès.
« Purger cette stèle de ses vices intrinsèques »
« Cette saga n’a que trop duré. Il est temps de faire venir la paix de l’esprit », plaidait Me Duhil de Bénazé pour la commune de Marignane. La ville jadis FN justifie son monument de la discorde non pour de vils profits électoraux mais juste parce que « consciente des sentiments à vif », elle « a voulu permettre à une partie de la population d’honorer ses morts ». « Les dates fortement polémiques ont été censurées pour purger cette stèle de ses vices intrinsèques. Plus aucune mention ne les relie directement à l’ancienne stèle. Aucune apologie de crime n’y est inscrite », concluait-il. Certains y ont vu comme un goût de reconnaissance implicite.