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Édition du 1er juillet au 15 juillet 2024

Les vidéos « Je révise avec toi »:
une instrumentalisation idéologique
qui tourne au négationnisme

« Je révise avec toi » : c'est l'intitulé d'une de ces chaînes Youtube qui prétendent aider les élèves dans l'apprentissage de l'histoire. Celle-ci, destinée aux écoliers et collégiens, est particulièrement problématique. Réviser l'histoire avec elle peut s'entendre ici dans le sens de révisionnisme. Le Comité de vigilance sur les usages publics de l'histoire (CVUH) analyse ici deux de ses nombreuses vidéos, consacrées l'une à l'histoire coloniale de la France, l'autre aux Croisades. Dans les deux cas, s'étale un roman national digne des manuels scolaires du XIXe siècle, à mille lieux de la connaissance historique contemporaine, bourré d'erreurs factuelles, d'anachronismes et de biais politiques nationalistes et islamophobes. L'association PHDN (Pratique de l’Histoire et Dévoiements Négationnistes) a également dénoncé sur son compte Twitter une vidéo de la même chaîne sur la Seconde Guerre Mondiale, qu'elle qualifie de négationniste. Une enquête de Libération a montré les liens étroits entre l'association productrice de ces vidéos et l'extrême droite la plus radicale.

Les vidéos « Je révise avec toi » :
une instrumentalisation qui tourne au révisionnisme

par Fanny Madeline, publié 11 janvier 2023 par le CVUH.
Source

Une chaine Youtube intitulée « Je révise avec toi » propose toute une série de vidéos problématiques par leur manière de raconter l’histoire. Marquées par un penchant pour le roman national, elles proposent une lecture biaisée voire erronée de l’histoire, déconnectée des avancées de la recherche scientifique. On vous explique pourquoi pour plusieurs d’entre elles.



La vidéo #35 sur L’EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS AU XIXème SIÈCLE

Avant même la 1ère minute de diffusion, la vidéo propose cette image (ci-dessous) avec le commentaire « la Méditerranée était infestée de barbaresques », les flèches suggérant que les « barbaresques » venant du Maghreb « migreraient » vers le nord de la Méditerranée. Le choix d’un vocabulaire dépréciatif, sous couvert du fait qu’il s’agissait du vocabulaire de l’époque, a du mal à cacher le racisme sous-jacent du propos. Elle fait passer les Algériens pour des pirates alors que l’Algérie était une province rattachée à l’empire ottoman, gouvernée par un Dey et son administration. C’est par ailleurs la convoitise des États européens qui est à l’origine de la colonisation de l’Algérie, et les activités de corsaires soutenues par le Dey ne sont qu’un prétexte qu’on ne saurait faire passer pour la véritable cause.

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Selon Jean-Pierre Peyroulou, Ouanassa Siari Tengour et Sylvie Thénault, « 1830-1880 : la conquête coloniale et la résistance des Algériens », dans A. Bouchène éd., Histoire de l’Algérie à la période coloniale. 1830-1962, La Découverte, 2014, pp. 17-44, « à l’origine du différend entre la France du roi Charles X (1757-1836) et le dey d’Alger, Hussein (1765-1838), soutenu par l’Angleterre, se trouve une livraison de blé algérien au Directoire sur laquelle pesait une affaire assez confuse de créance de deux marchands juifs de Livourne, Joseph Cohen-Bacri et Michel Busnach. Hussein Dey reprochait à la France de ne pas honorer cette créance. Le 27 avril 1827, il perdit patience au cours d’un entretien avec le consul de France à Alger, Pierre Deval, lui donnant alors un “coup d’éventail” – en réalité un chasse-mouches. Le Premier ministre de Charles X, Joseph de Villèle (1773-1854), décréta un blocus de la côte algérienne. En représailles, un navire français fut canonné par Alger. »

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A 1’37, la vidéo montre Abd-el-Kader qui a dirigé la résistance aux Français en tentant d’unifier les populations des territoires, à l’aide de l’invocation au djihad, en train de dire « mort aux infidèles » ! Il s’agit alors visiblement de le faire passer pour un fanatique islamiste alors que l’appel au djihad était un instrument de résistance et d’unification religieuse de populations très hétérogènes mais qui avaient l’Islam comme religion commune. L’anachronisme, visiblement islamophobe, vise à faire passer Abd-el-Kader pour l’agresseur. Un comble.

Selon les auteurs et autrices citées précédemment, « La guerre menée par les Algériens n’était pas celle d’une armée professionnelle ou spécialement recrutée à cet effet : le combattant algérien était d’abord un paysan, un berger ou un artisan qui défendait sa terre et sa religion au sein de sa tribu. C’est pourquoi, à l’exception des réguliers d’Abd el-Kader, il ne combattait pas loin de chez lui. »

La vidéo attribue également la victoire française au duc d’Aumale qui aurait détruit le camps d’Abd-el Kader, mais ce qui a permis sa reddition en 1847, ce sont les méthodes employées par Bugeaud.

Je cite encore : « Afin de briser une population en armes, l’armée française pratiqua ainsi une guerre totale, aux méthodes effroyables. Les “enfumades” du Dahra de 1845 sont ainsi restées comme l’un des pires épisodes de la conquête, au point qu’elles soulevèrent la condamnation d’une partie de l’opinion française. En juin, le colonel Pélissier fit allumer un brasier à l’entrée d’une caverne où s’était réfugiée une partie de la tribu révoltée des Ouled Riah, provoquant la mort de plus de sept cents personnes.[…] Les insurgés de l’oasis de Zaâtcha furent massacrés par le général Émile Herbillon en novembre 1849 et, dans l’Aurès, le colonel François de Canrobert mit le feu à Nara en janvier 1850. En décembre 1852, la prise de Laghouat tourna au « carnage ». (ibid.)

Alors que la vidéo présente la défaite d’Abd-el-Kader comme la soumission définitive de l’Algérie à la France, en réalité, les résistances continuèrent longtemps face aux atrocités commises par les Français après 1847.

Une fois ces éléments relativement détaillés donnés pour « expliquer » la colonisation de l’Algérie, le traitement expéditif de la colonisation de l’Indochine laisse sur sa faim. On pourrait s’interroger sur le sens de cette indifférence voire de négligence dans le traitement de cette histoire coloniale de l’Asie, mais on retiendra que le propos s’en est tenu à des éléments principalement factuels.

A la 4’19, on apprend ensuite que la colonisation de l’Afrique subsaharienne, qui s’accompagne de missions de christianisation, contribue à améliorer la santé et l’instruction des peuples colonisés. Mais rien n’est dit étrangement sur les mauvais traitements qu’ils ont subis, les massacres, le travail forcé, l’exploitation, la spoliation, etc.

On apprend en revanche que les colons envoyés dans les colonies ont durement travaillé pour développer les activités économiques, mais rien sur la part des peuples colonisés qui ont pourtant fourni l’essentiel de ce travail dans des conditions d’exploitation proches de l’esclavage.

En 1848, l’abolition de l’esclavage, justement, est présentée à 4’55 comme une avancée que les Français auraient apporté à l’Afrique, comme si le problème de l’esclavage à cette date était la traite intra-africaine ! C’est vilement cacher qu’elle était fondamentalement stimulée par la traite transatlantique qui déporta plus d’un million d’Africains.

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Les peuples colonisés auraient ainsi gagné des avantages à la colonisation, apprend-on à la 5e minute : de nouvelles techniques agricoles et toutes les infrastructures nécessaires à l’exploitation de ces territoires.

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Lyautey est ainsi présenté comme un grand humaniste qui respecte la culture des peuples « autochtones », le même qui avait envisagé d’utiliser une arme ultime contre les Rifains, l’ypérite (ou « gaz moutarde », une terrible arme chimique), dont lui-même et Moulay Youssef avaient pourtant condamné l’utilisation par les Espagnols.

Au passage la colonisation de l’Amérique est présentée comme comparativement mauvaise puisque que les indiens ont été « chassés ». Ce terme ne manque pas de sel quand on sait que plusieurs études scientifiques ont montré qu’il y a bien eu une extermination des Amérindiens, et qu’il est même possible de parler d’ethnocide, voire de génocide, même si ce dernier terme est contesté. Voir sur ce point Nelcya Delanoë, « Américains et Amérindiens », dans [Manière de voir, août 2004 ; Élise Marienstras, « Guerres, massacres ou génocides ? Réflexions historiographiques sur la question du génocide des Amérindiens », dans David El Kenz (dir.), Le Massacre, objet d’histoire, Gallimard, coll. « Folio histoire », 2005, p. 275-302.]]

La fiche “révision” est digne d’un rare « révisionnisme », en effet, tant elle met en valeur les « bienfaits » de la colonisation en passant sous silence le poids bien plus considérable de ses méfaits. La conclusion sur la désolation de cet empire perdu et de la France qui « a perdu l’essentiel de ses colonies depuis 1945 » ajoute une pointe de nostalgie OAS à cette vidéo que l’on vous déconseille d’utiliser pour toutes ces raisons et bien d’autres.

« La video “Je révise avec toi” sur l’histoire de la colonisation est tout juste digne d’un manuel scolaire de la 3e république coloniale. Un exposé supposé neutre sinon glorifiant l’épopée coloniale. Aucune problématique ne serait-ce qu’esquissée, sur ce qu’est la colonisation, sur l’esclavage dans les colonies jusqu’en 1848, sur qui étaient les colonisés, sur l’évolution et le pourquoi de la décolonisation, sur l’indépendance “qui est une autre histoire”. Bref une leçon d’ignorance prolongée. »

[/Catherine Coquery-Vidrovitch/]


Les vidéos « Je révise avec toi » :
les Croisades sur une mauvaise route

par Florian Besson, publié par le CVUH le 17 janvier 2023.
Source


La vidéo #31 sur LES CROISADES

« Les croisades sont des expéditions militaires menées par les chrétiens pour libérer la ville de Jérusalem des mains des musulmans ». Ainsi présentée, cette définition qui ouvre la vidéo est fausse. Impossible en effet de mettre « libérer Jérusalem » dans la définition de ce qu’est une croisade, étant donné qu’un grand nombre sont lancées, et ce dès le XIIIe siècle, vers d’autres destinations : en Europe du nord contre les Baltes, dans le sud de la France contre les Albigeois, ou même vers des souverains chrétiens alors en bisbille avec le pape. Au sens strict, la croisade est un pèlerinage armé, à vocation pénitentielle (y participer permet de racheter ses péchés), ordonné par le pape. Les plus célèbres sont en effet lancées vers la Terre sainte, mais cette destination ne fait pas partie de l’identité profonde de ce qu’est la croisade.

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La carte est fausse. Autant l’erreur sur « empire byzantin » peut être acceptée car c’est un usage pédagogique omniprésent, autant présenter un seul immense « empire musulman » est bien sûr incorrect. Au XIe siècle, le Dar al-Islam est profondément divisé, ne serait-ce qu’entre les Abbassides de Bagdad, dynastie sunnite, et les Fatimides du Caire, dynastie chiite. Étant donné que c’est précisément cette division qui permet les succès des premiers croisés, l’omettre semble particulièrement malhabile, voire malhonnête : une manière de surestimer l’unité d’un islam présenté comme uniformément menaçant et agressif.

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« Les musulmans occupent une partie de l’Espagne, l’Afrique du Nord, le Proche et le Moyen-Orient ». L’histoire est une science rigoureuse et les mots ont un sens. En l’occurrence, ce « occupent » fait tiquer : après tout, on n’a pas entendu, quelques secondes auparavant, que « les chrétiens occupent la France » ! Le choix du terme permet de présenter les musulmans comme des « occupants », donc in fine comme illégitimes – a fortiori en français, langue dans laquelle le terme « d’occupation » charrie un imaginaire historique précis. En outre, signalons que cette présentation rapide oublie, comme trop souvent, les chrétiens d’Orient : au XIe siècle, ceux-ci sont pourtant nettement majoritaires dans le monde islamique.

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« Les Seljoukides décident d’interdire l’accès aux Lieux Saints et menacent la chrétienté toute entière ». Le premier élément de la phrase est vrai, et cette fermeture des Lieux Saints est bel et bien l’une des causes (lointaines) des croisades. Mais la seconde partie de la phrase est fausse. En 1095, quand le pape Urbain II prêche la première croisade, les Seljoukides ne sont déjà plus dans une dynamique de conquêtes, et se divisent au contraire en émirats rivaux. La chrétienté n’est absolument pas menacée : au contraire, la première croisade participe d’un nouveau dynamisme de l’Occident, alors en pleine croissance économique et démographique. Les sources musulmanes de l’époque insistent d’ailleurs sur le fait que ce sont dorénavant les chrétiens qui passent à l’offensive. L’erreur commise par la vidéo est ici lourde de sens, car il s’agit d’une vision de l’histoire chère à la droite traditionnelle et à l’extrême droite, qu’on retrouve par exemple sous la plume d’un Eric Zemmour : décrire une chrétienté menacée par les musulmans permet de présenter les croisades comme des guerres défensives, donc d’en légitimer l’existence, tout en jouant plus ou moins discrètement sur des images xénophobes qui fantasment « le musulman » sous les traits d’un éternel envahisseur.

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La carte est fausse, bien sûr : non seulement la France n’existe pas encore à l’époque, ni comme réalité géopolitique ni même encore comme idée, mais en outre, elle n’aura pas ces frontières avant des siècles. L’anachronisme, ici, ne s’explique même pas par volonté de simplification pédagogique : c’est juste un moyen commode, quoiqu’usé jusqu’à l’os, de reprendre une vision nationaliste des croisades en glorifiant le rôle des Français. En l’occurrence, la suite de la vidéo cite d’ailleurs le comte de Toulouse, le duc de Normandie ou le duc Godefroy de Bouillon : trois seigneurs qui ne sont… pas français.

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La tournure est, au mieux, très maladroite, et semble sous-entendre que les différents ordres religieux-militaires ici présentés existent encore – alors que seuls les Hospitaliers, sous une forme profondément transformée, ont duré jusqu’à aujourd’hui. La vidéo passe à côté de l’occasion de faire de l’histoire – on aurait pu expliquer comment la croisade pousse à la formation de ces ordres, innovation religieuse majeure à l’époque – et se contente d’une forme d’apologétique chrétienne molle.

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Pour l’Oscar du bon souverain, est nominé… Plus sérieusement, rappelons qu’en histoire on ne juge pas, on ne classe pas entre « bons souverains » et « pas bons souverains ». L’idée même prête à sourire, mais, présentée dans une vidéo à destination d’élèves du secondaire, elle est plus énervante que ridicule, et est dans tous les cas radicalement an-historique.

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En réalité, la suite de la vidéo permet de comprendre que ce « bons souverains » n’est pas qu’une coquille de langage. La vidéo explique en effet que ces rois de Jérusalem ont permis le « développement pacifique » des États latins, ce qui est une aberration totale. Les États latins vivent au contraire dans un état de guerre permanente, et leurs souverains multiplient les offensives pour agrandir leurs territoires : les États latins ne se forgent qu’au gré de conquêtes successives, durables (Ascalon) ou pas (l’Egypte, brièvement tenue par Amaury II). Sur toute la durée de sa chronique, Foucher de Chartres ne recense par exemple qu’une seule année sans guerre : et, significativement, il écrit qu’il n’a rien à dire pour cette année là, puisqu’il n’y a pas eu de combats… L’idée d’un Orient latin chrétien donc pacifique est donc totalement fausse.

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La carte est fausse, à nouveau : le commerce médiéval est bien sûr très majoritairement maritime, pour des raisons logistiques évidentes. C’est la Méditerranée qui est le grand carrefour des échanges, pas l’aride Anatolie !

On réalise bien à ce stade qu’on a quitté la leçon d’histoire pour tomber dans l’historiette morale au mieux, la propagande politique au pire. On nous explique en effet que les « bons souverains » chrétiens ont su régner pacifiquement, ce qui a permis le développement du commerce, mais qu’ensuite « les Turcs reprennent leurs attaques », et patatras. Gentils chrétiens qui commercent contre méchants Turcs qui attaquent : il s’agit bien ici de se servir de l’histoire des croisades pour proposer un message politique censé résonner avec notre époque contemporaine.

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Ici encore, la vidéo assume son biais totalement christiano-centré. La quatrième croisade est une « catastrophe », car les croisés pillent Constantinople, ville chrétienne, alors qu’évidemment la première croisade était une superbe victoire, puisque cette fois on avait conquis une ville musulmane… Là encore, ce vocabulaire n’a rien d’historique : il est important au contraire d’apprendre à nos élèves que l’histoire ne consiste pas à juger, mais à étudier les sociétés du passé.

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Cela peut avoir l’air d’un détail, mais on dit « Louis IX », pas saint Louis. Par définition, de son vivant, Louis n’était pas encore saint… Dire « Saint Louis mène la croisade » est donc un anachronisme, ou plutôt une vision téléologique (quand on regarde l’histoire par la fin). Ici, vu le reste de la vidéo, il paraît évident que parler de « saint Louis » n’est pas simplement une facilité de langage, mais un moyen conscient et choisi de s’inscrire dans une vision chrétienne de l’histoire.

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On termine avec cette petite « fiche de révisions », qui reprend donc toutes les erreurs précédemment énoncées, et en commet d’autres. S’il est indéniable que Godefroy de Bouillon et Richard Cœur de Lion deviennent, dès leur époque, des mythes chevaleresques, impossible d’en dire autant pour Baudouin IV : le roi-lépreux de Jérusalem est un personnage peu connu dans l’Europe médiévale, et ce n’est qu’au XIXe siècle qu’on l’a peu à peu réinventé comme héros tragique (avant que le Kingdom of Heaven de Ridley Scott n’enfonce le clou). Quant à Frédéric II, c’est encore pire : cet empereur avait une réputation sulfureuse, et fut plusieurs fois excommunié par l’Église ! Bref, à trop vouloir chercher des mythes partout, on se prend les pieds dans le tapis : une autre bonne raison d’éviter d’utiliser en classe cette vidéo qui n’apprendra rien, à part que le roman national cher à la droite traditionaliste a la vie dure.

Voir également le fil Twitter de l’association Pratique de l’Histoire
et Dévoiements Négationnistes (PHDN)

ainsi que l’enquête de Libération sur les animateurs de « Je révise avec toi »

Lire sur notre site :

• Dans la classe de l’homme blanc, L’enseignement du fait colonial des années 1980 à nos jours, par Laurence De Cock

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